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CRO

Croissant, en termes de Luthier, est un enfoncement fait en forme de demi-cercle aux côtés des violons, des violes, des basses, &c. Fissura crescentis in morem lunæ citharis adacta.

Croissant. s. m. Ornement de tête des Dames & Demoiselles. C’est une partie de la coëffure que l’on nommoit Commode.

Croissant. Papier aux trois croissans. C’est ainsi qu’on nomme à Constantinople, une espèce de papier de France, qui se fabrique dans plusieurs lieux de la Provence.

Ordre du Croissant. Ordre de Chevalerie militaire fondé par René d’Anjou, Roi de Sicile, & Comte de Provence, en 1448. Ordo militaris a cressente luna nuncupatus. Les Chevaliers portoient sur le bras un croissant d’or émaillé, duquel pendoient autant de petits bâtons travaillés en façon de colonnes, que chacun de ces Chevaliers s’étoient trouvés ou à des batailles, ou à des sièges. Le P. Anselme. Ce qui donna occasion à l’établissement de cet Ordre, c’est que René avoit pris pour devise un croissant, sur lequel étoit cent le mot Los ; ce qui, en style de rebus, vouloir dire, Los en croissant ; c’est-à-dire, qu’en avançant en vertu, on mérite des louanges.

Croissant double, double croissant. Autre Ordre de Chevalerie, appelé autrement l’Ordre du Navire. Voyez Navire. Le P. Hélyot, T. VIII. c. 38. prétend que cet Ordre est chimérique & supposé, quoi qu’en dise l’Abbé Giustiniani, dans son Histoire des Ordres militaires, & quelques autres Auteurs. Il parle de l’Ordre que ces Auteurs prétendent avoir été institué par S. Louis, & porté à Naples par son frère Charles d’Anjou, Roi de Naples ; car pour l’Ordre du Croissant que l’on nomme aussi du Navire, ou des Argonautes de S. Nicolas, il convient qu’il a été plus réel, qu’il fut institué par Charles de Duras, Roi de Naples, que Jeanne I. qui n’avoit point d’enfans avoit adopté, & à qui elle avoit fait épouser sa Nièce Marguerite, dont il voulut rendre la cérémonie du couronnement plus auguste par l’institution de l’Ordre du Croissant & du Navire. Le collier de cet Ordre étoit composé de coquilles & de Croissans, au bas duquel étoit attaché un navire, avec cette devise : Non credo Tempori. L’habillement de ces Chevaliers, selon le P. Bonnani, constitoit en un grand manteau parsemé de fleurs de lys en broderie, au côté gauche duquel il y avoit un navire flottant sur les eaux. Leur toque étoit de velours noir, couverte par-devant d’une plaque d’or, qui représentoit aussi un navire. Après la mort de ce Prince, qui arriva en 1386. cet Ordre fut aboli dans des tems de troubles.

En terme de Blason, on appelle croissant montant, celui dont les pointes sont tournés en haut vers le chef, qui est sa plus ordinaire représentation. Lunula resupina. Les Ottomans portent de sinople au Croissant montant d’argent. Les Croissans adossés sont ceux qui ont leurs parties les plus grosses & les plus pleines à l’opposite l’une de l’autre, & dont les pointes regardent le flanc de l’Écu. Lunulæ obversæ. Le Croissant renversé ou couché, est celui dont les pointes sont au rebours du montant. Inversa. Les Croissans tournés se posent comme les adossés : la différence est, qu’ils tournent toutes leurs pointes d’un même côté vers le flanc dextre de l’Écu, soit en fasce, soit en bande, les contournés au contraire ont leurs pointes vers le côté gauche de l’Ecu. Lunulæ versis in scuti latus cornibus. Les Croissans affrontés, ou appointés, ont leur assiette contraire à celle des adossés, parce que leurs pointes se regardent, & sont opposées les unes aux autres. Lunulæ adversis cornibus positæ. Du Tillet dit que Clovis porta autrefois trois Croissans. Saint Louis institua l’Ordre du double Croissant. La devise d’Henri II. étoit aussi un double Croissant.

