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procher telle chose ; pour dire, il n’y a personne qui me veuille soutenir cela.

On dit aussi, parler Chrétien ; pour dire, un langage qu’on entende, ou un style qui ne ressente plus le Paganisme. Christiano more loqui, perspicue, sine ambagibus loqui. Si nous étions au temps des sacrifices, je devrois sacrifier à Esculape ; mais il faut parler Chrétien, & je loue Dieu, &c. Bal.

Chrétien de la ceinture. Voyez Ceinture.

Chrétiens de S. Jean. Christiani Sancti Joannis ou à Sancto Joanne dicti. C’est le nom d’une secte de Chrétiens qui sont en grand nombre à Balsora, & dans les villes voisines. Ils habitoient autrefois au long du Jourdain, où saint Jean baptisoit : & c’est de-là qu’ils ont pris leur nom ; mais depuis que les Mahométans eurent conquis la Palestine, ils se retirèrent en Mésopotamie & en Chaldée, pour éviter la persécution des Infidèles, qui brûloient leurs livres & leurs Eglises, & exerçoient sur eux les dernières cruautés. Les villes où ils sont établis sont Balsora, Sonter, Despoul, Rumez, Bitoum, Mono, Endecan, Calafabat, Aveza, Dega, Doreth, Masquel, Gumar, Carianous, Onezer, Zech & Loza. Tous les ans ils célèbrent une fête qui dure cinq jours, pendant lesquels ils viennent tous trouver leurs Evêques, qui les baptisent du baptême de saint Jean : ils ne baptisent que dans les rivières, & le Dimanche seulement. Ils n’ont point connoissance du mystère de la sainte Trinité ; mais ils disent que J. C. est l’esprit & la parole du Pere éternel. Pour l’Eucharistie, ils se servent de pain & de farine, avec du vin & de l’huile : le vin, selon eux, marque le sang de J. C. & l’huile marque l’onction de la grace & de la charité. Leur consécration consiste en certaines longues prières qu’ils font, pour louer & remercier Dieu ; ils bénissent le pain & le vin en mémoire de J. C. sans faire mention de son corps ni de son sang. Après la mort d’un Evêque ils élisent pour son successeur un de ses fils, s’il en a, ou un de ses plus proches parens. Ils croient beaucoup de fables touchant la création du monde & de l’autre vie. Les Chrétiens de S. Jean ont trois fêtes principales ; l’une en hiver, qui dure trois jours, en mémoire de notre premier pere & de la création du monde ; une autre au mois d’Août, qui dure aussi trois jours, & qu’ils appellent la fête de S. Jean ; la troisième au mois de Juin, qui dure cinq jours : c’est à celle-ci qu’ils se font baptiser. Ils observent le Dimanche : ils n’ont point de jeûnes, & ne font aucune pénitence ; aussi croient-ils qu’ils seront tous sauvés. Ils n’ont point de livres canoniques ; mais ils en ont qui sont remplis de sortilèges, dont l’effet est si puissant, qu’ils disent que leurs Prêtres font tout ce qu’ils veulent, & ont une autorité absolue sur les Diables. Tavernier, Tome premier. Voyez Sabien.

