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leil, & toute remplie de sels alcalis. Cinis Arvernicus. La cendre d’Auvergne a été employée pour séparer les acides volatils du sel ammoniac de sa partie volatile, d’avec sa partie fixe. Acad. d. S. 1071, p. 73.

Elle s’appelle ainsi, parce que les plantes dont on la tire se prennent, ou ont été prises d’abord des montagnes d’Auvergne.

☞ Les Grecs & les Romains étoient dans l’usage de brûler les corps morts ; & ils avoient grand soin d’en recueillir les cendres dans des urnes. Artemise but les cendres de son mari Mausole. Le corps étant brûlé, la mère, la femme, les enfans ou les parens du défunt, en habits de deuil, ramassoient les cendres & les os qui n’avoient pas été consumés par le feu. Ils commençoient par implorer les Dieux Mânes & l’ame du défunt, le priant d’avoir pour agréable ce pieux devoir qu’ils alloient lui rendre ; puis se lavant les mains & versant sur le brasier du vin & du lait, ils ramassoient les cendres & les os qu’ils arrosoient de vin & de lait. Le premier os qu’ils recueilloient s’appeloit os rejectum, selon Varron, ou exceptum ; parce qu’il servoit à achever le reste des funérailles. Les restes ainsi arrosés, ils les renfermoient dans une urne faite de différentes matières, & venoient pleurer dessus. Ils renfermoient ces larmes dans de petits vases appelés les lacrymatoria, des lacrimatoires, qu’ils mettoient au fond de l’urne sur laquelle le Prêtre faisoit une aspersion, ainsi que sur les assistans pour les purifier, avec une branche de romarin, de laurier ou d’olivier ; & congédioit l’assemblée par ces mots i, licet. Allez-vous-en, vous pouvez vous retirer. Voyez le reste au mot Bucher. On ne brûle plus que les corps des scélérats, dont les cendres sont jetées au vent.

☞ De cet usage de brûler les morts & d’en recueillir les cendres dans des vases, est venue l’expression poëtique & figurée, la cendre, les cendres des morts. Troubler les cendres de quelqu’un. Manes lædere, blesser la mémoire d’un mort. Ciceron a dit, cineri alicujus dolorem inurere, persécuter quelqu’un jusque dans le tombeau ; &, cineri alicujus dare pœnas, être puni pour avoir remué les cendres, violé le tombeau de quelqu’un : & Virgile, cineri fidem servare, être fidèle même après la mort : & Phèdre, cinis dummodo absolvar ; pourvu qu’après ma mort je sois justifié.

Cendre se prend aussi pour la mort même de la personne dont on réduisoit le corps en cendres.

Traître ! sans lui donner le loisir de répandre
Les pleurs que son amour auroit dûs à ma cendre.

Racine.

Cendre se dit encore pour marquer une chose vile, abjecte, méprisable. Cinis.

Seigneur, t’oserai-je parler
Moi qui ne suis que cendre & que poussière ? Corn.

On dit proverbialement d’un mauvais ragoût, roti, bouilli, traîné par les cendres. On dit en parlant d’un bon mari ou d’une bonne femme, qu’il faudroit les brûler pour en avoir les cendres, pour signifier que l’un & l’autre sont fort rares.

On dit aussi que les cendres ne peuvent pas couvrir le feu, quand une personne doit plus d’intérêts qu’elle n’a de revenu, ou quand une somme n’est pas assez forte pour satisfaire tous ceux qui demandent.

CENDRÉ, ÉE. adj. Qui est de couleur de cendre. Il y a un certain gris qu’on appelle gris cendré. Cinereus, cinericius. Cheveux cendrés, étoffe d’un gris cendré

CENDRÉE. s. f. est la dragée ou la plus menue poudre de plomb, qui sert à tirer sur le menu gibier. Cinis plumbeus, pilulæ plumbeæ.

Cendrée. Terme de Plombier : c’est l’écume du plomb.

Cendrée. s. f. Terme de Monnoie. Les coupelles d’affinage sont aussi appelées casses ou cendrées. Borzard. Voyez Coupelle.

