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BUT

dans le but. Le cœur de l’homme est comme un but où chacun vise. Ablanc.

But, relativement à la conduite d’un être pensant, ou considéré comme pensant, se dit dans un sens figuré, pour signifier un objet déterminé & fixe auquel les actions de cet être sont dirigées. Finis. C’est le but que je me propose. Voilà mon but.

☞ Il ne faut pas confondre but, vues & dessin. Le but, dit M. l’Abbé Girard, est plus fixe ; c’est où l’on veut aller ; on suit les routes qu’on croit y aboutir, & l’on fait ses efforts pour y arriver. Les vues sont plus vagues ; c’est ce qu’on veut procurer ; on prend les mesures qu’on juge y être utiles ; & l’on tâche de réussir. Le dessein est plus ferme ; c’est ce qu’on veut exécuter ; on met en œuvre les moyens qui paroissent y être plus propres ; & on travaille à en venir à bout.

☞ Le dessein & les vues sont en nous ; le but est hors de nous. On se propose un but. On a des vues. On forme un dessein. Le véritable Chrétien n’a d’autre but que le Ciel, d’autre vue que de plaire à Dieu, ni d’autre dessein que de faire son salut. La raison défend de se proposer un but, où il n’est pas possible d’atteindre, d’avoir des vues chimériques, & de former des desseins qu’on ne sauroit exécuter. Si mes vues sont justes, j’ai un dessein dans la tête qui me fera arriver à mon but.

☞ Aller au but, c’est aller directement à la fin qu’on se propose. Et l’on dit toucher au but, fraper au but, pour dire, démêler un point controversé, trouver le nœud d’une affaire, d’une difficulté. Summa, cardo, nodus.

On dit adverbialement, But à but ; pour dire, d’une manière égale. Ex æquo, paribus momentis. Il joue contre un tel but à but ; il ne donne & ne reçoit aucun avantage. Ils ont fait un troc but à but ; c’est-à-dire, sans retour, troc de Gentilhomme. Se marie but à but, sans que l’un fasse aucun avantage à l’autre.

Je ne veux rien, dit-il, en se jettant par terre,
Point de souhaits, point de tonnerre,
Seigneur, demeurons but à but. Perr.

C’est-à-dire, demeurons quittes, n’ayons rien à démêler ensemble.

De but en blanc, c’est aussi une façon de parler adverbiale, qui dans le propre se dit en parlant d’armes à feu & de gens qui tirent. Cela signifie depuis le lieu où l’on est posté pour tirer, jusqu’à celui où l’on doit tirer, & où est attaché le blanc auquel on vise. ☞ C’est la portée d’un mousquet ou fusil tiré horisontalement, dont la bouche ne hausse ni ne baisse. Quand on tire de but en blanc, on suppose que le boulet ne s’écarte point de la ligne droite avant que d’arriver au but. Rectâ à lineis ad metam. Le canon des arquebuses buttières peut porter de but en blanc mille pas ou environ. Gaya, Tr. des armes.

On le dit aussi au figuré ; pour dire, tout droit, brusquement, sans réflexion, sans garder de mesure. En venir de but en blanc à l’union conjugale, il n’y a rien de si marchand que ce procédé. Mol.

BUTAGE. s. m. Droit de corvée.

☞ BUTE. s. f. Instrument de maréchal qui sert à couper la corne des chevaux. Scalprum. C’est aussi un terme de blason. On voit cet instrument sur plusieurs écus.

BUTEAU. s. m. Grossier, lourdaut, butor. Ce dernier mot est plus en usage aujourd’hui. P. de S. Julien prétend que Buteau vient de βοῦς-Θεὸς, bœuf-Dieu, qui s’est dit d’Apis, ou Sérapis, que les Gaulois adoroient aussi-bien que les Egyptiens, & que ce mot qui de soi n’est point une injure, s’est dit par ceux qui ne l’entendoient pas pour une injure, & un reproche du naturel du bœuf, qui est d’être lourd & grossier. Antiquit. de Bourg. p. 225.

