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AME

y a cent mille ames dans cette ville ; pour dire, il y a cent mille habitans de tous âges & de tout sexe. Il ne voit ame vivante, ou ame qui vive ; pour dire, il ne voit personne. Il n’y avoit pas une ame au logis.

Ame, signifie aussi, la personne qu’on affectionne extrêmement. Ma chère ame, mon ame, & se dit particulièrement des maîtresses. Anima, animula, corculum. Si quelque amant veut vous payer en vous nommant son ame, vous n’entendez pas des termes si courtois. Voit.

l’Ame d’une devise, est le mot qui accompagne la figure qu’on appelle le corps de la devise. Lemma. Une bonne devise doit être composée d’un corps & d’une ame ; c’est-à-dire, d’une figure, & de certaines paroles. On a donné à la figure le nom de corps, & aux paroles celui d’ame, parce que comme le corps & l’ame joints ensemble font un composé naturel, certaines figures, & certaines paroles étant unies, font une devise. Bouh. Le mot de la devise doit être proportionné à la figure ; car l’un & l’autre devant faire un composé semblable en quelque façon à celui que la matière & la forme font ensemble, il est nécessaire qu’il y ait de la proportion entre l’un & l’autre, à peu-près comme il y en a entre la matière & la forme. Cette proportion demande que le mot convienne au corps dont il est l’ame, & qu’il lui convienne desorte qu’il ne puisse convenir à une autre figure, non plus qu’à l’ame de l’homme ne peut convenir le corps du lion. Par exemple, une mer sous une lune, ut variat moveor. Une barre de fer sur l’enclume : Se non arde, non si piega. Ces ames sont proportionnées à leurs corps, & ne peuvent s’appliquer à d’autres pour faire le sens qu’elles font. Bouhours.

Ame. Terme de Lutier, & de Musique. C’est un petit morceau de bois droit, qu’on met dans le corps de l’instrument de musique directement sous le chevalet, pour soutenir la table. Ame de viole. Ame de violon.

Ame. Terme d’Ecrivain. On appelle ame, ce qui est enfermé dans le creux d’un tuyau de plume. Quand on tranche une plume pour écrire, il en faut arracher l’ame, autrement elle s’imbibe d’encre & fait pocher.

Ame. Terme d’Artificier. On appelle ainsi le trou conique qu’on pratique dans le corps d’une fusée volante le long de son axe, afin que la flamme s’y introduise promptement & assez avant pour la soutenir.

Ame, se dit aussi des petites feuilles de tabac, dont on remplit le dedans de ce qu’on nomme aux îles, Andouilles de tabac.

On appelle l’ame d’un rôle de tabac, le bâton autour duquel le tabac cordé est monté. Quelques-uns disent l’aissieu.

Ame, chez les Boisseliers. C’est un morceau du cuir qui forme dans le soufflet une espèce de soupape, qui y laisse entrer le vent lorsqu’on écarte les deux palettes du soufflet, & l’y retient lorsqu’on les comprime l’une contre l’autre ; ce qui oblige l’air contenu dans la capacité de passer par le tuyau appelé porte-vent, qui le porte au lieu où on le destine.

Ame, chez les Sculpteurs & Fondeurs, se dit du noyau, ou des figures de terre, ou de plâtre, qui servent à former celles qu’en jette en bronze. Typus, forma. On le dit aussi de l’ébauche des figures de stuc, qu’on forme grossièrement de plâtre, ou d’autre matière, avant qu’on les finisse, en les couvrant de stuc. On se sert quelquefois de ces mots pour exprimer le soutien de certains fruits. Dict. de James.

Ame, se dit aussi du creux & de l’ouverture du canon, du lieu où on met la poudre, & le boulet. Tormenti alvus.

☞ On appelle populairement l’ame d’un fagot, les menues branches qui sont au milieu du fagot, au milieu des paremens.

