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cident. Les Constitutions des Carmes Déchaussés ordonnent qu’il n’y en aura qu’un dans chaque Province. Ils sont bâtis à la manière des Chartreux, & comme l’extrême solitude & l’austérité de ceux qui résident dans ces déserts, demandent que ces Monastères aient une grande enceinte, ils doivent être situés pour l’ordinaire dans des forêts, & être diversifiés de lieux champêtres & agréables, de vallons, de collines, de fontaines & d’autres mêlanges propres au recueillement intérieur. Un Religieux n’y va point qu’après en avoir obtenu la permission de son Supérieur. Le nombre de ceux qui demeurent dans ces déserts ne doit point passer celui de vingt destinés pour le chœur. Quant aux Frères lais, il doit y en avoir suffisamment pour le service de la Maison. On n’y fait aucune étude, & on ne s’y occupe que de l’oraison & de la prière, de lectures pieuses, & des autres exercices de la vie spirituelle. On n’y demeure régulièrement qu’un an : mais il y a ordinairement quatre Religieux qui y demeurent toujours, toutefois de leur gré & à leurs instances, afin que par leurs exemples ils puissent instruire & former les nouveaux Solitaires. Le silence y est très-étroitement gardé, l’abstinence y est rigoureuse. Outre les cellules du cloître, qui sont à la manière des Chartreux, il y a encore dans les bois des cellules séparées & éloignées du Couvent d’environ trois ou quatre cens pas, où en certains temps de l’année on permet aux Religieux de se retirer les uns après les autres, pour y vivre dans une plus grande solitude, & dans une plus grande abstinence. Voyez sur ces déserts & sur les observances qui s’y pratiquent le P. Héliot, Hist. des Ordres Relig. T. I, C. 49.

Désert. Les Port-royalistes donnoient ce nom à Port-royal des champs, & ils appeloient les solitaires, ceux qui s’y retiroient. L’on fit venir au désert ce volume qui parloit de vous ; il y courut de main en main, & tous les solitaires voulurent voir l’endroit où ils étoient traités d’illustres. Racine.

Désert, se dit aussi, en Agriculture, d’une terre mal cultivée ou abandonnée sans culture. On lui avoit affermé cette terre en bon ordre, il en a fait un désert. On appelle des vignes en désert, quand elles ne sont point labourées, fumées, ni échalassées. Une ferme en désert, qui est mal tenue.

On le dit, à contre sens, d’un homme qui aimant la solitude, a fait bâtir quelque jolie maison hors des grands chemins, & éloignée du commerce du monde, pour s’y retirer. Ainsi on appelle la grande Chartreuse, un beau désert.

☞ En termes de Palais, on dit un appel désert, lorsqu’on ne l’a pas relevé dans le temps prescrit. Dans cette phrase, désert est adjectif. Voyez désertion d’appel.

DÉSERTE. s. f. On a donné ce nom à deux Iles, qu’on a découvertes, & qu’on a trouvées sans aucun habitant. Deserta. L’une est entre celle des Larrons, & l’autre à sept lieues de la Madère. Maty.

Déserte. Ce mot, qui est hors d’usage, s’est dit pour crime. Avoir fait pendre un leur parent pour se déserte. De Beauman. Sans déserte & sans meffet. Id. Crimen, delictum.

Ce mot vient de desertare, qui s’est dit dans la basse latinité pour vastare, ravager, faire du mal.

DÉSERTER. v. a. Quitter le lieu où l’on est. Migrare, demigrare de loco, locum deserere. Il a déserté le pays, il l’a quitté. Un honnête homme est contraint de déserter un lieu, d’en sortir, quand il se rencontre avec des sots, ou des méchans.

Et l’ennemi vaincu désertant ses remparts,
Au-devant de ton joug couroit de toutes parts. Boil.

Ils y courent en foule, & jaloux l’un de l’autre,
Désertent leur pays pour inonder le nôtre. Racine.

Déserter, est quelquefois employé absolument. Cet homme est si importun, qu’il me fera déserter.

