CURIEUSEMENT. adv. Avec curiosité, ou bien avec soin, avec exactitude. Curiosè, studiosè, curatè, accuratè. Il a observé curieusement le cours de la Comète. Il a lu ce livre fort curieusement, pour en observer tous les défauts, tous les beaux endroits. Nous ne sommes point en droit d’examiner trop curieusement les voies de la providence. S. Evr. Curiosè. Conserver curieusement quelque chose.
☞ CURIEUX, EUSE. adj. Quelquefois employé substantivement, quand il est appliqué aux personnes Ce mot désigne celui qui a une grande envie, un grand empressement de voir, d’apprendre quelque chose. Curiosus, cupidus, studiosus. Curieux de voir, d’entendre. Quelquefois il se prend en mauvaise part, pour celui qui veut indiscrètement pénétrer dans les secrets d’autrui. Vous êtes bien curieux d’écouter ce qu’on dit. Et substantivement, curieux indiscret. Le monde est plein de ces curieux impertinens, qui ne sont occupés que du désir d’apprendre tout ce qui se passe. S. Evr.
Si nous pouvions pénétrer tout ce que les autres pensent de nous, nous en serions mortifiés, & je ne doute point que l’Empereur Adrien, qu’on dit avoir été le plus curieux de tous les hommes, n’ait été le plus misérable. Moth. Vay. Un silence respectueux est plus sûr qu’une recherche trop curieuse de la conduite de Dieu. Sherlock. Mais pourquoi suis-je si curieuse, & pourquoi veux-je lire dans une ame où je ne trouverois que de la tiédeur, & peut-être de l’infidélité ? Ce n’est ni l’habitude de vous voir, ni la crainte de vous fâcher en ne vous voyant pas, qui m’oblige à rechercher votre vue, c’est une avidité curieuse qui part du cœur sans art & sans réflexion. Id.
Ha ! que vous enflammez mon desir curieux. Rac.
Et d’un œil curieux,
Dans son cœur palpitant consultera les Dieux. Id.
Curieux, se dit en bonne part de celui qui a desir d’apprendre, de voir de bonnes choses, les merveilles de l’art & de la nature. Rerum reconditarum studiosus indagator. C’est un curieux qui a voyagé par toute l’Europe, un curieux qui a feuilleté tous les bons livres, tous les livres rares. C’est un Chimiste curieux, qui a fait de belles expérience, de belles découvertes.
Curieux, se dit aussi de celui qui amasse des choses rares, singulières, excellentes, ou qu’il regarde comme telles, car tous les curieux ne sont pas connoisseurs ; rerum singularum, reconditarum & exquisitarum conquisitor studiosus. C’est un curieux de livres, de médailles, d’estampes, de tableaux, de fleurs, de coquilles, d’antiquités, de choses naturelles. Dans ce cas il est pris substantivement.
Curieux, se dit encore de la chose rare qui a été ramassée, ou remarquée par l’homme curieux. Rarus, singularis, exquisitus. Ce livre est curieux ; c’est-à-dire, est rare, ou contient bien des choses singuliere, que peu d’hommes savent. Ce secret est curieux. Cette expérience, cette remarque est curieuse. Le cabinet de cet homme est fort curieux, rempli de choses curieuses.
On appelle les sciences curieuses, celles qui sont connues de peu de personnes, qui ont des secrets particuliers, comme la Chimie, une partie de l’optique, qui fait voir des choses extraordinaires avec des miroirs & des lunettes, & plusieurs vaines sciences ou l’on pense voir l’avenir, comme l’Astrologie Judiciaire, la Chiromance, la Géomance, & même on y joint la Cabale, la Magie, &c. Res, ou artes abstrusæ ac reconditæ.
Curieux, signifie quelquefois Recherché. Le Titien étoit curieux dans son coloris ; Raphaël étoit curieux dans le choix & dans les accommodemens des draperies.
Pétrone dépensoit son bien, non pas dans la débauche, mais en homme délicat, dans un luxe poli & curieux. S. Evr. Cette femme est fort curieuse en habits, en dentelles.
