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DÉSENSORCELER, v. a. Oter le sort & le charme qui étoit jeté sur quelqu’un, guérir de l’ensorcelement. Aliquem fascinatione liberare. Le peuple croit que les Bergers & les Sorciers ensorcèlent & désensorcèlent les gens, comme il leur plaît. On le dit quelquefois, au figuré, en parlant d’une passion violente. On croit que cette femme avoit ensorcelé ce jeune homme, mais enfin il est guéri & désensorcelé.

Désensorcelé, ée. part. A fascinatione liberatus, solutus.

DÉSENSORCELLEMENT. s. m. L’action de désensorceler. Pomey. Fascini depulsio, propulsatio, fascinationis solutio, dissolutio.

☞ DÉSENTÊTER, v. a. Ce mot ne se dit pas au propre, pour dire, guérir des vapeurs nuisibles que certaines choses envoient à la tête. Mais il est en usage au moral, pour dire guérir quelqu’un de la préoccupation, de la prévention où il est pour une personne, ou pour une chose, le tirer de l’entêtement où il est. Opinionem, cogitationem aliquam alicui eximere. Enfin ses amis l’ont désentêté de cette femme qui le ruinoit. On ne désentête guère les Hérétiques de leurs fausses opinions. Il est désentêté de sa Noblesse. Ce mot n’est propre que pour la conversation, & pour le style médiocre. Bouh.

Désentêté, ée, & part. Depulsus ab aliqua opinione, cogitatione.

DÉSENTORTILLER. v. a. Dévider, défaire ce qui est entortillé. Explicare, revolvere. Selon que la partie de la corde d’une montre ou horloge à ressort, qui se désentortille, est appliquée à une plus grande circonférence de cercle, elle est à une plus grande distance du point fixe, qui lui répond dans l’axe, & par conséquent la puissance qui tire par cette corde c’est-à dire, le ressort agit plus avantageusement. Ac. des Sc. 1702. Hist. p. 123. Les forces du ressort sont comme les longueurs de corde qu’il désentortille d’autour de la fusée. Ib. p. 124.

Désentortillé, ée. part. Explicatus, revolutus, a, um. La corde désentortillée est égale à la surface qu’elle laisse découverte. Ac. des Sc. p. 124.

DÉSENTRAVER. v. a. Oter les entraves d’un cheval. Equum ferreis compedibus liberare. Voyez Entraves.

DÉSENVENIMER, v. a. Oter le venin. Désenvenimer une plaie. Rich. Veneno plagam liberare, purgare venenum vulneris, expugnare.

DÉSÉQUIPER. v. a. Ce mot se dit des vaisseaux, & signifie les désarmer, en ôter ce qui avoit servi à les équiper. Danet. Navem instructu suo nudare, exuere, navigium armamentis spoliare.

Déséquipé, ée. part.

DÉSERGOTER. v. a. Terme de Manège, se dit des chevaux à qui on tend l’ergot jusqu’au vif pour arracher quelques vessies pleines d’eau qui leur viennent aux jambes, particulièrement dans les lieux marécageux. Posticum unguem findere.

DÉSERT, erte. adj. Qui est inculte & inhabité. Desertus. On donne à cens, à rentes, des terres incultes & désertes. La peste & la guerre ont rendu cette Province déserte. L’Arabie déserte. Dans les lieux les plus solitaires, & les plus déserts, vous êtes pour moi une grande compagnie. Bouh.

Colomb jamais n’a découvert,
Lieu plus sauvage & plus désert. Bois-R.

Désert, est substantif dans le même sens ; & signifie une certaine étendue de terre ou de pays entièrement stérile ; un lieu sauvage, inculte & inhabité. Solitudo, desertus locus, desertum. Les déserts de Lybie. Les déserts de la Thébaïde étoient autrefois peuplés de pieux Solitaires. Du Pin.

Je fuis dans un désert l’approche des humains.

Molière.

Déserts, soyez témoins des peines que je sens.

La Suze.

