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ÉVANGILES APOCRYPHES — EVE

vulgaire, qui, par l’ordre d’un président nommé Pilate, fut attaché au gibet ? Les Actes de sa condamnation subsistent encore ! » P. Allard, La persécution de Dioctétien, t. i, Paris, 1890, p. 309. Mais ces Actes païens n’ont rien de commun avec nos Acta Pilati. — Le second des deux récits qui constituent l’Evangelium Nicodemi est le récit grec de la descente du Christ aux enfers, Descensus Christi ad inferos. La plus ancienne attestation qu’on en trouve est dans Eusèbe d’Alexandrie. Voir, l’homélie d’Eusèbe sur le sujet, t. lxxxvi, col. 384, et les dissertations qui l’accompagnent. Ibid., col. 411.

IIe Classe. — 1° Saint Jérôme au prologue du Comment. in Ev. Matth., t. xxvi, col. 17, citant quelques évangiles non canoniques, mentionne un Évangile selon saint Barthélémy. On trouve une allusion à un évangile attribué à ce même apôtre dans le faux Aréopagite, Myst. theol., i, 3, t. iii, col. 1000. Il est mentionné par le catalogue gélasien. On n’en a aucune autre trace. Nestlé, Novi Testamenti grseci supplem., Leipzig, 1896, p. 73.’2° Origène, Hom. x in Lev., 2, t. xii, col. 528, donne comme tiré d’un petit livre qui porte le nom des Apôtres, « quodam libello ab Apostolis dicto, » la sentence suivante : « Beatus est qui etiam jejunat pro eo ut alat pauperem. » Cette sentence est peut-être tirée de l’Évangile des XII Apôtres, signalé par saint Jérôme au prologue de son Comment. in Ev. Matth., t. xxvi, col. 17. Nestlé, ibid.

3° Le catalogue gélasien mentionne un Évangile de Barnabé, inconnu d’ailleurs. Nestlé, ibid., rattache à cet évangile une sentence grecque attribuée par un manuscrit à l’apôtre Barnabé : « Dans les mauvais combats, le vainqueur est le plus malheureux, car il s’en va chargé de plus d’iniquité. » Attribution conjecturale.

4° Un Évangile de Mathias est cité par Clément d’Alexandrie sous le titre de Παραδόσεις ou « Traditions » de Mathias. Strom., ii, 9, t. viii, col. 981 ; vii, 13, t. ix, col. 513 ; Nestlé, ouvr. cit., p. 74. Les Philosophoumena, vu, 20, t. xvi, col. 3303, mentionnent des « discours apocryphes » de Mathias, en honneur dans l’école de Basilides. Origène connaît un Évangile hérétique attribué à Mathias. Hom. i in Luc-, t. xiii, col. 1803. De même Eusèbe, H. E., iii, 25, 6, t. xx, col. 269. Cet évangile est porté au catalogue gélasien.

5° Saint Épiphane a vu aux mains de quelques gnostiques égyptiens un soi-disant Évangile de saint Philippe, dont il cite quelques sentences. Adv. hær., xxvi, 13, t. xi.i, col. 352 ; Nestlé, ibid. On n’en a pas d’autre trace, car il n’est pas démontré que la Pistis Sophia fasse allusion à cet évangile. Cf. Harnack, op. cit., 1. 1, p. 14.

(i° Saint Augustin, Contra adversarium legis et prophetarum, ii, 4, 14, t. xi.ii, col. 647, cite de l’adversaire qu’il réfute la parole suivante, attribuée au Christ répondant à une question des Apôtres sur l’autorité des prophètes : « Dimisistis vivum qui ante vos est, et de mortuis fabulamini. » S’il s’agit là d’un Évangile apocryphe, on ignore quel il est. Harnack, ouvr. cit., t, i, p. 24.

7° Saint Épiphane, Adv. hær., xxvi, 2, t. ai, col. 333, signale chez les gnostiques un Évangile de la perfection, E’jayyaiov zikutîxsuù ; . Philastrius, 33, t. xii, col. 1149, le mentionne sous le titre de Evangelium consummationis. Harnack, ouvr. cit., t. i, p. 24.

Les termes d’Evangelium Apellis ou d’Apelles (IIe siècle), d’Evangeliurn Basilidis ou de Basilides (même époque), d’Evangeliurn Marcionis ou de Marcion (même époque), d’Evangeliurn Valentini ou de Valentin (même époque), désignent la doctrine propre à chacun de ces gnostiques, non des évangiles apocryphes particuliers, l’Evangelium Tatiani n’est que le Diatessaron de Tatien.

