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APP

vieillesse, l’oisiveté, la maladie appesantissent le corps. Hebetare corpus.

☞ Dans un sens figuré, en parlant de l’esprit & de ses fonctions, c’est le rendre moins vif, lui ôter une partie de son feu, de sa vivacité. Vires infringere, aciem hebetare. L’âge appesantit l’esprit. Les nécessités de la vie présente appesantissent l’esprit, quelque actif & pénétrant qu’il soit. Nicol.

☞ On le dit encore dans un sens figuré, en parlant de la colère de Dieu & des châtimens que sa justice inflige aux pécheurs. Dieu appesantit quelquefois son bras, sa main sur les coupables.

☞ Il est aussi réciproque. Dans le sens propre, c’est devenir plus pesant. Ingravescere, gravari. Le corps s’appesantit avec l’âge, & par l’oisiveté. On dit que la main d’un Chirurgien, d’un Artiste s’appesantit, pour dire qu’elle devient moins legère, moins propre au travail. Les paupières commencent à s’appesantir, pour dire que l’envie de dormir fait fermer les yeux. Somno gravantur oculi.

☞ Au figuré, l’esprit s’appesantit avec le corps. La main de Dieu s’appesantit sur les coupables. Baiser la main de Dieu lorsqu’elle s’appesantit sur nous, c’est le moyen de la trouver plus legère.

☞ On le dit aussi d’un Auteur qui fait un long & ennuyeux détail des choses indifférentes & minutieuses. Cet Auteur charge trop ses descriptions, & s’appesantit sur les détails.

☞ APPESANTI, IE. part. Il a les significations de son verbe. Appesanti par les années. Gravis annis. Yeux appesantis par le sommeil. Somno gravati, natantes oculi. Appesanti par l’oisiveté. Otio languescens. Esprit appesanti. Hebetatus.

Ces mots viennent de pondus, poids.

APPESANTISSEMENT. s. m. v. L’état d’une personne appesantie, soit de corps, soit d’esprit, par l’âge, par la maladie, par le sommeil, &c. Il est dans un grand appesantissement. Appesantissement d’esprit. Acad. F.

APPÉTENCE. s. f. Terme dogmatique, pour exprimer l’action d’appéter ou de tendre. L’appétence des corps à leur centre. Il n’a guère d’usage qu’en Phisique.

APPÉTER. v. a. Terme dogmatique. ☞ Desirer par instinct, par inclination naturelle, indépendamment de la raison. Etre naturellement porté à quelque chose appetere. Les corps graves appétent le centre. L’instinct naturel des animaux fait qu’ils n’appétent que les choses qui leur sont propres. Les Médecins disent L’estomac appéte cet aliment, il appéte certain ragoût ; pour dire, il désire. Ce mot est fort peu en usage, excepté dans les matières physiques. Le e de la seconde syllabe se prononce fermé.

La plus grand’ part appéte grand avoir,
La moindre part souhaite grand savoir. Marot.

Appété, ée. part. Appetitus.

APPÉTIBILITÉ. s. f. Terme de Philosophie. Désir par instinct, par inclination naturelle, indépendamment de la raison. Vous voulez peut-être savoir, dit Pancrace à Sganarelle, si l’essence du bien est mise dans l’appétibilité, ou dans la convenance. Molière. Mariage forcé, Sc. 4. ☞ C’est un vieux mot synonyme d’appétence, dont l’usage est aussi très-borné.

APPÉTISSANT, ANTE. adj. Qui réveille l’appétit. Appetentiam, aviditatem suî excitans. Les ragoûts, les grillades, sont des mets fort appétissans.

Appétissant, ante, se dit aussi au figuré, & signifie, qui plaît aux yeux, & fait naître des desirs. Illecebrosus. Que vos dents sont amoureuses, & vos lèvres appétissantes ! Mol. ☞ Une jeune fille avec de la fraîcheur & de l’embonpoint est fort appétissante.

Appetissant, ante, est aussi un gérondif du verbe appetisser, dans le sens, devenir petit. L’on ne doit point mettre d’accent sur le premier e, parce qu’il est muet. Ainsi il faut prononcer comme s’il y avoit aptissant. Il signifie, qui s’appetisse, qui devient plus petit. Quod minuitur, contrahitur, decrescit. Saint Amand a dit d’un fromage :

Pourquoi toujours s’appetissant
De lune devient-il croissant ?

