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DEI — DEL

lâtres. La bonne Fortune a toujours été la principale Déité des Princes. P. Job. L’attachement particulier que les Princes ont eu à certaines Déités, & les titres particuliers sous lesquels ils les ont honorées en reconnoissance de leur protection en général, ou de quelques grâces particulières qu’ils en avoient reçues, nous est connue par les manières différentes de la légende des médailles. Idem. On commence à estimer les suites des Déités, à cause du plaisir qu’on a d’y remarquer les noms différens, les symboles, les temples, les autels & les pays où elles étoient. L’on en peut faire une belle suite de bronze par le moyen des villes Grecques qui en fournissent grande quantité ; mais la plus jolie & la plus agréable est celle d’argent que fournissent les médailles des familles. Id. Sur les revers des médailles impériales les Déités sont représentées plus agréablement encore que sur celles des familles. Id.

On dit des personnes qu’on veut louer excessivement, que ce sont des Déités.

DÉJUC. s. m. Temps où les oiseaux juchés se réveillent, & quittent le juchoir. On le dit par extension du lever des hommes, quand on les prend au sortir du lit. Tempus quo alites evigilant, & de perticâ desiliunt. Mane, diluculum.

Ce mot se dit encore dans la Ménagerie, quand on parle du lever des volailles.

DÉJUCHER. v. n. & a. Sortir du juchoir. Faire sortir du juchoir. Dormitoriâ perticâ exilire ; de dormitoriâ perticâ dejicere. Voilà l’heure où les poules déjuchent. Ce paysan est allé déjucher des poulets pour les vendre à un poulaillier.

Déjucher, se dit au figuré pour se déplacer d’un lieu haut & élevé. Je vous ferai bien déjucher de-là.

☞ On le dit aussi activement, déplacer, faire sortir quelqu’un d’un lieu élevé & avantageux. Depellere, detrudere, dejicere. Les ennemis se sont emparés de ce château, de cette éminence, on aura bien de la peine à les déjucher de-là. Il est du style familier.

Déjuché, ée, part.

DEIVIRIL, ile. adj. Terme dogmatique de Théologie. Qui est tout ensemble divin & humain. Theandricus. Les Euthychiens disoient que le même Jesus-Christ & le même Fils, produit les opérations divines, & les opérations humaines, par une seule opération théandrique, c’est-à-dire, Déivirile, ou divine & humaine tout ensemble, en sorte que la distinction n’est que de la part de notre entendement. C’est M. l’Abbé Fleury qui parle ainsi ; mais ce mot n’est point dans l’usage ; on dit toujours théandrique. M. Godeau s’en étoit servi néanmoins avant lui dans son Hist. de l’Eg. VIIe siècle, L. 1. no. 84. On lut encore (dans le Concile tenu par le Pape Martin en 649.) les neuf Chapitres ou Articles de Cyrus, Patriarche d’Alexandrie, & parce qu’il se fondoit sur une autorité de S. Denis en son Epitre à Caïus, dans laquelle il appelle l’opération de J. C. Deivirile ; les Evêques firent apporter le livre de ce Saint, & le Pape remarqua que Cyrus avoit corrompu son texte. Car S. Denis avoit dit une nouvelle opération déivirile, c’est-à-dire, théandrique ; & Pyrrhus lui faisoit dire une seule opération, changeant le mot de nouvelle, en celui de seule. Unam operationem pour novam operationem, ce qui étoit bien différent. Quelque temps après Sergius raya aussi le mot de deivirile, par lequel S. Denis n’entendoit autre chose, sinon que le verbe s’étant fait homme, opéroit divinement & humainement ; mais il ne vouloit pas dire, qu’il n’y eût qu’une opération en lui. Godeau.