Voir Fabricius, Codex apocryphus Novi Testamenti, Hambourg, 1703 ; Thilo, Codex apocryphus Novi Testamenti, Leipzig, 1832 ; Brunet, Les évangiles apocryphes traduits et annotés d’après l’édition de Thilo, Paris, 1845 ; Tischendorf, Evangelia apocrypha, Leipzig, 1853 et 1876 ; Variot, Les évangiles apocryphes, Paris, 1878 ; Nestlé, Novi Testamenti grœci supplementum, Leipzig, 1896 ; Batiffol, Anciennes littératures chrétiennes, la littérature grecque, Paris, 1898, p. 35-41 ; Hofmann, art. Apokryphen des N. T., dans la Realencyklopädie für prot. Theologie, t. 1, 1896 ; Les Apocryphes du Nouveau Testament, publiés sous la direction de J. Bousquet et E.Amann, in-8°, Paris, 1910 sq.

P. Batiffol.

ÈVE (hébreu : Ḥavvàh ; Septante : Ἔυα [ζωή, Gen., m, 20] ; Vulgate : Heva), la première femme et la mère du genre humain.

I. Création d’Ève. — Ève fut créée dans le paradis terrestre, où Adam avait été placé par Dieu après sacréation. Gen., ii, 15. La création d’Ève est annoncée et racontée avec la même solennité que celle d’Adam. Gen., i, 26 ; ii, 7. Comme s’il voulait réfuter d’avance les erreurs à venir touchant la prétendue infériorité naturelle de la femme, l’auteur inspiré rapporte que le Seigneur amena à Adam tous les animaux, mais qu’il ne s’en trouva aucun « qui lui fut une aide semblable à lui », c’est-à-dire de la même espèce et capable de lui aider à la perpétuer en vivant en société avec lui. Gen., ii, 20 ; cf. 1, 28. Adam ne pouvait donc manquer de remarquer cette lacune dans la création et de concevoir ainsi l’idée d’un être plus noble, que le Seigneur avait d’ailleurs formé le dessein de lui associer. Car Dieu avait déjà dit : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul, » pour montrer que la création d’Ève était le complément nécessaire de celle d’Adam ; « faisons-lui une aide qui lui soit semblable. » Gen., ii, 18.

Dieu ne tira pas le corps d’Ève de la terre, comme il en avait tiré celui de l’homme ; mais, ayant plongé Adam dans un sommeil mystérieux (voir S. Augustin, De Gen. ad litt., IX, xix, t. xxxiv, col. 408), il lui prit une côte, et avec cette côte il « construisit » le corps de la femme, Gen., ii, 21-22, faisant miraculeusement grandir cette matière entre ses mains, comme plus tard Jésus multiplia dans ses mains les pains et les poissons. Estius, Sentent., lib. ii, dist. vii ; cf. S. Augustin, Tract, xxirin Joa., 1, t. xxxv, col. 1593. Par cette origine donnée au corps d’Eve, Dieu marquait à la fois l’union étroite des deux époux et la dépendance de la femme vis-à-vis de l’homme, qui fut la source de son être et le fondement sur lequel elle a été « construite ». « L’homme, s’écria Adam à la vue d’Eve, quittera son père et sa mère et s’attachera à son épouse, et ils seront deux dans une seule chair. » Gen., ii, 24. Pareillement, en prenant la matière de ce corps dans la partie moyenne de celui d’Adam, près de son cœur, Dieu donnait à entendre l’égalité de condition et l’affection qui devait régner entre les époux. Eph., v, 23, 28-29, 31 ; I Cor., xi, 8-9 ; I Tim., ii, 12-13 ; cf. Matth., xxix, 5 ; Marc, x, 8. Voir Théodoret, Quæst. xxx in Genes., t. lxxx, col. 127. C’est ce que proclama Adam à son réveil, lorsqu’il vit celle que Dieu « lui amenait » : « Voici cette fois, dit-il, l’os de mes os et la chair de ma chair. Elle s’appellera ’issâh (littéralement hommesse), parce qu’elle a été tirée de l’homme, ’is. » Gen., ii, 23. Ève reçut ainsi d’Adam son premier nom, comme elle tenait de lui son être. Gen., ii, 23-24. Cette origine d’Ève renfermait dans la pensée divine de profonds mystères. Les Pères y ont vii, en particulier, après saint Paul, la figure de la naissance de l’Église, sortant du côté ouvert du Sauveur mourant, Joa., xix, 34, et la figure des rapports de cette Église avec Jésus-Christ. Eph., vi, 23-32. S. Augustin, Tract, ix in Joa., 10, t. xxxv, col. 463. — La tradition s’est prononcée pour le sens littéral et historique du récit de la création d’Ève. Origène seul entre les anciens écrivains ecclésiastiques a pris ce récit dans un sens allégorique. Contra Célsv.m, iv, 38, t. xi, col. 1087. Seul aussi parmi les théologiens Cajetan a rejeté le sens littéral, mais sans appuyer son opinion sur