Curieux. s. m. Terme d’histoire ancienne. Officier de l’Empire Romain sous les Empereurs du moyen âge, Curiosus. Les Curieux étoient des gens commis pour empêcher les fraudes & les malversations, surtout en ce qui regardoit les postes & les voitures publiques, pour donner avis à la Cour de tout ce qui se passoit dans les Provinces, ce qui les rendoit redoutables, & leur donnoit moyen de faire beaucoup plus de mal qu’ils n’en empêchoient ; c’est pourquoi Honorius les cassa sur les côtes de Dalmatie l’an 415 de J. C. On les appeloit Curieux, du mot Cura, soin, quòd curis agendis & evectionibus cursus publici inspiciendis operam darent. Ce nom revient à peu près à ce que nous appelerions Contrôleurs des postes. Ils étoient encore chargés de donner avis aux Juges des crimes qui se commettoient, à ce qu’il paroît par le Code, L. I. de Curiosis. Tertulien est le premier que je sache qui en ait parlé au L. de fugâ in perfec. Voyez sur les Curieux le Code, L. 13 de Curs. publ. L. 2. de Curios. & L. I. de Off. Magistr. Officior. Et L. ulti. §. 4. ff. de Muner. & honor. Le Jurisconsulte Jean Laurent sur Phèdre, L. IV. f. 22. v. 12. Godefroy sur le Code Théodosien au Titre de Curiosis ; Scaliger, sur Manilius, L. V. Tillemont, Hist. des Emper. T. V. p. 626. Ces Prêtres & ces Diacres adresserent un autre acte au Préfet Philagre, à Passade le Curieux, & à Antoine Biarque, centenier des Préfets du Prétoire.
CURION. s. m. Chef & Prêtre d’une Curie. Curio. Romulus divisa le peuple Romain en trois Tribus, & en trente Curies, dont chacune étoit de cent hommes. Il donna à chaque Curie un chef, qui étoit le Prêtre de cette Curie, & qu’on appela Curion, Curio, & Flamen Curialis. C’étoit lui qui faisoit les sacrifices de la Curie, qui s’appeloient Curionies, Curionia. Sa Curie lui donnoit quelque somme d’argent pour cela. Cette pension ou ces appointemens s’appeloient Curionium. C’étoit chaque Tribu qui choisissoit son Curion, mais tous ces Curions particuliers avoient un supérieur & un Chef, un Curion Général, qui étoit à la tête du Corps, & qui gouvernoit les autres : on l’appelloit Grand Curion. Curio Maximus. Celui-ci étoit élu par toutes les Curies assemblées dans les Comices qu’on nommoit Curiata. Toutes ces institutions furent faites par Romulus, & confirmées par Numa, au rapport de Denys d’Halicarnasse, L. II. Godwin, Ant. Rom. L. II. Sect. II. C. 5. prétend qu’il y avoit deux Curions dans chaque Curie. Rosin parle des Curions, L. III. Antiq. Rom. C. 13. & Vigenere sur Tite-Live.
CURIONIES. s. pl. Curionia. Sacrifice d’une Curie que faisoit le Curion dans la Curie, ou Maison Curiale, & après lequel la Curie faisoit un festin.
CURIOSITÉ. s. f. Desir empressé de savoir, d’apprendre des choses nouvelles. Ce desir est louable ou blâmable, & se prend en bonne ou mauvaise part, suivant les objets auxquels il se porte. Curiositas. L’Evangile apprend à l’homme à connoître sa propre foiblesse, & à n’avoir qu’une curiosité respectueuse. S. Evr. Les Théologiens contribuent eux mêmes à nous donner des curiosités qui mènent insensiblement à l’erreur. S. Evr. Rien n’échappe à la curiosité des yeux jaloux. Bouh. Il y a diverses sortes de curiosités ; l’une d’intérêt, qui nous porte à désirer d’apprendre ce qui nous peut être utile, & l’autre d’orgueil, qui vient du desir de savoir ce que les autres ignorent. Rochef. Une curiosité indiscrète marque presque toujours une légèreté d’esprit. Moth. Vay. Employons aux affaires de notre salut toute cette curiosité qui se répand au dehors. Flech. Une curiosité bien dirigée & bien ménagée, est un desir louable qui conduit à la connoissance des sciences. S. Evrem. La curiosité d’un mari jaloux est imprudente ; il ne devroit point chercher à s’éclaircir d’un mal où il n’y a point de remède. Mont. C’est affoiblir les loix que d’en rechercher les motifs avec trop de curiosité. S. Evr.