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CON

& condition de fait celle qui a pour objet des faits exprimés dans l’acte, comme de faire ou de ne pas faire telle chose, si tel événement a lieu ou n’a pas lieu.

Condition de futuro, qui se rapporte à un événement à venir, comme de délivrer un legs à quelqu’un quand il sera majeur. De præterito, celle qui a pour objet un événement passé, comme de donner une somme à celui qui auroit fait, exécuté la chose indiquée dans l’acte. De præsenti, qui se rapporte au temps présent.

Condition expresse, qui est exprimée dans l’acte ou dans la loi ; tacite, qui n’est point exprimée dans l’acte mais qui résulte tellement de la nature du contrat ou de la loi, qu’elle est toujours sous entendue. Telle est la condition qui est présumée apposée à une donation faite par une personne qui n’a point d’enfans, que la donation sera révoquée au cas qui survienne des enfans au donateur.

Condition résolutive. Celle qui par l’événement d’un cas prévu anéantit l’acte qui avoit déjà eu son exécution. Suspensive, qui suspend la convention jusqu’à ce que la condition soit arrivée.

Condition casuelle. Celle qui dépend uniquement du hazard. Potestative, qui dépend du fait & du pouvoir de celui auquel elle est imposée. Mixte, qui est casuelle & potestative tout ensemble.

☞ Il y a encore des conditions deshonnêtes, licites, impossibles, possibles, inutiles, utiles, désiroires, &c. dont on trouvera l’explication sous les articles particuliers.

On dit aussi en Philosophie, une condition sans laquelle, Conditio sine qua non, en parlant de quelque accident ou circonstance qui n’est pas de l’essence de la chose, mais qui est néanmoins nécessaire afin qu’elle soit produite : ainsi, quoique le feu considéré en lui-même puisse brûler, & que le bois puisse être brûlé, la présence du feu est une condition sans laquelle le bois ne sera point brûlé, de même que la présence de la lumière est une condition sans laquelle un homme, quoiqu’il ait de bons yeux, ne verra point les objets.

A Condition, ou sous condition, se disent quelque fois absolument. Sub conditione, conditionaliter. Je vous ai vendu cela à condition. Je vous l’ai donné sous condition. ☞ Vendre, donner sous condition, c’est garantir la chose, & s’engager à la reprendre si elle n’a pas la qualité qu’on demande.

☞ On dit baptiser sous condition, pour signifier la manière d’administrer le baptême à un enfant, lorsqu’on doute qu’il ait été baptisé, ou lorsque sa figure tient tellement du monstre, qu’on ne sait pas s’il est homme.

Condition se dit aussi très-souvent dans le discours ordinaire pour signifier le parti avantageux ou désavantageux que l’on fait à quelqu’un dans une affaire. Dans cette affaire ma condition est la plus mauvaise. Je vous offre des conditions très-avantageuses.

CONDITIONNÉ, ÉE. adj. Chargé de conditions. Quod habet adjunctam conditionem. Billet conditionné, qui n’est payable qu’en certain temps ; & en certain cas, dans ce sens il n’est pas d’usage.

Conditionné se dit mieux des choses qui ont toutes les qualités requises pour être bonnes. Probæ, probatæ merces. Ce Marchand m’a vendu du vin bien conditionné. Les livres de cette Bibliothèque sont bien conditionnés ; pour dire, de belle impression, de beau papier, bien reliés & bien complets. Des arbres bien taillés & bien conditionnés. Les branches d’un arbre les mieux placées & les mieux conditionnées. La Quint.

Conditionné, ée, adj. se dit des hommes qui ont, ou qui n’ont pas les vertus, les talens, les qualités, les conditions nécessaires pour quelque chose. Benè, ou malè comparatus. La revue qu’on faisoit des athlètes avant que de les admettre aux jeux, étoit un moyen assez sûr d’écarter des jeux les athlètes mal conditionnés, & il s’en trouvoit peu de cette espèce qui voulussent courir le risque d’un semblable examen. Bur. Acad. des Belles-Let. T. I. Mém. p. 243.