Au milieu des déserts affreux,
Un céleste aliment nourrissoit les Hébreux.

L’Abbé Tétu.

Désert. Se dit en général par les Géographes de tous les pays inhabités, ou peu habités.

Dans l’Ecriture plusieurs endroits de la Terre-sainte, sont appelés désert. Le désert simplement, c’est la partie de l’Arabie qui est au midi de la Terre-sainte, & dans laquelle les Israëlites errèrent pendant quarante ans, depuis leur sortie d’Egypte jusqu’à leur entrée dans la Terre-promise ; & de-là vient qu’on appeloit le vent du midi, vent du désert. Le désert de Betsabée étoit une partie du désert dont nous venons de parler, sur les confins de la Terre-sainte en tirant vers la mer Méditerranée. Le désert de l’Idumée, c’est l’Idumée, pays aride & montagneux. Le désert de Béharen, de Bethsaïde, de Cadès, de Cédémoth, de Damas, de Dibla, d’Engaddi, d’Etham, de Gabaon, d’Horeb, de Jernel, de Juda, de Mahun, de Moab, de Pharan, de Sin, de Sinaï, de Sur, de Thecné, de Ziph : ce sont des lieux stériles, incultes, quelquefois montagneux, quelquefois des pays-plats, comme ce que nous appelons des landes où l’on ne laisse pas de faire paître des troupeaux ; des lieux secs & arides, où il n’y a point d’eau, lieux solitaires où il n’y a point ou peu d’habitations, ni d’habitans, d’où vient que les Hébreux les appeloient, par antiphrase, טךכד, qui proprement signifie, parole humaine, parce qu’on n’en entendoit point dans ces lieux. Ces lieux prenoient souvent le nom des villes qui en étoient proches. Voyez, en leur place, les noms que nous venons de marquer ci dessus.

De-là tant d’expressions figurées dans l’Ecriture, où mettre quelqu’un dans le désert, c’est le mettre en de grandes misères. Os. II. 3. Le conduire dans le désert, c’est lui procurer, lui causer de grands malheurs. Os. II 14. La terre du désert, c’est une condition, un état misérable. Deuteron. XXXII, 10. Le désert des peuples, signifie des persécutions des peuples voisins, l’état déplorable dans lequel ils réduisent par la guerre & la captivité. Ezech. XX 35. Monter ou sortir du désert. Cant. III, 6, VIII, 5. c’est quitter le monde, renoncer au monde. Il se prend aussi pour un lieu, une demeure fâcheuse, incommode, &c. Ainsi Is. XL, 3 la Babylonie, où le peuple fut emmené en captivité, toute fertile & toute peuplée qu’elle étoit, est appelée désert, & quelques-uns prennent en ce sens le désert des peuples. Ez. XX, 35.

En termes de spiritualité, désert, c’est solitude, retraite, ou d’esprit seulement, c’est-à-dire, recueillement, méditation, contemplation, ou de corps & d’esprit, comme lorsqu’on se retire, ou pour quelques jours qu’on se dérobe à ses affaires, à ses occupations, pour vaquer à Dieu & à son salut ; ou pour toujours, comme lorsque l’on quitte ses emplois, &c, pour vivre dans la piété & la dévotion, ou qu’on embrasse l’état religieux. Dieu conduit les âmes saintes dans le désert, ou dans la solitude, pour leur parler au cœur. Cet expression est prise d’Osée II, 14.

On appelle aussi désert chez les Carmes Déchaux des Monastères destinés à la retraite & aux exercices de la vie spirituelle, dont ceux qui demeurent dans ces déserts doivent uniquement s’occuper. Un Carme Déchaux, nommé le P. Cyprien de la Nativité de la Vierge, donna en 1651 la description de ces sortes de déserts. Jusque-là ils n’en avoient point en France. En 1660 Louis le Grand en fonda un près de Louviers en Normandie, au Diocèse d’Evreux. M. De Villefore en a donné la description & le plan dans ses Vies des Saints Pères du désert, d’Oc-