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petit ouvrage, qui n’a été communiqué qu’à très-peu de personnes, il prétend que ce que le P. Guignes a écrit, n’étoit que des Coutumes dans le temps qu’il l’a écrit, comme il s’en explique lui-même dans son Prologue, & qu’il est demeuré sous le titre & les qualités de Coutumes, jusqu’à ce que l’Ordre les a converties en Statuts quelque temps après, en leur donnant la force de loi par l’usage, & en les rédigeant enfin en forme de Constitutions.

Dans l’année 1250, c’est-à-dire, environ deux siècles après la fondation de l’Ordre des Chartreux, un de leurs Généraux, nommé Riffier, fit une compilation des Coutumes de Guigues, qui étoient devenues Statuts par l’usage & par l’approbation des chapitres généraux de l’Ordre. Dom Masson prétend que l’Abbé de la Trappe a donné mal à propos le nom de Constitutions aux Statuts de Guigues, qui n’ont été dans les commencemens que des usages, & non pas des loix. Un Chartreux, nommé Raynaud, fit en 1369 une nouvelle compilation des Statuts de son Ordre : comme il se trouvoit une multiplicité d’Ordonnances faites depuis les anciens Statuts, il ôta cette multiplicité, en les réduisant à un plus petit nombre, sans rien diminuer cependant de l’ancienne austérité. La piété claustrale est encore aujourd’hui plus en vigueur chez les Chartreux que dans aucune autre Maison Religieuse.

Borel dit qu’autrefois on appeloit les Chartreux, Chartrussins, & que ces mots viennent de chartre, qui veut dire prison, comme si les Chartreux étoient ainsi nommés, c’est-à-dire, prisonniers, à cause de la grande retraite dont ils font profession. Il est visible que le nom de Chartreux vient de Chartreuse, où leur premier Monastère fut bâti.

L’histoire du Docteur de Paris, qui pendant qu’on faisoit ses obsèques, ressuscita, déclara qu’il étoit damné, & que l’on prétend avoir été l’occasion de la conversion de S. Bruno, est une fable, dont on n’a parlé que long-temps après la mort de S. Bruno, comme le Chartreux déguisé sous le nom de Vigneul de Marville l’a démontré. Le B. Guigues, cinquième Général de l’Ordre, écrivit les Coutumes de la grande Chartreuse, & ces Coutumes ont servi de règle & de loi à toutes les maisons de l’Ordre. Le Chapitre tenu en 1572, ordonna que les Coutumes de Guigues & les Statuts qui se trouvoient dispersés, seroient rassemblés avec toute l’exactitude & la brièveté possible. Quelques-uns voulurent à cette occasion faire diminuer les austérités de l’Ordre ; mais le Chapitre général n’y voulut point consentir, & les nouveaux Statuts furent imprimés en 1581, sous le titre de Nouvelle collection des Statuts, après avoir été confirmés par trois Chapitres généraux, suivant la coutume de cet Ordre, où aucune Ordonnance faite dans les Chapitres généraux ne peut être reçue, & ne peut passer pour loi, qu’après cette formalité. Par ces nouveaux Statuts il est ordonné que toutes les personnes de l’Ordre seront, Moines, Convers, Donnés & Religieux. Il y avoit auparavant des Rendus ; par ces nouveaux Statuts, il est défendu d’en recevoir. Nous expliquerons en son lieu ce que c’étoit que Rendu.

L’habillement des Moines consiste en une robe de drap blanc, serrée d’une ceinture de cuir blanc, ou de corde de chanvre, ou de l’un & l’autre mêlés ensemble, avec une petite cucule, à laquelle est attaché un capuce aussi de drap blanc. Au chœur & quand ils paroissent en public, ils ont une cucule plus grande, qui descend jusqu’à terre, & à laquelle est aussi attaché un capuce ; aux côtés de cette cucule il y a des bandes de drap assez larges. Ces cucules sont ce qu’on appelle ailleurs des scapulaires.

