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DE

jouer. Du Cange croit qu’il vient du vieux Gaulois jus de De, ou de judicium Dei, c’est-à-dire, le jugement du sort, du hasard, de la providence ; car on disoit autrefois, juisium pour judicium, & les Poëtes ont dit De pour Dieu, & depuis Des, ou Dies, d’où l’on a fait Deus & Decius, qui est un nom qu’on a donne au .

, se dit particulièrement de plusieurs jeux où l’on met son argent au hasard du sort des dez : comme, jouer à trois dez, à la rafle, à la chance, à quinquenove, &c. Ludere tesseris, aleæ se permittere.

On appelle dez pipés, ou chargés, des dez où l’on a mis du plomb, ou du vif-argent en un des côtés, pour les faire arrêter sur un point plutôt que sur l’autre. Dans les Académies de jeu on les appelle des boutons. Tesseræ adulterinæ.

Un en l’air au jeu de Trictrac est un qui n’est pas droit sur son cube. On dit aussi qu’il est à cheval. l’un sur l’autre n’est pas bon. dressé l’un contre l’autre n’est pas bon non plus, ni celui qui est sauté hors du trictrac, ou qui est resté sur le bord.

☞ Avoir le , jouer le premier, flatter le , le pousser doucement. Rompre le , arrêter les dez avant qu’on ait vu les points qu’ils portent, afin de rendre le coup nul.

On dit figurément tenir le , pour dire, se rendre maître d’une conversation, & y vouloir parler toujours. Dominari in circulis.

Oui Madame à jaser tient letout le jour. Mol.

Rompre le , interrompre quelqu’un, prendre la parole sur lui, & le contredire. Interpellare aliquem. Quitter le , pour dire, Quitter la partie, ou donner gagné à celui qui dispute quelque chose. Victum se fateri. Flatter le , pour dire, Ne pas parler franchement & librement de quelque chose. Ambiguè loqui. On le dit aussi pour adoucir quelque chose de fâcheux par des termes qui en cachent une partie, ou qui font le mal moins grand. On dit aussi, Le en est jeté, pour dire, la résolution en est prise, il en faut tenter le hasard : ce qui répond au proverbe Latin, Jacta est alea. On dit : Je jeterois cela à trois dez. Je jouerois cela à trois dez, pour marquer l’indifférence où l’on est du choix qu’on peut faire entre deux ou plusieurs choses. Ac. Fr.

Coup et Dez. Terme de Trictrac. Voyez Coup.

, en termes d’Architecture, est un cube de pierre qu’on met sous les pieds d’une statue, & sur son piédestal, pour l’élever & la faire paroître davantage. On le dit aussi de la partie d’un piédestal qui est entre sa base & sa corniche qu’on appelle le vif du piédestal, & des petits cubes de pierre dans lesquels on scelle les barreaux montans des berceaux, & des cabinets de treillage, & les poteaux des angars.

, signifie aussi un morceau de cuivre, d’argent ou d’ivoire, avec plusieurs petites hachures, ou petits creux, que ceux qui travaillent en linge ou en couture mettent au bout des doigts pour arrêter le cu de leur aiguille, & leur aider à la pousser sans qu’elle entre dans la chair. Digitale.

à emboutir. Morceau de cuivre à six faces, sur chacune desquelles sont pratiqués des trous de forme & de grandeur différentes, dans lesquels s’emboutissent les fonds des chatons, en frappant dessus avec des morceaux de fer appelés bouteroles. Encyc.

Dé de fer. C’est un morceau de fer carré dont on emplit les cartouches. Cubus ferreus.