Ce mot est composé de Deus, Dei, Dieu, & virilis, viril, de vir, homme, & signifie une chose qui est tout à la fois divine & humaine, un mélange, un composé de divin & d’humain. Les hérétiques Monophysites avoient fait ce mot pour exprimer leur erreur ; car, comme ils enseignoient qu’il n’y avoit point deux natures distinctes en J. C. que la nature humaine & la nature divine depuis l’union & par l’union hypostatique étoient confondues ensemble & devenues une seule nature, qui n’étoit ni l’une ni l’autre, mais un composé de l’une & de l’autre, une troisième nature qui résultoit de l’union & du mêlange de l’une & de l’antre, il s’ensuivoit, comme ils le disoient en effet, que les opérations de cette troisième nature, c’est-à-dire, de J. C. n’étoient ni purement divines, ni purement humaines, & qu’il n’y en avoit plus de deux sortes, les unes divines & les autres humaines ; mais qu’elles étoient toute d’une seule espèce, qu’ils appeloient théandriques, déiviriles, c’est-à-dire, si l’on pouvoit s’exprimer ainsi, divin-humaines. Au reste, le P. le Quien, Dominicain, bien loin d’excuser le prétendu S. Denis, & de l’expliquer, prétend que c’est un hérétique Monophysite. Voyez les Dissertations préliminaires de ce Père sur S. Jean Damascène, dans la nouvelle édition qu’il en a donnée.

DEL.

DELÀ, adverbe de lieu relatif à deçà, qui marque un éloignement du lieu où l’on est. Ultra. A cinq ou six cens pas delà venoit Sisigambis. Vaug. Une ligne à plomb ; est celle qui ne penche ni en deçà, ni en delà. Hinc indè. C’est un homme qui court deçà & delà pour apprendre des nouvelles. Huc & illuc. De côté & d’autre. Jambe deçà, jambe delà.

Delà, préposition, signifie plus outre, de l’autre côté. Trans. Delà les monts. Delà l’eau. Passer delà l’eau.

☞ En ce sens il se joint avec les particules au, de, & par. Au-delà de la rivière. De-delà les monts. Dix lieues par-delà. Le Roi d’Espagne prend la qualité de Roi de deçà & delà les mers. C’est la suite des choses qu’on écrit qui détermine dans ces occasions-là, la signification vague & générale du mot delà.

Delà, par-decà, par-delà. Façons de parler qui marquent le lieu où est celui à qui l’on parle. Ecrivez-moi de delà ; je vous écrirai de deçà, quand vous serez par-delà. Façons de parler qui ne sont plus en usage.

Au-delà. adv. Aller au delà. Ultrà, trans. Je lui ai donné tout ce que je lui devois, & au-delà, c’est-à-dire, encore davantage.

Au-delà, est aussi une préposition qui régit le génitif. S’emporter au-delà des bornes. Ablanc. Ultrà. Il a été au-delà de la Ligne. La Chine est à plus de 600 lieues au delà des terres qu’habitent les Hollandois dans l’Inde. Il ne faut rien entreprendre au-delà de ses forces. Les Modernes ont bien passé au-delà des Anciens, si l’on en croit quelques Savans modernes ; mais c’est avoir trop bonne opinion de notre siècle, que de se persuader que nous en soyons encore venus jusque-là.

Par-delà, adv. Il est passé par-delà. Voilà un ouvrage achevé, je ne vois rien par-delà. Ultra.

Par-delà, est aussi une préposition qui régit l’accusatif. Je l’ai servi par-delà tout ce qu’on peut s’imaginer. Ultra. Elle promet par-delà son pouvoir. Racine. Par-delà mes sermens, Expression dont s’est servi Corneille dans Cinna.

Et prens vos intérêts par-delà mes sermens.

☞ Expression dont je ne trouve que cet exemple, & cet exemple me paroît mériter d’être suivi. Volt.

DÉLÂBREMENT. s. m. Dilaceratio. État d’une chose délabrée. Voilà un habit dans un pitoyable délâbrement.

DÉLÂBRER. v. a. Mettre en pièces, en lambeaux. Lacerare. Il ne se dit, au propre, que des habits, des étoffes, tapisseries, ou autres choses qui se peuvent mettre en lambeaux.

Délâbrer, se dit, au figuré, d’une armée, d’une affaire, d’un procès, d’une maison, d’une terre, qui sont en désordre, en mauvais état. Une année délâbrée par les fatigues & par le manque de vivres. Quand on achète des terres par décret, elles sont ordinaire-