APPETISSEMENT. Voyez Apetissement.

APPETISSER. Voyez Apetisser.

APPÉTIT. s. m. Passion de l’âme qui nous porte à désirer quelque chose ; faculté interne, par laquelle l’âme est émue & affectée en vue d’un bien qu’elle souhaite, & d’un mal qu’elle appréhende. Pars animi quæ appetitus habet. Les appétits charnels, sensuels. Voluptates. En Philosophie on n’admet que deux appétits ; le concupiscible, qui nous porte à souhaiter & à chercher le bien, vis concupiscendi ; & l’irascible, qui nous porte à craindre & à éviter le mal, irascendi. Le Sage commande à ses appétits déréglés. Cupiditates animi comprimit.

☞ A cette distinction de l’école, on en substitue une autre plus utile entre l’appétit sensitif & l’appétit raisonnable. L’appétit sensitif est la partie inférieure de la faculté appétitive de l’âme. Cet appétit naît de l’idée confuse que l’âme acquiert par la voie des sens. Je bois du vin que mon goût trouve bon ; & le retour de cette idée que mon goût m’a donné, me fait naître l’envie d’en boire de nouveau. C’est à ce genre d’appétit que se bornent la plûpart des hommes ; parce qu’il y en a peu qui s’élevent au-dessus de la région des idées confuses. C’est la source de toutes les passions.

l’Appétit raisonnable, est la partie supérieure de la faculté appétitive de l’âme, & elle constitue la volonté proprement dite. Cet appétit est l’inclination de l’âme vers un objet à cause du bien qu’elle reconnoît distinctement y être. Le motif ou la raison suffisante de cet appétit, est la représentation distincte du bien attaché à un objet.

Appétit, se dit plus particulièrement de la faim, du désir de manger. ☞ Appétits corporels. Désirs qu’excitent en nous les besoins du corps, tels que l’envie de manger, de boire, &c. Quand le corps est pressé par la faim, la soif, &c, Cibi appetentia, aviditas. Ce malade a perdu l’appétit, il a un appétit déréglé. Les salines excitent l’appétit. On dit, chercher ses appétits, prendre ses appétits, pour dire, choisir les viandes, les ragoûts pour lesquels on a le plus d’appétit. Acad. Fr. On appelle populairement certaines viandes, de l’Appétit, comme les harengs saurets, l’échalotte, les raves, &c. Le mot d’appétit, pour dire, hareng saur, n’est guère en usage que parmi le menu peuple de Paris. Les Traiteurs donnent aussi ce nom à de petites herbes fines, dont on assaisonne les salades, & différens ragoûts ; ces herbes sont le cerfeuil, la ciboulette, &c.

Pain dérobé réveille l’appétit :
A tout pécheur la loi qui l’interdit
Est un attrait, est une rocambole.
D’aller vers là, de revenir ici,
Est-il permis ? Quand on le veut ainsi,
On s’en soucie autant que d’une obole ;
Mais que la loi dise, Je le défends,
Nous y courons, & notre cœur y vole.

Du Cerceau

On dit adverbialement & populairement, à l’appétit d’une telle somme cette affaire a manqué ; c’est-à dire, pour avoir voulu épargner quelque chose, pour ne l’avoir pas fournie. Hujus rei gratiâ, causâ.

Appétit, se dit proverbialement en ces phrases. Cet homme a toujours bon appétit. ☞ C’est un cadet de haut appétit, pour dire, qu’il trouve tout bon ; & au figuré, qu’il a beaucoup d’avidité pour le bien. C’est un appétit de femme grosse ; c’est-à-dire, un appétit bisarre, ou d’une personne dégoûtée. Changement de corbillon donne appétit de pain-bénit. Vous avez l’appétit ouvert de bon matin ; pour dire, vous desirez trop tôt une chose. Il n’est sauce que d’appétit : pour dire, que la faim fait trouver bon tout ce que l’on mange, ou que l’appétit est la meilleure sauce que l’on puisse avoir. On dit aussi, qu’en mangeant l’appétit