Et lorsque son Démon commence à l’agiter,
Tout, jusqu’à sa servante, est prêt à déserter. Boil.

Déserter quelqu’un. Terme de Marine ; c’est, en punition de quelque crime, le mettre à terre sur une côte étrangère, ou dans une Isle déserte, & l’abandonner. Cela ne se pratique plus.

Déserter, dans l’art militaire, se dit des soldats qui quittent le service sans congé. Sine missionne a signis, a vexillis discedere ; exercitum deserere. Dans ce sens on dit, déserter le service, ou absolument déserter, & déserter d’un régiment. Un soldat convaincu d’avoir déserté est condamné à mort. Il se dit aussi au figuré. Molière a dit d’une coquette. Il lui est dur de voir déserter ses galans.

Déserter, se dit aussi pour dessarter ou essarter. C’est défricher une terre abandonnée depuis longtemps, & pleine de buissons & d’épines, pour la cultiver dorénavant. Agrum incultum colere, rude solum arare. On donne à ceux qui veulent faire de nouvelles habitations dans l’Amérique autant de terre qu’ils en peuvent déserter. Nous ne trouvons point ce mot ailleurs en cette signification.

DÉSERTEUR, ou deserteur. s. m. Soldat, ou Cavalier enrôlé, qui quitte la compagnie sans congé, ou qui vient s’enrôler sous un autre Officier. Desertor. On traite de déserteurs les soldats qu’on trouve sans congé à demi-lieue de la garnison, marchant vers les pays étrangers. L’ancienne Eglise excommunioit les déserteurs, comme ayant violé leur serment. Grotius. On le dit aussi des Officiers qui changent de parti : Ce Colonel est un déserteur qui a quitté le service de son Prince.

Déserteur, se dit aussi dans un sens figuré. Desertor. C’est un déserteur de la Médecine Mol. Il donne de la terreur aux déserteurs d’une si sainte Société. Patr. Quelques-uns rapportent qu’Ozias se releva de sa chute ; & d’autres, que Dieu le punit comme un fugitif & un déserteur. Herman. Ils reçurent en chemin de la main des Corsaires hérétiques la couronne qu’ils alloient chercher parmi des Barbares & des Infidèles, moins cruels & moins passionnés contre les Prédicateurs de l’Evangile, sue ces déserteurs de l’Eglise. P. Verj. Vous ne sauriez rechercher l’approbation des hommes sans trahir votre ministère, & sans être un déserteur de la milice sacrée. Bouh. Xav. L. VI.

Je ne puis estimer ces dangereux Auteurs,
Qui, de l’honneur en vers infames déserteurs,
Aux yeux de leurs lecteurs rendent le vice aimable. Boileau.

☞ DÉSERTION. s. f. Synonyme d’abandonnement. On le dit particulièrement des soldats qui abandonnent le service sans congé. Exercitûs, mlilitiæ desertio ; militis ab exercitu sinè missione discessus. La famine qui étoit dans le camp, a causé une grande désertion.

Il se dit aussi au figuré. Nous ne vous pardonnerons pas votre désertion.

Désertion d’appel, en termes de Palais, est une négligence de relever, dans le temps marqué par la loi, un appel que l’on a interjeté. La peine de la désertion d’appel, est que l’appel est déclaré nul & comme non avenu. Eremodicium. On obtient des Lettres en Chancellerie, pour procéder sur la désertion. Bien souvent les lettres de désertion sont converties en lettres d’anticipation. La désertion d’appel n’a point lieu en matière criminelle, ni dans les appels comme d’abus, parce que la négligence d’un particulier ne doit pas préjudicier à l’intérêt public.

Désertion d’un bénéfice, c’est lorsqu’un titulaire abandonne son bénéfice & disparoît sans qu’on sache ce qu’il est devenu. Après un an d’absence, on peut obtenir des provisions de ce bénéfice, comme vacant par désertion, mais elles deviennent inutiles, dès que le titulaire reparoît.