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devant le Grand Othon, la décision en fut renvoyée à un combat, & au sort des armes. On le pratiquoit particulièrement dans les matières criminelles. On trouve la forme de ces sortes de combat, & les cérémonies qui s’y observoient, dans l’ancien Coutumier de Normandie. L’accusateur juroit sur la vérité de son accusation, & l’accusé lui donnoit le démenti : sur quoi chacun jetoit son gage de bataille en justice. Alors on constituoit les deux champions prisonniers jusqu’au jour du combat. Voyez au mot Champion comment cela se pratiquoit. Philippe le Bel défendit ces combats en 1303, cependant le Parlement de Paris ordonna un pareil combat entre deux Seigneurs par Arrêt de l’an 1386. Et en 1547, Henri II permit que Jarnac & la Chataigneraye combatissent en sa présence. Le défenseur avoit le choix des armes, & s’il n’étoit point vaincu avant le coucher du Soleil, il étoit absous, & censé victorieux. Cet abus étoit autrefois tellement autorisé, que les Evêques & les Juges ecclésistiques ordonnoient le combat dans les choses obscures & douteuses. Pasq. On rapporte qu’Alfonse, Roi de Castille, ayant voulu abolir le rit Mozarabique, pour introduire l’office Romain, & le peuple s’y étant opposé, on convint de terminer le différent par un combat.

On dit qu’un homme est hors de combat, lorsqu’il est blessé ou estropié, & qu’il n’est plus en état de combattre. On le dit aussi, dans un sens moral, d’un homme qui ne peut plus se défendre par paroles, qui ne peut répliquer à son adversaire.

Combat signifie quelquefois le choc, l’action de ceux qui combattent. Conflictus. En cette bataille le combat fut rude, fut sanglant, fut opiniâtre. Dans les premiers temps de la République Romaine, la vaillance avoit je ne sai quoi de féroce, & l’opiniâtreté des combats tenoit lieu de science dans la guerre. Saint Evr. Le naturel ardent de M. le Prince l’a fait croire impétueux dans les combats. Id. On appelle un assaut sans artillerie, un combat de mains.

Combat à la barrière. C’est un exercice de Noblesse, où elle faisoit autrefois des imitations de vrais combats dans les joutes & tournois. Ludicrum certamen, pugna imbratilis.

Combat se dit aussi des jeux solennels des Grecs & des Romains à l’honneur des Dieux, tels qu’étoient les jeux Olympiques, les Pythiens, les Néméens, les Isthmiens, les combats du Cirque, les Actiaques, & les autres dont nous parlerons à leur place. Les combats qui s’y faisoient étoient la course, la lutte, les coups de poing, le palet, &c. Les combattans, qui se nommoient Athlètes, s’y préparoient dès la jeunesse par des exercices continuels, & un régime très-exact. Ils ne mangeoient que de certaines viandes, & à certaines heures ; ils ne buvoient point de vin, & n’avoient point de commerce avec les femmes ; leur travail & leur repos étoit réglé : c’est par l’exemple de ces combattans que S. Paul exhorte les Chrétiens à s’abstenir de tout. Cor. IX, 25.

Combat se dit aussi des animaux. Pugna. Un combat de taureaux, de bêtes farouches.

Combat se dit aussi de toutes les actions par lesquelles une chose en détruit ou cherche à en détruire ou surmonter une autre. Certatio, conflictus, pugna. Il y a un combat perpétuel entre les qualités élémentaires, du chaud contre le froid, de l’humide contre le sec. Il se fait un grand combat dans la séparation de l’ame & du corps.

Combat se dit encore, dans un sens figuré, de toutes sortes de contestations & de disputes, de certains états d’agitation & de trouble, & des contrariétés & oppositions qu’on éprouve. Certamen, pugna. Toute cette dispute n’est qu’un combat d’esprit. C’est un combat perpétuel que celui des sens contre la raison. Il y a des gens si cérémonieux, qu’ils livrent un combat de civilités à chaque passage. M. Scud. On n’est pas tranquillement scélérat, ni exempt de combats intérieurs, & d’agitations secrettes dans le crime. S. Evr. Que je redoute ces durs combats où il faut soûtenir la révolte des sens, & s’armer contre son propre cœur ! S. Evr.

Mais l’on s’efforce en vain par d’assidus combats
A disposer d’un cœur qui ne se donne pas. Corn.

Crois, qu’il m’en a coûté, pour vaincre tant d’amour,
Des combats dont mon cœur saignera plus d’un jour,

Racine.

On appelle combat de fief, en terme de Droit, quand deux Seigneurs qui prétendent la même mouvance d’un fief servant, ou dont l’un prétend la Seigneurie, l’autre la censive, ou tous deux la censive, le font saisir chacun de leur côté, & ont un procès ensemble à ce sujet. Argou. Dans ce cas le Vassal doit se faire recevoir par main Souveraine. Voyez ce mot.

COMBATTABLE. adj. Vieux mot, qui veut dire, combattant, vaillant. Pugnax, pugil.

COMBATTANT. s. m. Celui qui combat, ou qui peut combattre. Homme de guerre marchand en campagne sous les ordres d’un Général. Miles pugnator. Une armée de cent mille combattans. Centum millia armatorum.

Combattant se dit aussi en parlant d’un des soûtenans ou des assaillans d’un Tournois. Quand les deux Combattans furent en présence. On le dit en plaisantant de ceux qui se battent à coups de poings. Pugiles.

Combattant se dit encore dans les disputes littéraires, des Antagonistes. C’est aussi un terme Héraldique qui se dit de deux animaux, Lions ou Sangliers, que l’on porte sur un écusson d’armoiries, dressés sur les piés de derrière & affrontés, ou les faces tournées l’une contre l’autre. Encyc.

COMBATTRE. v. a. Donner un combat, se battre contre l’ennemi pour le défaire, attaquer son ennemi, ou soûtenir ou repousser l’attaque. Certare, decertare, pugnare, depugnare. Ces deux champions ont combattu corps à corps. Les escadrons ont combattu de pié ferme. Il a combattu son ennemi, il l’a désarmé.

Jupiter avoit couvert d’une épaisse obscurité l’armée des Grecs, pour les empêcher de combattre. En cet endroit Ajax, ne sachant plus quelle résolution prendre, s’écria

Grand Dieu, chasse la nuit qui nous couvre les yeux,
Et combats contre nous à la clarté des Cieux !

Boileau.
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Voici la traduction de M. de la Motte.

Ah ! faut-il, dit Ajax, que je perde mes coups !
Grand Dieu, rends-nous le jour, & combats contre nous !

C’est aux connoisseurs à décider, qui de lui ou de M. Despréaux a le plus heureusement atteint le sublime de cet endroit de l’Iliade. Journal des Savans 1714. La chose n’est pas problématique ; & il n’y a personne, quelque prévenu qu’il soit, qui donne la préférence à M. de la Motte.

Combattre se dit aussi en parlant du choc de deux armées. Confligere, dimicare, &c. Alexandre combattit trois fois les Perses en trois fameuses batailles. Les Princes combattent pour la victoire, les soldats pour le Prince. Ablanc. Si Enée combat, c’est pas nécessité, & moins pour vaincre, que pour achever la guerre. P. le Boss.

Combattre se dit figurément des choses spirituelles & morales. Il faut combattre pour la Foi. Vous avez long temps combattu contre l’injustice, & contre la mauvaise fortune. P. d’Orl. L’esprit combat contre la chair. Il faut combattre les opinions erronnées. L’Evangile est un langage qu’on n’entend plus dès qu’il combat notre attachement. Je me fortifie