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tume à rapporter aux objets extérieurs, à des substances matérielles & divisibles, ses propres sensations qui ne peuvent appartenir qu’à une substance spirituelle & simple. Voyez Malebranche.

☞ On entend par couleur une sensation de l’ame excitée par l’action de la lumière sur la retine, & différente, suivant le différent degré de réfrangibilité de la lumière, & la vitesse ou la grandeur de ses parties, ou simplement l’impression que fait sur l’œil la lumière réfléchie & modifiée par la surface des corps, qui les fait paroître rouges, jaunes, bleus, &c.

☞ Dans le systême des Cartésiens, la lumière est un corps parfaitement homogène, & le même rayon de lumière différemment modifié, c’est-à-dire, différemment réfléchi à nos yeux, tantôt avec plus, tantôt avec moins de force, donne des couleurs d’une espèce différente. Le sentiment des couleurs est en nous, dit Descartes ; elles ne sont que des différences de la lumière réfléchie ; & cette différence vient de la diversité de la surface des corps, qui renvoyent diversement la lumière.

☞ Les objets sont invisibles par eux-mêmes, dit Malebranche. Nous croyons les voir, parce que la différente tissure de leur surface réfléchissant diversement, la lumière fait en nous divers sentimens de couleur que nous leur attribuons. Cependant les couleurs ne sont que des sentimens de la part de l’ame ; & de la part du corps, ce ne sont que des vibrations plus ou moins promptes de la matière éthérée. On doit ajouter que de la part des corps la couleur est la disposition de leur surface ; & comme la surface est disposée différemment dans les corps, les corps ne sont pas de même couleur. Ce système dont nous avons occasion de parler dans différens articles de ce Dictionnaire, est abandonné de presque tous les Physiciens depuis le célèbre Newton.

☞ L’explication des couleurs est un des points où triomphe la physique de ce grand homme.

☞ Suivant Newton, la lumière n’est pas un corps simple & homogène, c’est-à-dire, un corps composé de parties semblables entre elles, comme dans le système de Descartes, mais un corps mixte & hétérogène, c’est-à-dire, un corps composé de parties différentes les unes des autres : c’est un composé de différentes couleurs.

☞ Les rayons du soleil ont d’eux-mêmes les sept couleurs, que l’on nomme primitives, c’est-à-dire, le rouge, l’orange, le jaune, le vert, le bleu, l’indigo & le violet. Les rayons des différentes couleurs, ont différens degrés de réfrangibilité & de réflexibilité. Le rayon violet est celui qui de tous les rayons est le plus réfrangible & le plus réflexible ; & le rayon rouge celui qui de tous les rayons, est le moins réfrangible & le moins réfléxible. Les autres sont plus ou moins réfrangibles & réflexibles, suivant qu’ils sont plus ou moins près du rayon violet. Ces rayons une fois séparés & observés à part, conservent constamment leur couleur originaire, sans qu’aucune réfraction ou réflexion ou mêlange d’ombre puisse l’altérer. Voyez au mot Réfraction, les Expériences de Newton, qui prouvent la vérité de ces principes.

☞ C’est donc de cette différence de réfrangibilité & de réfléxibilité que dépend la différence des couleurs ; d’où il s’enfuit que toutes les couleurs qui existent dans la nature, sont telles que les doivent produire les qualités colorifiques & originales des rayons dont la lumière est composée ; & que si la lumière ne consistoit qu’en rayons également réfrangibles, il n’y auroit qu’une seule couleur dans le monde, & qu’il seroit impossible d’en produire une nouvelle, ni par réflexion, ni par réfraction.

☞ Le mélange des sept couleurs primitives forme le blanc. Ainsi un corps paroît blanc, lorsqu’il réfléchit tous les rayons de lumière sans les décomposer. Voyez Blanc.

☞ L’absence de toutes les couleurs primitives, forme le noir. Ainsi un corps paroît noir, lorsqu’il ne réfléchit aucun rayon de lumière. Voyez Noir.

