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là la véritable leçon, quand on compare cet endroit du Pere avec celui du Dictionnaire des Basiliques, où il est écrit tout au long que follis pese ἔλκει δηνάρια διακόσια πεντήκοντα, deux cens cinquante deniers. Quand on a vu plusieurs manuscrits grecs, on convient aisément qu’il a été très-facile de prendre un H. pour un N. Mais de cette correction il s’ensuit que S. Epiphane ne parle que du follis pris pour un poids ; & en second lieu que le P. Petau a eu raison d’imprimer δηνάρια dans le fragment du Lexicon Nomique qu’il a cité, comme, dans S. Epiphane, & non pas δονάρια, comme le manuscrit sembloit avoir, & que cet ο apparent étoit un véritable η, peut-être un peu trop fermé ; qu’ainsi il n’y a plus à douter de ce que valent ces δηνάρια, & qu’Alciat l’a mal traduit par donos. Concluons donc qu’il n’y a que le Lexicon Nomique du P. Sirmond cité par le P. Petau, qui nous apprenne ce que c’étoit chez les Romains & les Grecs postérieurs, que le follis pris pour une somme, ou la bourse, & qu’elle étoit de 100 liv. 17 sols, un peu plus, de notre monnoie, en mettant le marc d’argent à 27 livres.

Bourse commune, est une société qui se fait entre deux, ou plusieurs personnes de même profession, pour partager les profits de leurs charges, ou de leur trafic, afin qu’ils n’envient point la pratique les uns des autres, & qu’ils ne courent point sur leur marché. Societas. Les Secrétaires du Roi, les Commissaires du Châtelet, les Huissiers du Parlement, font bourse commune. Les Marchands en société font bourse commune.

☞ Avoir, manier, tenir la bourse, c’est avoir le maniment de l’argent. On dit figurément d’un homme qui prête volontiers de l’argent à ses amis, dans le besoin, que sa bourse est ouverte à ses amis : & que toutes les bourses sont fermées, pour dire qu’on ne trouve point d’argent à emprunter. On dit encore figurément d’un homme qui relâche de ses droits pour l’amour de la paix, ou pour accommoder une affaire, qu’il s’est laissé couper la bourse ; & de celui qui l’a disposé à cet arrangement, qu’il lui a coupé la bourse. Et de ceux qui font la quête pour les pauvres, pour le prédicateur, &c ; on dit qu’ils viennent couper charitablement la bourse. On dit aussi, faire une affaire sans bourse délier, quand on fait un troc, faire un accommodement but-à-but, & sans qu’il en coûte de l’argent. On dit aussi, qu’il faut faire de la dépense selon sa bourse ; pour dire, qu’il la faut faire selon son revenu. Vivre sur la bourse d’autrui, c’est vivre aux dépens d’autrui. Avoir la bourse bien ferrée, c’est l’avoir bien garnie. Avoir la bourse platte, c’est être gueux, n’avoir point d’argent.

La mort en lui coupant la vie,
Coupa la bourse à bien des gens.

C’est-à-dire, appauvrit bien des gens. Quand on plaide sur un retrait lignager, on est obligé d’offrir à chaque acte de la cause, bourse & deniers à découvert, & à parfaire.

On dit proverbialement, au plus larron la bourse, quand on confie son argent à une personne infidèle ; ☞ ou quand on donne la dépense à faire à une personne dont on doit se méfier. On dit qu’un homme fait bon marché à sa bourse, lorsqu’il dit qu’une chose lui coûte moins qu’il ne l’a achetée.