On dit familièrement qu’un homme est bien conditionné, quand il est plein de vin & de bonne chère. Nous bûmes à discrétion, & nous étions bien conditionnés les uns & les autres quand nous sortîmes. Gil-Blas.

Conditionné, ée, se dit en Géométrie d’une signe, d’une figure qui a toutes les conditions qu’on a demandées, formée en la manière & avec toutes les conditions qu’on a mises. Etant donné une cycloïde ordinaire, dont la base est égale à la circonférence du cercle générateur, les tangentes que l’on tirera à deux de ses points quelconques, prolongées jusqu’à ce qu’elles concourent, feront toujours un angle droit, pourvu qu’elles soient conditionnées d’une certaine manière que M. De la Hire prescrit. Acad. 1704, Hist. p. 46. Rien ne plaît davantage à l’esprit, en fait de Géométrie que de voir naître d’une même grandeur indifféremment conditionnée, différens ordres infinis de progressions également invariables dans toutes leurs parties, & qui ne se démentent jamais.

☞ CONDITIONNEL, ELLE. adj. Tout ce qui est ordonné ou convenu sous quelque condition, tout ce qui porte certaines clauses ou conditions, moyennant lesquelles une chose se doit faire. Conditionalis, cui adjuncta est conditio. Les promesses, les legs conditionnels ne sont dûs qu’après que les conditions sont remplies. Conditionnel est opposé à pur & simple, absolu. En Théologie, conditionnel signifie tout ce qui n’est point absolu, ce qui est sujet à des restrictions. S. Evr. Il y a des Théologiens qui prétendent que tous les décrets de Dieu, qui regardent le salut de l’homme, sont conditionnels, & il y en a d’autres qui prétendent qu’ils sont tous absolus.

On dit en Logique, que les propositions conditionnelles ou conditionales reçoivent toutes sortes de contradictions. Si mon mulet transalpin voloit, mon mulet transalpain auroit des aîles.

Conditionnel est aussi un terme de Grammaire. On appelle conjonctions conditionnelles, celles qui servent à faire des propositions conditionnelles, comme, si, à moins que, pourvu que. Si vous aimez Dieu, vous aimerez votre prochain en la manière qu’il l’ordonne. Ab. de la Tr.

☞ En grammaire, conditionnel présent, se dit substantivement d’un temps qui marque qu’une chose se feroit moyennant une condition. Nous nous amuserions mieux, si vous étiez de la partie. On dit même conditionnel passé, en parlant d’un temps qui exprime qu’une chose auroit été faite, si certaine condition avoit eu lieu. Si vous étiez venu plutôt, &c.

En Théologie, on appelle science des conditionnels, c’est-à-dire, des vérités conditionnelles, la connoissance que Dieu a des choses considérées non selon leur essence & leur nature, ni selon leur existence, car elles ne feront jamais, mais dans une certaine supposition qui emporte une condition. Scientia conditionalium. Ainsi quand David demanda à Dieu si les habitans de Ceïla le livreroient à ses ennemis, Dieu, qui connoissoit par la science des conditionnels ce qui arriveroit, si David restoit dans Ceïla, lui répondit qu’ils le livreroient. Quand Jesus-Christ disoit que s’il avoit fait à Tyr & à Sidon les miracles qu’il avoit faits à Bethsaïde & à Corozaïm, les Tyriens & les Sidoniens auroient fait pénitence, il connoissoit cette vérité par la science des conditionnels. La science des conditionnels est clairement marquée dans la sainte Ecriture. C’est une erreur de nier que Dieu ait la science des conditionnels. Les Thomistes disent que la science que Dieu a des conditionnels dépend d’un décret prédéterminant ; les autres Théologiens le nient. Les vérités qui composent la science des conditionnels étant très-différentes de celles qui composent la science de vision, & la science d’intelligence, il faut ajouter une troisième classe, & diviser la science de Dieu en trois espèces ; en science de vision, en science d’intelligence, & en science des conditionnels. P. Dan.

CONDITIONNELLEMENT. adv. Avec des conditions. Cum conditione, adjunctâ conditione, conditionaliter. On n’a traité avec lui que conditionnellement.