On peut regarder le Bref que le Pape Urbain II écrivit à Seguin, Abbé de la Chaise-Dieu, pour remettre les premiers disciples de S. Bruno en possession de la grande Chartreuse, comme la première confirmation de cet Ordre. Guigues II, neuvième Général, en obtint une plus authentique d’Alexandre III, dontla Bulle est du 17 Septembre 1170, & les mit sous la protection du Saint Siège. Voyez les Annales Ordinis Carthusiensis, par le R. P. Innocent Masson, Général, & le P. Hélyot, Tom. VII, c. 52.

Chartreux, se dit aussi d’un Monastère de Chartreux. Saint Louis a fait bâtir les Chartreux de Paris.

Chartreux. On appelle Pille des Chartreux, une espèce de laine que l’on tire d’Espagne, pour l’employer dans les meilleures manufactures de lainerie.

Chartreux. Le vulgaire nomme ainsi une sorte de chat, qui a le poil gris cendré tirant sur le bleu. C’est une espèce de fourrure dont les Pelletiers font négoce.

CHARTRIER. s. m. Trésor, lieu où l’on garde les Chartres d’une Abbaye, d’une Communauté, d’une Seigneurie. Tabularium. Richard, Roi d’Angleterre, ayant défait l’arrière-garde de Philippe-Auguste entre Châteaudun & Vendôme, l’an 1194, lui enleva tout son bagage, l’argent destiné au payement de l’armée, & sur-tout le Chartrier de France. Ainsi il ne faut pas s’étonner si les trésors des chartres & des registres publics ne montent plus au-delà de Philippe-Auguste ; car jamais le Roi d’Angleterre ne voulut se dessaisir de ces papiers. Cette perte fut cause qu’on établit à Paris le trésor des chartres.

Chartrier, se dit aussi du garde de ce trésor. Custos tabularii. Dans les Couvens il y a un Religieux Chartrier, Cartularius. Voyez Chartulaire.

Chartrier, s’est dit aussi en quelques endroits pour prisonnier. Chartre signifioit prison.

CHARTRONS. On nomme ainsi à Bourdeaux un faubourg qui s’étend tout le long du port, & qui est séparé de la ville par la citadelle.

CHARTULAIRE. s. m. On prononce Cartulaire. Volume où l’on a recueilli ou transcrit les principales chartres d’un Abbaye, d’une Seigneurie. Veterum chartarum volumen, codex.

Chartulaire, est aussi le nom de différens Officiers qui étoient chargés de chartres, de papiers qui concernoient le public. Chartularius. Le Chartulaire présidoit aux jugemens ecclésiastiques au lieu du Pape, & gardoit les chartres de l’Eglise. Dans l’Eglise Grecque on appeloit Chartophylax, celui que les Latins appeloient Chartularius, Chartulaire ; mais sa charge étoit bien plus considérable : & plusieurs distinguent même dans l’Eglise Grecque le Chartulaire du Chartophylax. Voyez ce dernier mot. Le Chartulaire de Constantinople présidoit aux jugemens civils ou criminels, au nom du Patriarche : on l’appeloit à cause de cela, la bouche & la main du Patriarche : il portoit un anneau d’or & une tiare ornée d’or, & sur sa poitrine une espèce de bulle, comme les Evêques portent en France une croix. Il avoit, comme le Patriarche, le droit de catéchiser le peuple dans l’Église. Quand le Patriarche établissoit un Chartulaire, il lui donnoit des clefs, pour marquer l’étendue de son autorité. Quoique le Chartulaire de Constantinople ne fût que Diacre, il précédoit les Evêques, malgré leurs fréquentes protestations ; mais il n’avoit point séance aux Conciles œcuméniques, quand on en tenoit. Il avoit soin de tirer des archives dont il avoit les clefs, les papiers que les Pères du Concile demandoient, & de les retirer ensuite. Voyez Balsamon, Liv. VII du Droit des Grecs, l’action 13 & 14, du sixième Concile.

Chartulaire, dans l’Empire, étoit un Officier de l’Empereur à Constantinople. Il y avoit plusieurs Chartulaires, & l’un d’eux étoit le chef des autres, auquel ils étoient subordonnés : on l’appeloit grand Chartulaire. Quand l’Empereur montoit à cheval c’étoit le Chartulaire qui tenoit son cheval & qui le menoit. Chartularius. Le P. Goar l’appelle aussi