DE. Article du génitif, qui sert quelquefois de préposition, & souvent d’adverbe. Quoi qu’en disent les Grammairiens, de n’est point article, mais simple préposition ; comme à, si ce n’est peut-être quand il est mis devant un nominatif. Voyez ce que nous avons dit sur les particules A & AU. Le fils de Pierre, de Jacques. On dit aussi : Il est né de bon lieu, de bon père & de bonne mère. Je tiens cela de lui. Il est allé de Paris à Lyon. De cent ans en cent ans cette comète reparoît. Cela est distant de cent lieues. Vous ne me verrez de trois mois. Après les noms de nombre, il faut mettre de : Il y en a eu cent de tués. Cette étoffe a une aune de large. Cette allée a cent toises de long. On navige de jour & de nuit. Il est mort de pleurésie. Cela est de bon or, de bonne étoffe. De bond & de volée. De gré à gré. De pied ferme. D’aventure. De par le Roi. D’où venez-vous ? Toutes les fois que cette particule de est un article ou un adverbe, elle ne se rend point en latin par aucune autre particule ; mais le nom auquel elle est jointe se construit dans les cas différens que demande la Grammaire Latine. Quand de est une préposition, elle se rend par de, ex, è, à, ab, & quelquefois même on la supprime entièrement. Consultez la Grammaire.

Cet article de veut toujours être uni immédiatement à son nom, sans qu’il y ait rien d’étranger qui les sépare. On blâme cette construction : J’ai suivi l’avis de presque tous les Jurisconsultes ; il falloit que de fût attaché à son nom tous. Remarquez encore qu’au nominatif & à l’accusatif de se met devant l’adjectif pluriel au nominatif, au datif & à l’accusatif. Ce sont de vaillans soldats. Ils firent des funérailles à leurs morts comme à de vaillans hommes. Ablanc. Dieu réserve de précieuses couronnes pour honorer la vertu de les serviteurs. Maucroix. Mais au génitif & à l’ablatif, il faut toujours mettre des devant l’adjectif. Vaug. La constance & la fermeté des grands hommes n’est pas tout ce que l’on s’imagine. Je me suis arraché des cruelles mains de ces barbares. Il en doit être de même des substantifs. La constance des Martyrs a quelque chose d’admirable. Il s’est arraché des mains de ses ennemis.

De, se joint aux adverbes en cette manière, de près, de peu, de beaucoup. Avec cette licence d’imagination il n’est pas difficile d’être abondant ; mais le jugement & le goût resserrent de beaucoup ces richesses. De la Motte.

De, se joint quelquefois à l’article défini, & avec cet article de marque le nominatif & l’accusatif. Faut-il que de la canaille vous fasse la loi ? De la résolution suffit. Il lui manque de l’argent. Emprunter de l’argent. Avoir de l’honneur. Abbé Regn. Quelquefois le même de sans article se met avec les nominatifs & les accusatifs. Donner de bon argent. De grands Philosophes tiennent. Id. De se met aussi avec le génitif, & en est la marque, aussi bien que de l’ablatif. Un grain de blé. Avoir besoin d’argent. Agir de tête. Id. Ces remarques ne sont vraies qu’autant qu’on suit les notions établies par les Grammairiens Grecs & Latins, & qu’on les applique à la langue Françoise & quand on dit que de se met avec l’ablatif, il est alors préposition, & répond aux prépositions Latines à, ex, è, de, & est formé de la dernière.

De, suivi d’un infinitif, se met pour que avec un subjonctif, par exemple, il m’a dit de faire, pour, il m’a dit que je fisse. Le P. Bouhours appelle cette façon de parler un gasconisme, qui est en usage dans la conversation, mais il dit qu’il ne voudroit pas l’employer en écrivant.

De, étant après les titres de Monseigneur & Monsieur, comme Monsieur de Chastillon, de Luxembourg ; &c. se retranche lorsqu’on retranche le titre de Monseigneur, ou de Monsieur ; par exemple, Chastillon, Luxembourg, &c. La Ferté-Séneterre, accompagné de Ruvigni & de Piennes ses Maréchaux de Camp, étoit parti de Béthune avec toutes ses troupes. Sarasin. L’universalité jointe à l’éminence des vertus guerrières étoit le caractère de l’invincible Condé. P. Bourd. Ce fut alors pour la première fois que l’on vit Luxembourg reculer les armes à la main devant le Prince d’Orange ; mais à la honte du Prince même. P. de la Rue. On conserve néanmoins ce de devant les noms qui ne sont que d’une syllabe, comme de Thou, ou qui sont de deux avec un e muet à la fin, comme de Vardes, de Rades ; ou qui commencent par une voyelle, comme d’Etouteville, d’Usez ; on disoit Stoup & Lée, &c.