BUTÉE. s. f. Terme de Maçonnerie. Voyez Buttée.

☞ BUTELER. vieux verbe. Viser à un but. Il y a d’autres sujets qui ont butelé à gauche, qui à dextre. Mont. Edit. de Rouen. 1642. p. 480.

☞ BUTER. v. n. Fraper au but. Toucher le but. Collimare, Collincare. On le dit au jeu de paume & de billard, & à d’autre jeux où l’on bute, où l’on frappe au but.

Buter. (se) v. récip. Prendre une résolution ferme, se déterminer, s’arrêter à quelque chose. Je me bute à cela. Il se bute à l’exécution de cet acte.

Buter, (se) se dit aussi de deux personnes qui sont toujours opposées, contraires l’une à l’autre. Ces deux freres se buten, sont toujours butés l’un contre l’autre. Adversari.

Buter, se dit encore dans le figuré, pour tendre à un but, à une fin. C’est à quoi je bute. Ce Prédicateur bute à l’Evêché. Tout cela est du style familier.

Buter, en Maréchallerie, se dit d’un cheval qui a les jambes si foibles, que la moindre inégalité du terrein le fait broncher. Ce cheval bute à chaque pas dans le plus beau chemin. Voyez Broncher, Chopper.

Buter, terme d’Architecture, d’Agriculture & de jardinage. Voyez Butter.

BUTÉ, ÉE, part. Gens butés l’un contre l’autre, opposés l’un à l’autre.

Buté, signifie aussi, fixé à un certain point où l’on se tient opiniâtrement. Fixus, firmus, pertinax. Il a offert une telle solle de cette charge, il est buté là ; il n’en donnera pas davantage.

En terme de chasse, on dit qu’un chien est buté, lorsque la jointure des jambes de devant lui grossit. Tumens, tumidus, inflatus. Voyez Buture.

BUTÈS. s. m. Un des Argonautes qui fut honoré après sa mort par les Athéniens comme un Héros, il eut même un autel dans le temple d’Erecthée.

☞ BUTHUS, fameux Athlète, mangeoit, dit-on, un bœuf entier dans un jour. Depuis on donna le nom de Buthus aux grands mangeurs qu’on ne peut rassassier.

BUTIÈRE. Voyez BUTTIÈRE.

BUTILIER. s. m. Nom d’un Office. Dans le chapitre de Laon, on donne ce nom au syndic du Chapitre.

BUTIN. s. m. Ce mot n’a point de pluriel. Argent, habits, bestiaux, tout ce qu’on prend sur les ennemis pendant la guerre. Præda. Chez les Grecs le butin se partageoit en commun  ; le Général en prenoit seulement une plus grosse portion. Par la discipline militaire des Romains, le butin fait sur les ennemis, appartenoit o la République. Les particuliers n’y avoient point de part ; les Généraux qui se piquoient de probité, faisoient porter au trésor public tout ce qui provenoit du pillage. Quelquefois on distribuoit le butin aux soldats pour les animer, & pour leur tenir lieu de récompense. Cette distribution dépendoit des Généraux, qui en usoient avec prudence. Autrement c’étoit un crime de péculat, que de distraire, ou de s’emparer du butin, qui régulièrement appartenoit au Sénat, & devoit être transporté dans le trésor. Les Consuls Romulius & Veturius furent condamnés pour avoir vendu le butin fait sur les Eques. Tite-Live, Liv. VIII.

Selon Grégoire de Tours le butin se partageoit anciennement au sort entre les François, & le Roi lui-même n’avoir que le lot qui lui échéoit. Grotius.

☞ Aujourd’hui par le mot de butin, on n’entend que ce que les soldats pillent sur les ennemis.

En termes de Marine quelques-uns distinguent le butin du pillage, & disent que le butin est le gros de la prise, & le pillage la dépouille des habits, hardes & coffres de l’ennemi, & de l’argent qu’il a sur sa personne jusqu’à 30 livres.

Butin, se dit figurément de tout ce qui est enlevé