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DEG — DEH

ajoûte que le mot guerpir a été formé de Werpir, tiré de Werp, mot Allemand, qui veut dire, mettre en possession : ensuite de guerpir on a fait déguerpir, & la proposition de a donné à ce mot un sens opposé à celui de son simple, ce qui est ordinaire dans la langue Françoise, comme faire & défaire, habiller & déshabiller. &c.

Déguerpir, se dit aussi figurément, & en style, populaire, pour abandonner la place, sortir d’un lieu par un motif de crainte. Alors il est neutre. On l’a fait déguerpir de sa place. Nous fatiguerons tant notre Provincial, qu’il faudra qu’il déguerpisse. Mol. Abire, loco cedere, movere se loco, de loco.

Déguerpi, ie, part.

DÉGUERPISSEMENT. s. m. Terme de pratique. Abandonnement d’un héritage chargé d’hypothèque. Abdicatio. Quand on n’a point fait décréter un héritage, on court le danger du déguerpissement. Loiseau, dans son Traité du déguerpissement, dit que le déguerpissement est le délaissement de l’héritage, fait à celui auquel il est redevable de quelque charge foncière, pour s’exempter d’icelle : & il appelle abandonnement, le délaissement de la possession de l’héritage hypothéqué : ainsi le déguerpissement, selon cet Auteur, regarde les charges foncières, & l’abandonnement, les simples hypothèques, & les rentes constituées. Voyez Loiseau, Traité du déguerpissement.

DÉGUEULER. v. a. Terme populaire, bas, qui signifie vomir après un excès de débauche, & se dit des animaux & des ivrognes. Vomere. Dégueuler sous la table. Dégueuler des injures ne vaut pas mieux.

☞ DEGUEULLEUX. s. m. En hydraulique, ce sont de gros masques de pierre ou de plomb, dont on orne les cascades, & qui vomissent l’eau dans un bassin.

DÉGUIGNONNER. v. a. Oter le guignon, le malheur, principalement au jeu. Ce beau coup m’a déguignonné. Je suis déguignonné à l’heure qu’il est : il y avoit long-temps que j’étois en guignon, que je jouois malheureusement. Il est du style familier.

DÉGUISEMENT. s. m. Habillement extraordinaire, différent de celui qu’on a coutume de porter. Ce qui empêche de connoître une chose ou une personne telle qu’elle est. Habitus mutatio. Changement de forme extérieure, d’apparence. Ce prisonnier a été reconnu malgré son déguisement.

Déguisement, se dit aussi, dans le même sens, au figuré. Simulatio, dissimulationis integumentum. L’esprit fécond en déguisement s’étudie à défigurer, selon les intérêts, tantôt les vices, tantôt les vertus. Fléch. Il n’y a point de déguisement qui puisse long-temps cacher l’amour où il est, ni le feindre où il n’est pas. Rochef. Il faut arracher le masque aux hypocrites, afin de les dépouiller de leurs frauduleux déguisemens. S. Evr. Tous les déguisemens justifient mal une mauvaise conduite. La vérité est forte, & prévaut toujours, malgré les déguisemens & les artifices. Voy. Déguiser.

DÉGUISER, faire prendre à quelqu’un un habit extraordinaire pour le rendre méconnoissable. Alienum alicui vultum, habitum, alienam personam, faciem induere. Ce masque étoit si bien déguisé, que personne ne le put connoître. Vous êtes tout déguisé avec cette perruque blonde. Il a été assassiné par des gens déguisés.

☞ On dit aussi déguiser des viandes, c’est-à-dire, les assaisonner de telle sorte, qu’on a de la peine à les reconnoître. Déguiser sa voix, c’est ne pas parler avec le son de sa voix naturelle. Déguiser son écriture, écrire d’un autre caractère que l’ordinaire. Déguiser son style, composer d’un style différent du sien. Ac. Fr.