Chrétiens de saint Thomas ou de San Thomé. Lorsque les Chrétiens arrivèrent aux Indes la première fois, & dès qu’ils touchèrent au port de Calecut, ils trouvèrent d’anciens Chrétiens, qui se disoient descendus de ceux que saint Thomas avoit convertis aux Indes, & que pour cela on nomma Chrétiens de San Thomé ou Saint Thomas. Quand ils eurent appris qu’il étoit arrivé aux Indes une nation étrangère qui avoit une vénération singulière pour la croix, ils lui envoyèrent des Ambassadeurs pour faire alliance avec elle, firent des présens aux Portugais, & implorèrent leur secours contre le Princes Gentils. Il est constant que ces Chrétiens, soit Prêtres, soit Laïques, sont des Indiens naturels. On les nomme dans le pays Nazaréens ; mais l’usage a attaché à ce terme une idée de mépris. Le terme de Mappuley, & au pluriel Mappuleymar, qui est leur autre nom, est plus honorable. Ces Chrétiens sont une Caste assez nombreuse, riche, belliqueuse, mais toujours divisée par mille factions, haines & querelles. Cette Caste est répandue dans les terres depuis Calecut jusqu’à Travançor ; non que tout ce pays soit occupé par ces Chrétiens seuls ; mais parce que toutes les peuplades & Eglises de cette Caste sont renfermées dans cet espace de pays. L’endroit où ils en ont davantage est proche de Cochin. Les Mahométans ont une haine particulière contre ces Chrétiens, sans que l’on sache pourquoi, sinon qu’elle est plus invétérée. Ces Chrétiens prétendent que l’Apôtre S. Thomas a converti ce pays. Des Savans d’Europe prétendent que c’est un autre S. Thomas. D’autres disent que c’est un Marchand Nestorien, nommé Thomas. Un Missionnaire qui demeure depuis long temps dans l’Inde, prétend avoir fait des découvertes curieuses là-dessus ; que S. Thomas débarqua à Calecut, & que traversant les montagnes, il vint jusqu’à Méliapor, capitale de Coromanderl. Le Bréviaire des Prêtres de cette Chrétienté porte même que S. Thomas passa jusqu’à la Chine. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’en deux montagnes peu éloignées de Méliapor, & aux environs de cette ville, on a trouvé des monumens de la Religion Chrétienne. Voyez Maffé, Hist. Indic. L. I, II, VI, VIII, & le P. Bouhours, vie de S. François Xavier, L. I, & L. III.

Au reste ces Chrétiens sont depuis long temps Nestoriens ; & plusieurs ne prennent ce nom comme un nom de secte. Le Patriarche de ces Nestoriens, qui réside à Mosoul, étend sa juridiction jusques dans l’Inde. Il est constant que les Chrétiens du Rit Chaldéen qui sont à Goa, à Cochin, à Angamala, & dans plusieurs autres lieux de ce pays-là, sont tous de la Secte Nestorienne. Les Papes leur ont envoyé souvent des Missionnaires, principalement depuis que les Portugais ont été établis dans les Indes. D. J. Albuquerque, de l’Ordre de Saint François, a été le premier Archevêque de Goa de la part du Pape. Ce fut sous lui, en 1546, qu’on établit un Collège à Granganor, pour instruire les enfans dans les cérémonies des Latins ; mais les Jésuites, qui furent plus habiles que les autres Missionnaires, s’apperçurent bientôt que les jeunes Chaldéens, instruits à la manière des Latins, n’étoient pas propres pour convertir les Chrétiens de saint Thomas ; c’est pourquoi ils établirent un autre Collège en 1587, à une lieue de Granganor, où ils enseignèrent la langue Chaldaïque aux enfans, afin qu’étant devenus grands ils fussent reçus dans le ministère comme de véritables Chaldéens ; cela ne fut pas d’une grande utilité. Il ne fut pas possible aux Jésuites de les détourner de la soumission qu’ils rendoient au Patriarche de Babylone, qui n’étoit point dans la communion du Pape : ils ne pouvoient quitter leurs vieilles coutumes, où ils avoient été instruits par leurs Evêques, & qui étoient fort différentes des usages de Rome. Celui qui a travaillé le plus à réunir les Chrétiens de S. Thomas avec l’Eglise Romaine, a été Alexis de Ménésès, de l’Ordre de S. Augustin, qui fut fait Archevêque de Goa, & qui prit la qualité de Primat de l’Orient. Cette fameuse mission arriva en 1590, elle est décrite au long dans un livre qui a été d’abord écrit en portugais, & ensuite traduit en françois sous le titre d’Histoire Orientale des progrès d’Alexis Ménésès en la Réduction des Chrétiens de saint Thomas, imprimée à Bruxelles in-80, en 1609. On voit dans cette Relation qui a été faite sur les Mémoires de l’Archevêque, & de quelques Missionnaires qui l’accompagnèrent, qu’on fit de grandes violences à ces Chrétiens des Indes, faute de savoir la Théologie Orientale. On les inquiéta sur ces cérémonies qui n’étoient d’aucune importance, & sur lesquelles on ne les inquiéteroit pas présentement à Rome. Toute cette narration montre que les Chrétiens de S. Thomas étoient fort zélés pour défendre leur croyance, & qu’ils prétendoient avoir conservée comme leurs peres l’avoient reçue de saint Thomas. Lorsqu’on leur demandoit si le Pape n’é-