CENDREUX, EUSE. adj. Qui est sali, couvert de cendres. Cinere aspersus, conspersus. Ce petit chat est tout cendreux, il s’est couché dans les cendres. Habit cendreux.

On appelle du fer cendreux, celui qui demeure noir, quand même il est poli, qu’on ne peut rendre bien clair. Ce fer n’est pas si sujet à se rouiller, à cause qu’il tient un peu de la nature du plomb.

CENDRIER. s. m. Celui qui fait des cendres dans les forêts, le Marchand qui en fait trafic. Cinerarius. Dans ce dernier sens, le mot de cendrier n’est en usage que parmi le peuple.

Cendrier est aussi la partie la plus basse des fourneaux & des rechauts qui est au dessous de la grille ou du foyer, destinée à en recevoir les cendres. Cinerarium.

CENDRIOT, OTE. s. m. & f. Cineriota. L’hérésiarque Vigilantius donnoit le nom de cendriots aux Catholiques, parce qu’ils honoroient les reliques & les cendres des Martyrs.

Ce mot vient de cinis, cendre.

CENDRURES. s. f. pl. Mauvaise qualité de l’acier. Elle consiste dans de petites veines, qui, quand elles se trouvent au tranchant d’un instrument, le mettent en grosse scie.

CÈNE. s. f. Cérémonie qu’on fait tous les ans le Jeudi-Saint, en mémoire de la Cène ou du dernier repas que fit Jésus-Christ avec ses Apôtres, où il leur lava les pieds, & leur recommanda de faire de même. Ultima Christi Domini cœna. Les Princes, les Prélats, &c. font la Cène le jour de la Cène, c’est-à-dire, qu’ils servent à manger aux pauvres, après leur avoir lavé les pieds, en mémoire de la Cène que J. C. fit avec ses Apôtres. La Cène de Paul Veronèse est un fameux tableau de ce Peintre, qui représente la Cène de notre Seigneur.

Ce mot vient du grec κοινὸς, qui signifie commun.

Ceux de la Religion prétendue réformée appelent Cène, la Communion qu’ils font entr’eux sous les deux espèces. Les Catholiques ne se servent pas du mot Cène, pour dire l’Eucharistie. En effet, il ne se trouve point en ce sens-là dans le Nouveau Testament. Dans le procès que les Docteurs de Sorbonne firent à leur confrère René Benoît, on lui opposa principalement le mot de Cène, dont il s’étoit servi selon l’idée des Calvinistes, & il ne put se purger de ce reproche, qu’en rejetant toute la faute sur les Imprimeurs, qui l’avoient trompé.

☞ CENEDA. Ceneta ou Ceneda Agathiæ. Ville d’Italie dans la Marche Trévisane, du domaine de Venise, avec un Evêché suffragant d’Aquilée.

CÉNÉE. s. m. Terme de Mythologie. C’est le nom d’un des Lapithes. Les Poëtes disent que Cénée avoit d’abord été fille & s’appeloit Cenis, qu’elle fut aimée de Neptune, & qu’elle le pria de la transformer en homme, mais en homme invulnérable ; qu’il lui accorda sa demande ; qu’elle parut en homme sous le nom de Cénée, & qu’il combattit contre les Centaures dans la querelle que les Lapithes eurent avec eux aux noces de Pirithoüs ; qu’étant invulnérable, il n’avoit rien à craindre des traits des Centaures, mais qu’ils l’étouffèrent par la quantité d’arbres qu’ils jetoient sur son corps ; qu’enfin Neptune ne voulant pas qu’une personne qu’il avoit aimée pérît entièrement, il la métamorphosa en oiseau. Ovide parle beaucoup de Cénée, au livre XII de ses Métamorphoses.

CENELLE. s. m. Fruit du houx, qui est petit & rouge.

CENERETH, CENEROTH ou CENNERETH. Ville de la Tribu de Nephthali. Jos. XIX 35. La terre ou la région de Cénéreth étoit la contrée voisine de cette ville, qui en prenoit son nom. C’est celle que les Evangélistes appellent Terre de Génésar, ou Génésareth, Matth. XIV, 34. Marc, VI, 53. La mer de Cénéreth, dans l’Ancien Testament, est aussi la même chose que l’étang ou le lac de Genésar ou