☞ La réflexion d’un seul rayon primitif, est la cause des couleurs primitives que nous remarquons dans les corps, c’est-à-dire, que les corps paroissent différemment colorés, suivant qu’ils réfléchissent les rayons d’une certaine couleur, & absorbent les autres. Ainsi un corps paroîtra parfaitement rouge, lorsqu’il ne réfléchira que les rayons rouges ; jaune, quand il ne réfléchira que les rayons jaunes, &c.

☞ Les couleurs que l’on nomme secondaires, ne sont formées que par la réunion de quelques rayons primitifs. Si un corps réfléchit les rayons rouges & les rayons orangés, il aura une couleur secondaire, qui tiendra comme le milieu entre le rouge & l’orangé, ou pour mieux dire, qui participera & du rouge & de l’orangé.

☞ Il y a un nombre infini de couleurs composées, c’est-à-dire, qui résultent de leurs divers mélanges, en les prenant deux à deux, trois à trois, quatre à quatre, &c. & en combinant encore ces résultats les uns avec les autres pour en former de nouveaux mélanges, qui par les règles des combinaisons nous en donneront encore un plus grand nombre à l’infini.

☞ On appelle aussi couleur les drogues, les corps solides qui servent aux Peintres & aux Teinturiers pour faire paroître ces couleurs. On dit en ce sens mêler, broyer, préparer, appliquer les couleurs. Ce Peintre manie bien les couleurs. Adoucir, amortir, ranimer, réhausser, relever les couleurs. Mettre un plancher en couleur. Avant que de dorer un lambris, il faut le mettre en couleur.

☞ M. de la Chambre, en blâmant la distinction que font les Philosophes des couleurs, en couleurs réelles, & en couleurs apparentes, dit que toutes les couleurs sont réelles, & qu’il faut les diviser en couleurs fixes, attachées & adhérentes à leurs sujets, & en couleurs mobiles.

☞ Il y a des couleurs simples, telles que sont les cinq couleurs matrices des Teinturiers, dont toutes les autres dérivent. Il y en a de composées ; sçavoir, le bleu, le rouge, le jaune, le fauve, ou couleur de racine, & le noir. A l’égard du vert, il n’y a point dans la nature de drogue qui serve à teindre en cette couleur ; mais on teint les étoffes deux fois, d’abord en bleu, & puis en jaune, & elles deviennent vertes. Du mélange des premières couleurs, il s’en fait un grand nombre, comme le violet, le gris de lin, &c. expliquées à leur ordre.

On appelle aussi couleurs simples, celles qui servent aux Enlumineurs & aux Peintres, qui viennent des végétaux, & qui ne peuvent pas souffrir le feu, comme le jaune fait de safran ou de graine d’Avignon, la laque & autres teintures extraites des fleurs. Color nativus. Les autres sont minérales, qui se tirent des métaux, & qui souffrent le feu ; ce sont les seules propres à faire l’émail. Color factitius. Ainsi on tire de l’or & du fer, le rouge ; de l’argent, le bleu ; du cuivre, le vert ; du plomb, le blanc ou la céruse, quand il est dissous avec le seul vinaigre ; mais quand la céruse a été cuite dans le fourneau, elle donne du massicot, & du minium quand elle est poussée davantage au feu.

Les Peintres distinguent aussi les couleurs en légères, & en pesantes. Sous le blanc, on comprend toutes les couleurs légères. Color languidus, languescens, evanidus. L’outremer est mis au rang des couleurs légères. Sous le noir on comprend routes les couleurs pesantes terrestres. Color satur, austerus, pressus, nubilus. Le brun-rouge, la terre d’ombre, le vert-brun & le bistre, sont les couleurs les plus pesantes après le noir. Les Peintres appellent aussi couleurs rompues, les couleurs trop vives, qui affoiblissent par leur mêlange d’autres plus sombres. Color vividus, acutus. On dit que l’azur d’outremer est rompu de laque & d’ocre