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DEP

Déporter, signifie au Palais, s’abstenir d’un jugement, d’une affaire où il y a quelque cause de récusation. Abstinere ab aliquâ re, discedere ab aliquâ re, rem aliquam abjicere. La dernière Ordonnance veut que le Juge se déporte de lui-même de la connoissance d’une affaire, quand il sait qu’il y a des causes de récusation contre lui. On dit la même chose d’un arbitre, d’un expert & de tout autre Officier commis par le Juge.

Déporter, dans nos vieux Auteurs, signifie quelquefois souffrir, supporter. Comme il déporta les outrages qui faits lui avoient été. Tolerare, pati, ferre.

DÉPORTUAIRE. s. m. Terme de matière bénéficiale. On nomme Déportuaire en Normandie, celui qui est chargé du déport pendant l’année qu’il n’y a point de titulaire, ou plutôt que le titulaire ne jouit point des fruits de son bénéfice. Les Evêques de Normandie sont si jaloux de leurs déports, que, dans les provisions qu’ils donnent aux véritables titulaires, ils les excluent de toutes fonctions curiales, aussi n’y en font-ils aucunes, qu’en qualité de Déportuaires, s’ils se chargent du déport.

DÉPOSANT. ante. s. m. & f. Témoin qui déclare & atteste en Justice la vérité d’un fait. Testis. Il faut faire assigner le déposant. Faire lecture à un déposant de sa déposition. C’est tout ce que le déposant a dit savoir. Plus n’en sait le déposant. Cette formule de pratique a passé dans la conversation familière pour marquer qu’on ne sait rien de plus que ce qu’on a dit.

Il est aussi adjectif. Tels & tels témoins déposans. Telles & telles femmes déposantes.

DÉPOSER. v. a. Témoigner en Justice la vérité d’un fait, déclarer ce qu’on a vu, ou oui. Testari, testificari. On fait faire serment aux témoins de déposer la vérité. Un tel témoin dépose de visu. On dit figurément, Le remords de la conscience est un témoin qui dépose continuellement contre nous.

Déposer, se dit figurément des choses qui servent de preuve à quelque chose, qui tendent à prouver quelque chose : ainsi déposer contre quelque fait ou quelque opinion, c’est prouver, montrer qu’elle est fausse. Infirmare, confutare. Et déposer en faveur, c’est prouver qu’elle est vraie. Confirmare. Pendant que tout justifie notre système, tout dépose contre celui de M. Newton. Gamaches.

Déposer, signifie aussi, mettre en lieu sûr, mettre une chose entre les mains d’une personne pour la garder, pour en avoir soin. Deponere. On oblige de déposer au Greffe une pièce maintenue fausse. On dépose chez un Notaire, aux Consignations, les sommes saisies ; ou celles où il y a des oppositions, ou contestations.

Déposer, se dit aussi des corps morts qu’on met en dépôt dans une Eglise, jusqu’à ce qu’on les transporte ailleurs. Deponere, collocare. On a déposé le corps de ce Seigneur dans une chapelle de sa Paroisse, jusqu’à ce qu’on le transporte dans le tombeau de ses pères.

Déposer, se dit figurément pour confier, remettre. Deponere aliquid apud aliquem, credere aliquid alicui. Le Roi dépose une partie de son autorité entre les mains de ses Magistrats pour rendre justice à ses peuples. On est heureux d’avoir un ami dans le sein duquel on puisse déposer ses pensées, ses secrets, ses joies, ou ses douleurs.

Déposer d’un secret la charge trop pesante. Vill.

Déposer, signifie aussi, destituer quelqu’un d’une dignité, d’une charge, d’un emploi. Alicui magistratum abrogare, aliquem magistratu depellere. Il y a eu des Papes qui ont été déposés dans des Conciles ; des Papes & des Empereurs qui se sont déposés eux-mêmes, qui ont renoncé volontairement à leur dignité. Les Papes ont autrefois prétendu avoir le droit de déposer les Rois. Quelquefois on dépose les Officiers par forfaiture. On le dit plus ordinairement des Officiers Ecclésiastiques : on dit des autres destituer.