On appelle proverbialement, un corps sans ame, un corps qui est sans chef, ou qui n’a pas les choses nécessaires pour le faire subsister. On appelle aussi, ame damnée de quelqu’un, celui qui lui est entièrement dévoué, & disposé à tout entreprendre pour lui, même les choses les plus injustes. C’est son ame damnée. La bonne ame ! dit-on ironiquement. En rebus on met la lettre M pour signifier ame, parce qu’autrefois cette lettre se prononçoit am, & non pas em, comme on fait maintenant. Ainsi on trouve dans quelques épitaphes, priez pour son M, c’est-à-dire, pour son ame. J’ai vu dans de vieilles Heures imprimées en 1496 à Paris par Antoine Chappiel un rebus manuscrit, contenant l’épitaphe d’Anne de Bretagne en quatre vers François. Pour le premier vers il y avoit une aile d’oiseau, la syllabe est, deux flèches, ou traits, deux pas, la syllabe sée ; pour le second, la note de musique la, la syllabe no, une table, une dame à jouer ; pour le troisième, deux fouets, entre les syllabes fran & ce, une couronne sur la syllabe ce, & pour le quatrième, prions ihs. qu’il ait son M. Cela signifie,

Elle est trépassée,
La notable Dame,
Deux fois en France couronnée.
Prions Jesus qu’il ait son ame.

☞ De telles productions étoient pour ce temps-là des chef d’œuvres de l’art.

Ces Heures, avec un très-grand nombre d’autres, étoient dans la belle & curieuse Bibliothèque de M. Foucault, Conseiller d’Etat.

Le mot ame s’est formé du latin anima, en prenant une terminaison Françoise, & changeant l’i en e muet, anem, ou anme, puis au lieu de prononcer l’n, on a fait l’a long âme. Le P. Pezron dit que anima, ame, a été pris du Celte Ane, ou Eve, qui est la même chose.

AMÉ, ÉE. adj. Terme de Lettres de Chancellerie, qui marque l’affection du Roi envers son sujet. Amatus, a. A nos amés & féaux Conseillers. Notre amé & féal un tel nous a exposé. C’est aussi une formule pour intituler les lettres que le Roi écrit à ses sujets, quand ils ne sont pas de la première qualité. A notre amé & féal un tel, Conseiller en notre Parlement. On disoit autrefois amer, pour aimer ; de-là amé nous est demeuré. Nos Rois avoient coutume de distinguer dans leurs Lettres-patentes les Magistrats & les Officiers qui avoient dignité, d’avec les autres, par ces titres, Dilecti & fideles nostri, que l’on a traduits en François par nos amés & féaux, & ce titre, selon la remarque de Loiseau, dans son Traité des Ordres & Dignités, ne se donnoit ordinairement qu’à ceux qui avoient celui de Conseillers du Prince. De la Mar.

AMÉ, ou AMET, est aussi un nom d’homme. Amatus. S. Amet, que d’autres écrivent S. Amé, & d’autres S. Aimé, étoit né dans le territoire de Grenoble, de parens fort qualifiés, qui étoient Romains d’origine ; c’est-à-dire, Gaulois naturels du pays, & non de la race Bourguignone, ou Françoise. Baillet.

Amé. Nom d’homme. S. Amé, qu’on nomme aussi Amable, Evêque d’Oléron, & puis Archevêque de Bourdeaux dans le XIe siècle.

Amé, est encore un abrégé d’Amédée. Amedeus.

AMÉBÉE. adj. m. On appelle un poëme amébée, des vers amébées, lorsqu’il s’y fait une espèce de dispute, une espèce de combat entre deux Interlocuteurs, de manière que celui qui parle le dernier enchérisse toujours sur l’autre, & s’oppose à son sentiment. La troisième Eclogue de Virgile, est ce que les Poëtes appelent, un combat amébée. De Crouzas. La dispute entre Thyrsis & Corydon sur la préférence de leurs chansons dans la septième Eclogue de Virgile est en vers amébées. Id. Il y a un joli combat amébée dans les poësies de la Viscléde. D’ἀμείϐω, muto, vices reddo.

☞ AMECHER. v. a. Qui s’est dit autrefois, pour dire, garnir d’une mèche.

☞ AMED, ou AMIDA. Ville d’Asie, dans la Mésopotamie, dans le quatrième climat, suivant les Géographes Arabes. Il y a un Beglierbegh ou Gouverneur de Province, qui a sous lui douze Sangiaks.

AMÉDÉE. s. m. Amedeus. Nom d’homme formé du latin Amans Deum, qui aime Dieu ; ou plutôt Amatus Deo, aimé de Dieu. Il y a IX Amédées Comtes, ou Ducs de Savoie. S. Amé, Archevêque de Bourdeaux, est appelé Amé, Amable, Amatus, ou Amédée, com-