Bourse, en termes de Collége, est une fondation faite pour entretenir de pauvres écoliers dans les études. Jus gratuitæ ac siatæ attributionis. Les bourses sont à la nomination des Patrons & Fondateurs. Les bourses des Collèges ne sont point des bénéfices, mais de simples places affectées à certains pays, & à certaines personnes. Il n’y a que les écoliers étudians qui puissent prétendre droit aux bourses des Collèges de l’Université de Paris. Il y a au Collège du Cardinal le Moine à Paris de grandes & de petites bourses ; les petites sont pour de jeunes écoliers qui n’en peuvent jouir que six années, c’est-à-dire, autant de tems à-peu-près qu’il en faut pour parvenir au degré de Maître-ès-Arts, & quand ils l’ont obtenu, ils cessent de jouir de leurs bourses : les grandes bourses ne peuvent être tenues que neuf ans par des Maîtres-ès-Arts, & finissent quand ils ont obtenu le degré de Docteurs. En quelques Collèges il y a des bourses qui se donnent à vie. Il y en a quelques-unes qui ne peuvent être possédées que par des Ecclésiastiques Docteurs, ou autres ; mais les bourses, de quelque nature qu’elles soient, ne sont point des bénéfices.

Bourse, se dit encore des sommes d’argent que l’on amasse, & que l’on destine à certains usages particuliers : ainsi au commencement du Séminaire de S. Nicolas du Chardonnet à Paris, on appela bourse cléricale, l’argent que l’on amassoit pour envoyer dans des Provinces les Prêtres qu’on y avoit formés, servir de Curés & de Vicaires. Ce Séminaire a fait dans la suite de si grandes acquisitions, que l’an 1695, les Assemblées de la bourse cléricale cesserent. L’Abbé de Choisy, Vie de Madame de Miramion. P. Hélyot, T. VIII. p. 142, 143.

Bourse, en termes de Négocians, est en plusieurs villes, ce qu’on appelle à Paris & à Lyon, le Change, c’est-à-dire, le lieu où les Marchands se trouvent pour négocier leurs billets. Forum argentarium. La bourse de Londres, d’Anvers, d’Amsterdam.

Guichardin rapporte que l’origine de ce mot vient de ce que la première place des Marchands qui s’est appellée bourse, a été celle de la ville de Bruges, au bout de laquelle il y avoit un grand Hôtel bâti par un Seigneur de la noble famille de Wander-Bourse, dont on voit encore les armoiries qui sont trois bourses gravées sur le couronnement du portail. Cet Hôtel donna le nom à la place où s’assembloient les Marchands, les Courtiers, les Commissionnaires, les Interprètes, & autres supports de négoce, pour faire leurs affaires & leur commerce. Catel, Hist. de Languedoc, p. 199, dit que ces Marchands d’Anvers acheterent pour s’assembler un logis où pendoit l’enseigne de la bourse. Quoi qu’il en soit, de cette ville, qui étoit autrefois la plus fameuse pour le trafic, les Marchands ont transporté ce nom aux places d’Amsterdam, d’Anvers, de Berghen en Norwége, & de Londres, qu’ils ont nommé bourse commune des Marchands. La Reine Elisabeth fit appeller Change Royal, la bourse de Londres, & depuis elle a retenu ce nom.

La bourse à Toulouse est le lieu où les Marchands rendent leur justice, suivant le pouvoir qui leur en a été donné par Edit de Henri II. à Paris au mois de Juillet 1548, par lequel il leur octroya d’établir dans Toulouse une bourse commune semblable au Change de Lyon, avec pouvoir d’élire tous les ans un Prieur & deux Consuls, qui jugeroient en première instance tous les procès entre les Marchands. D’autres disent que l’Edit de Henri II. n’est que de 1549 ; mais de la Faye, dans ses Annales de Toulouse, le rapporte à l’an 1548. L’établissement de ces sortes de Juridictions est dû au Chancelier Olivier, & non au Chancelier de l’Hôpital, comme l’a écrit Charles Loiseaux, Des Seigneuries, chap. 16. Ce qui l’a trompé, c’est qu’il a cru que la bourse de la ville de Paris, qui ne fut établie qu’à la fin de l’année 1563 sous Charles IX étoit la première en institution, ce qui n’est pas. La première est Lyon ; la deuxième Toulouse ; la troisième Rouen, & Paris la quatrième. L’Edit d’érection de celle de Paris, porte expressement que c’est tout ainsi que les places appelées le Change à Lyon, & bourses à Toulouse & à Rouen. De la Faye. On dit aussi la bourse à Nantes.

Bourse, signifie aussi la poche ou l’extrémité d’un filet dans lequel le poisson ou le gibier se trouve embarrassé sans pouvoir sortir.