vingts à deux mètres de longueur, entrelacées de rameaux et recouvertes de plusieurs couches de joncs, de bruyères et de peaux d’animaux. Il est abrité par quelque saillie de rocher. La mère pond deux ou trois œufs, quelquefois quatre. Elle les couve pendant trente jours. Comme les aiglons sont très voraces, dès qu’ils sont éclos, les parents font pour eux la chasse et leur apportent d’abondantes provisions de gibier. Les petits quittent le nid, pour n’y plus revenir, au bout de trois ou quatre mois.
Si l’aigle est le roi des airs, il en est aussi le tyran. Son odorat est faible, mais sa vue perçante lui permet d’apercevoir sa proie de fort loin. Ses yeux, très grands, sont enfoncés dans une cavité profonde, que la partie supérieure de l’orbite recouvre comme un toit avancé. Ils sont pourvus d’une sorte de seconde paupière transparente, qui se relève et s’abaisse à volonté, de sorte que l’aigle peut fixer le soleil sans en être aveuglé. Dès qu’il a découvert une proie, il replie ses ailes, il se laisse tomber sur elle, les serres ouvertes, et il la saisit avec une telle force, qu’il la rend incapable de tout mouvement. Il la pose alors à terre, avant de l’emporter, comme s’il voulait se rendre compte du poids. Il l’enlève ensuite sans peine, si c’est une oie, une grue, ou même un lièvre, un agneau, un chevreau. Si c’est un faon ou un veau, une brebis ou un cerf, la charge est trop lourde ; il se contente alors de déchirer les chairs et d’en prendre une provision dans son aire. Il dévore ordinairement sa proie sans la tuer. Le circaète fait particulièrement la chasse aux volailles, aux perdrix, aux jeunes lapins, aux petits oiseaux, aux insectes, et surtout aux serpents et aux divers reptiles qui abondent en Palestine et sont sa principale nourriture.
L’aigle, en général, est vorace et glouton, mais il peut néanmoins supporter un jeûne prolongé, et demeurer une vingtaine de jours sans prendre de nourriture. Son jabot est susceptible d’une dilatation considérable, et peut emmagasiner par conséquent une très grande quantité de viande ; son gésier, au contraire, est fort petit, et il ne peut recevoir que par petites doses les aliments dont il doit faire la digestion. Il commence sa chasse régulièrement le matin au lever du soleil, accompagné presque toujours par la femelle. Quand il a réussi à s’approvisionner, il revient vers le milieu du jour dans son aire, s’il n’en est pas trop éloigné, et là, immobile, les plumes pendantes, il se repaît de sa proie. Après le repas il cherche à boire, et même, s’il le peut, dans la saison chaude, à se plonger dans l’eau. Il recommence ensuite sa chasse jusqu’au soir, et alors il se retire dans l’endroit où il veut passer la nuit.
Les écrivains sacrés font souvent allusion à ces habitudes de l’aigle. Ils rappellent dans leurs comparaisons la puissance et la rapidité de son vol, Exod., xix, 4 ; Deut., xxviir, 49 ; II Reg., i, 23 ; Prov., xxiii, 5 ; xxx, 19 ; Is., XL, 31 ; Jer., iv, 13 ; xlviii, 40 ; xlix, 22 ; Lament., iv, 19 ; Osée, viii, 1 (hébreu) ; Abdias, 4 ; Hab., i, 8 ; son ardeur à chercher sa proie, Job, IX, 26 ; Prov., xxx, 17 ; la manière dont il apprend à voler à ses aiglons, Deut., xxxii, 11, image de la sollicitude de Dieu envers son peuple ; l'élévation de son aire, Job, xxxix, 27, dont la hauteur rappelle la fierté et l’arrogance des enfants d'Ésaü. Jer., xlix, 16 ; Abd., 4. Les cheveux de Nabuchodonosor, qui, atteint de la lycanthropie et vivant comme les bêtes, les laisse pousser longs et incultes, sont comparés aux plumes de l’aigle. Dan., iv, 30. La similitude du Deutéronome, xxxii, 11, qui nous représente Dieu prenant soin de l'éducation de son peuple, comme l’aigle qui « excite ses petits à voler, et voltige au-dessus d’eux », est particulièrement touchante, et en même temps fort juste. Cf. Exod., xix, 4. Une description de sir Humphry Davy peut servir de commentaire à ce passage : « Je vis une fois un spectacle fort intéressant au-dessus d’un des rochers du Ben-Nevis, OÙ j'étais en chasse. Deux aigles enseignaient à leur progéniture, deux jeunes aiglons, la manœuvre du vol. Ils commencèrent par s'élever du sommet de la montagne, en se dirigeant du côté du soleil. C'était vers midi. Ils firent d’abord de petits cercles, et les jeunes oiseaux les imitèrent ; les parents se reposèrent ensuite sur leurs ailes, en attendant que leurs petits eussent terminé leur premier vol ; ils firent ensuite un second cercle plus grand ; ils s'élevaient toujours dans la direction du soleil, en élargissant la circonférence de leur vol de manière à tracer une spirale graduellement ascendante. Les aiglons les suivirent encore, lentement ; ils paraissaient mieux voler à mesure qu’ils montaient. Les aigles et leurs petits continuèrent cet exercice, s'élevant toujours, jusqu'à ce qu’ils ne parurent plus que comme des points dans l’air, et que les aiglons d’abord, leurs parents ensuite, échappèrent complètement à nos regards. »
56. — Divinité assyrienne à tête et à ailes d’aigle.
Bas-relief du Musée assyrien du Louvre.
Quand l’aigle recherche sa proie, il fait entendre quelquefois un cri rauque, qui remplit de terreur les autres oiseaux. La Vulgate a vu une allusion à ce cri dans Osée, viii, 1 : « Que dans ta bouche soit une trompette comme l’aigle, » c’est-à-dire un cri comme celui de l’aigle. On traduit communément l’hébreu en coupant autrement la phrase : « Crie comme si tu sonnais de la trompette. L’ennemi vient comme un aigle contre la maison de Jéhovah. » La comparaison est tirée de l’impétuosité avec laquelle l’aigle fond sur sa proie. — Le Psalmiste dit que la jeunesse de celui que Dieu bénit n sera renouvelée » comme celle de l’aigle ». Ps. en (hébreu, ciii), 5 ; cf. Is., XL, 31, dans le texte hébreu. Le sens de ce passage est assez obscur. Comme l’aigle vit longtemps et peut dépasser un siècle, il courait chez les anciens des fables d’après lesquelles l’aigle pouvait renouveler ses forces dans sa vieillesse. Un poète, même inspiré, pouvait assurément rappeler ces croyances populaires. Cependant les commentateurs modernes expliquent généralement les paroles du psaume cil en disant, les uns : « Ta jeunesse sera renouvelée de telle sorte que tu auras la force de l’aigle ; » les autres : « Tu rajeuniras comme l’aigle, qui est plein d’une activité nouvelle, après l'époque de la mue. »
Chez les prophètes de la captivité, l’aigle joue un rôle nouveau : il entre comme élément important dans les visions dont Dieu les favorise. Les Juifs captifs à Babylone y virent les œuvres de l’art chaldéen, dans lesquelles