Déguiser se dit figurément, & signifie cacher sous des apparences contraires ce qu’on veut dérober à la pénétration d’autrui. Pour réussir dans les affaires d’intérêt & de politique, il faut quelquefois déguiser ses desseins. M. l’Abbé Girard. Déguiser son ambition. La Rochef. Déguiser la vérité, déguiser le fait, c’est raconter une chose autrement qu’elle n’est dans l’intention de surprendre ceux à qui l’on parle » Ac. Fr. Déguiser sa perfidie. Ablanc.

Se Déguiser, se dit dans le sens propre & dans le sens figuré. Dans le sens propre, il signifie prendre un masque ou toute autre chose qui nous rende méconnoissable. Dans le sens figuré, il signifie se montrer tout autre que l’on n’est. Cet homme-là fait toutes sortes de personnages, il se déguise en mille manières. Dans ce dernier sens il se dit aussi des l’actions en les personifiant. Il n’est point de forme sous laquelle l’amour ne se déguise, non pas même celle de la raison & de la vertu. S. Réal. L’hérésie se déguise sous diverses formes, & elle emprunte souvent la figure de la vérité. S. Evr.

O ! ma chère Cephise !
Ce n’est point avec toi que mon cœur se déguise. Racine.

Déguisé, ée. part. & adj. Employé au propre & au figuré. Au propre ce mot se dit de celui qui est méconnoissable par la manière dont il est couvert, qui a changé ses parures ordinaires. Aliénâ, insuetâ veste indutus, obtectus, latens. Homme déguisé en femme. Femme déguisée en homme.

Déguisé, travesti, masqué, consideré dans une signification synonyme. Pour être masqué, il faut se couvrir d’un faux visage, il suffit pour être déguisé de changer ses parures ordinaires. On ne se sert du mot travesti qu’en cas d’affaires serieuses, lorsqu’il s’agit de passer en inconnu ; & c’est alors prendre un habit ordinaire & commun dans la société, mais très-différent de celui de son état. Syn. Fr.

☞ On se masque pour aller au bal. On se déguise pour venir à bout d’une intrigue. On se travestit pour n’être pas reconnu de ses ennemis.

Déguisé dans un sens figuré, celui qui se montre autre qu’il n’est, pour donner le change. Par des apparences contraires il se dérobe à la pénétration d’autrui. Simulatus. Il est nécéssaire d’être déguisé pour ceux qui, non contens de percer les ténèbres qu’on leur oppose, discutent la lumière dont on voudroit les éblouir. Les vertus des hommes ne sont souvent que des vices déguisés.

☞ Dans ce sens il est régardé comme synonyme de caché & de dissimulé. Voyez à ces articles les nuances qui distinguent ces mots.

DÉGUSTATION. s. f. Essai qu’on fait des liqueurs en les goûtant. Degustatio. Les Commis des Aides disent dans leurs procès-verbaux qu’ils ont connu à la dégustation que des liqueurs étoient semblables ou différentes.

DEH.

DÉHAIT. s. m. Vieux mot qui veut dire maladie. Morbus, infirmitas, ægrotatio. Le Fisicien, ou le Sérorgien ne connoît en lui aucune chose ou déhait. Assis, c. 223. 238.

Déhait. Vieux mot. Tristesse, chagrin. On trouve dans Villon, Mais a donc il y a grand déhait, pour dire, il y a grand ennui, grande fâcherie. On a dit aussi déhaiter, deshaitié déhaitié ; pour dire fâché, languissant, chagrin.

DÉHAITÉ. adj. Terme de Fauconnerie. On appelle Oiseau déhaité de voler, celui qui ne vole pas de bon gré. Invitè, ingratis volans.

DEHAITÉ, ée. vieux adj. Malade, qui a quelque maladie, quelque déhait. Ægrotus, infirmas, æger. Quand le chef est déhaité, tous les membres en sont malades. Assis, c. 283.

DÉHÂLER. v. a. (l’h s’aspire) Oter l’impression que le hâle a causé sur le visage. Adustam, infuscatam æstu cutem restituere, pristino colori reddere. Cette pommade est bonne pour déhâler, pour ôter le hâle. Cette Dame de campagne n’ose faire des visites jusqu’à ce qu’elle se soit déhâlée.

Déhâlé, ée. part.