Déposer, signifie aussi, quitter une charge, se défaire d’un office, d’un emploi. Abdicare se magistratu, magistratum abdicare. Sylla déposa la Dictature. Ab. Abdiquer vaudroit mieux.

Dans l’Ordre de la Visitation, ce mot, aussi bien que déposé, n’ont rien d’odieux ; ils se disent de la Supérieure qui n’est plus en place, qui est sortie de charge. Bien plus, cette ancienne Supérieure en retient la dénomination, car on ne l’appelle pas autrement que la sœur la déposée.

Déposé, ée. part. Il a la signification de son verbe.

DÉPOSITAIRE. s. m. & f. Qui est gardien de quelque chose, qui est chargé d’une charge, d’un dépôt. Sequester, depositarius. Les dépositaires ordinaires ne sont point garans de la chose qu’on leur a confiée, si elle est volée, ou perdue. Ils ne répondent que de la fraude, & de la mauvaise foi, & non pas de la négligence. Un dépositaire nécessaire, comme un hôtelier, est responsable du vol, s’il y a de la négligence. Les dépositaires de Justice, sont contraignables par corps à la représentation des choses dont ils sont gardiens.

Dépositaire, se dit aussi au figuré des personnes & des lieux à qui l’on confie, où l’on dépose ce que l’on a de plus important & de plus secret. Qui alicujus consiliis intimus est, consilium particeps. Il a voulu demeurer le dépositaire de ses propres charités. Patru. C’est le dépositaire de ses plus secretes & de ses plus douces pensées. Pat. Vous êtes le dépositaire fidèle de tous mes chagrins, & de toutes mes joies : en un mot, de tous mes sentimens. La Bruy. Thérèse fut dans ces derniers siècles l’héritière, & pour ainsi dire, la dépositaire de tout l’esprit d’Elie. Bourdal, Exhort. T. I. p. 301. 302.

Souvent ce cabinet superbe & solitaire,
Des secrets de Titus est le dépositaire. Corn.

Elle est de mes sermens seule dépositaire. Racine.

Dépositaire, chez les Religieux & les Religieuses. Celui ou celle qui a la garde des archives, des titres & de l’argent. Custos.

DÉPOSITION. s. f. Témoignage rendu en Justice par un témoin. Testimonium, testificatio. Dans un récolement on fait lecture à un témoin de sa déposition, pour voir s’il y veut persister, y ajouter, ou diminuer. On ne doit point lire en jugeant la déposition des témoins valablement reprochés. Les révélations sur un monitoire ne font point de foi, jusqu’à ce qu’elles soient rédigées en déposition.

Déposition, en termes d’Eglise, se dit aussi de l’enterrement d’un corps. Mortui corporis depositio. On doit dire un tel Evangile & telles prières pour la déposition d’un défunt, lorsqu’on apporte un corps à l’Eglise pour l’enterrer.

Déposition, signifie aussi privation d’une charge, d’un office, d’un emploi, d’une dignité. Exauctoratio, depulsio, missio a munere, ab officio. La déposition d’un Officier. La déposition du Sultan fut suivie de guerre. La Nation jalouse de ses droits s’étoit fait un titre de liberté par la déposition des Princes qui avoient entrepris de la lui ravir. Vert. La déposition d’un Official, d’un Promoteur qui a malversé. La déposition, en ce sens, est un jugement canonique, par lequel le Supérieur Ecclésiastique dépouille pour toujours un Ecclésiastique de son bénéfice, & des fonctions qui y sont attachées. Dans la dégradation le caractère de l’ordre est effacé. On dépose un Prélat, un Abbé, &c. On dégrade les simples prêtres. La suspense n’est que pour un temps.

☞ En parlant des offices de judicature, on dit plus communément destitution. Destitution d’un Bailli, d’un Officier de judicature.

DEPOSITO. Donner ou prendre à deposito, signifie, donner ou prendre à intérêt. Ce terme, qui a passé d’Italie en France, n’est d’usage, dans cette signifi-