CROISSET. Lieu de Normandie, situé à une lieue de Rouen.

CROISSIER, v. n. Vieux mot, qui a signifié se croiser, c’est-à-dire, mettre une croix sur son habit, pour marquer qu’on va faire la guerre aux Infidèles.

CROISSIR. v. n. Se rompre. Vieux mot, d’où sont venus en Languedoc crouissi & s’écroussir, pour dire, craqueter en se rompant.

CROIST. Voyez CROÎT.

CROISTRE. Voyez CROÎTRE.

CROISURE. s. f. La tissure de la serge qui se fait en croix. Staminis ac subtegminis directò transversa positio. Celle du drap s’appelle filure. On connoît la finesse d’une serge à la croisure, & celle du drap à la filure.

Croisure, est aussi un terme de Poësie Françoise, qui se dit des vers dont les rimes sont alternées. Voyez Croisé, terme de Poësie.

CROÎT. s. m. Augmentation d’un troupeau par le moyen de petits qui y naissent. Accretio, incrementum, accrementum, accessio. Dans tous les baux à chepteil des bestiaux, après qu’on a remplacé le premier nombre qu’on en a donné d’abord, le maître & le métayer partagent le croît, c’est-à-dire, les bestiaux qui se sont multipliés, & qui sont le profit du bail.

☞ Dans Montagne ce mot se trouve comme synonyme à croissance. Dans la fleur de son croist. pag. 49.

CROITON. s. m. Nom que l’on donne à une prison, dit M. Bruneau, dans ses observations & Maximes sur les matières criminelles. Carcer, ergastulum.

CROÎTRE v. n. Prononcez crêtre. Je crois, je croissois, je crûs, j’ai crû, je croîtrai, que je croisse, croissant. Augmentation en hauteur, en grosseur, en étendue, devenir plus gros ou plus grand. Crescere, accrescere, excrescere, increscere. Tous les animaux & les plantes croissent jusqu’à un certain âge, jusqu’à un certain état de hauteur & de grosseur, qui est différent selon leur espèce. On dit que le crocodile croît pendant toute sa vie. L’enfant croît dix mille fois plus vite au ventre de la mère, qu’après qu’il est né. Andri.

Ce mot n’est pas tellement neutre que les anciens Auteurs ne le fassent quelquefois actif, & alors il signifie, faire croître. On en trouve divers exemples dans la Poësie, & quelques-uns dans la Prose.

A des cœurs bien touchés tarder la jouissance,
C’est infailliblement leur croître le desir. Malh.

Corneille a dit :

Mais la plus belle mort souille notre mémoire,
Quand nous avons pu vivre & croître notre gloire.

☞ Et dans le Cid.

M’ordonner du repos, c’est croître mes malheurs.

Auxquels on peut ajouter Racine, qui a dit : les Dieux m’ont dicté cet oracle, qui croîtra sa gloire & son tourment. Ces phrases, où croître est dans une signification active, ont été blâmées par de bons Auteurs.

☞ Voltaire sur Corneille, dit : croître aujourd’hui n’est plus actif, on dit accroître ; mais il semble, continue-t-il, qu’il est permis en vers de dire croître mes tourmens, mes ennuis, mes douleurs, mes peines.

☞ A la bonne heure dans la Poësie où il y a assez d’autres difficultés à surmonter ; mais, hors de là, on ne doit point user de cette licence,

Croître, se dit aussi des parties des animaux & des végétaux qui ne leur sont point essentielles, ou nécessaires, des ongles, des cheveux, de la barbe, &c. Les Moines Grecs laissent croître leur barbe & leurs cheveux. Barbam, crines promittere.

Croître, s’employe aussi en parlant des herbes, des plantes, des fruits, & signifie venir, être produit