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CIRCONCISION


pansait la plaie, et l’on imposait le nom à l’enfant, parce que Dieu avait imposé un nouveau nom à Abraham en établissant la circoncision, Gen., xvii, 5, et qu’à dater de cette cérémonie le nouveau-né commençait à faire partie du peuple de Dieu et devait y être reconnu par son nom particulier. Tout se terminait par un repas de famille. Jerus. Berakhoth, 6. Quand l’enfant était malade, on attendait sa guérison complète pour le circoncire, et alors, la loi du huitième jour ne s’imposant plus, on devait éviter d’opérer cette circoncision tardive le jour du sabbat. Si l’enfant mourait avant le huitième jour, on le circoncisait dans son cercueil sur son tombeau, afin qu’il ne fût pas privé dii signe honorable de l’alliance avec Dieu. La circoncision était autorisée même le jour du sabbat, à cause de son importance. Joa., vii, 23. On pouvait ce jour-là préparer tout ce qui était nécessaire à la cérémonie, si on ne l’avait pas fait la veille. Les rabbins-défendaient cependant d’accomplir le jour du sabbat ce qui pouvait s’exécuter la veille. Schabbath, xix, 1-5. Buxtorf, Synagorja judaica, Bàle, 1682, p. 92-110 ; A. G. Hoffmann, dans YAllgemeine Encyclopâdie der Wissenschaften tind Kunste de Ersch et Gruber, Leipzig, 1822, t. ix, p. 265-269. — Sur la manière dont on circoncit chez les Arabes, voir de la Roque, Voyage dans la Palestine, Amsterdam, 1718, p. 114-116. Sur la circoncision des musulmans actuels de la Palestine, voir Chauvet et Isambert, Syrie, Palestine, Paris, 1890, p. 166-167.

2° Son symbolisme. — La circoncision est avant tout le signe de l’alliance contractée par Dieu avec son peuple. « Vous circoncirez votre chair en signe d’alliance entre moi et vous, … et mon pacte sera dans votre chair en alliance éternelle, » avait dit le Seigneur. Gen. xvii, 11, 13. « Aucun document écrit, aucun monument taillé de la main des hommes, ne pouvait aussi sûrement conserver la mémoire de l’alliance divine que cette institution sanglante. » Haneberg, Histoire de la révélation biblique, trad. Goschler, Paris, 1856, t. i, p. 57. Par la suite, la circoncision, signe de cette alliance avec Jéhovah, devint tellement caractéristique du peuple juif, que, dans le Nouveau Testament le seul mot « circoncision » sert à désigner ce peuple. Act., x, 45 ; xi, 2 ; Rom., xv, 8 ; Gal., h, 7-12 ; Phil., iii, 3 ; Col., iii, 11 ; Tit., i, 10. Mais il y a lieu de se demander pourquoi Dieu a choisi un signe de cette nature et quelle idée morale il a voulu y attacher.

— 1. À en juger par la manière dont s’expriment à plusieurs reprises les auteurs sacrés, la circoncision corporelle implique l’idée d’une lutte violente et douloureuse contre les penchants de la nature corrompue. Moïse le premier explique aux Israélites qu’ils ont autre chose que leur corps à circoncire : « Ayez soin de circoncire votre cœur et de ne plus endurcir votre tête. » Deut., x, 16. Il dit aussi : « Le Seigneur ton Dieu circoncira ton cœur et celui de ta descendance, afin que tu aimes le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur. » Deut., xxx, 6. La circoncision spirituelle doit donc retrancher ce qui empêche d’aimer Dieu. Jérémie, iv, 4, parle également de cette circoncision du cœur. Cf. Bossuet, Élévations sur les mystères, vir= sem., vne élév. — 2. Pour saint Thomas, Summ. theolog., iii, q. lxx, a. iii, ad i, la circoncision symbolise trois choses : la foi d’Abraham au Messie qui devait naître de lui, le remède du péché originel transmis par la génération, la diminution de la concupiscence. Comme ce remède au péché originel doit être apporté surtout par le baptême, la circoncision est tout naturellement la figure du baptême chrétien. S. Jean Damascène, De fide orthodoxa, IV, xxv, 119, t. xciv, col. 1213. Cf. Msr Gilly, Précis d’Introduction, Paris, 1868, t. ii, p. 213-215.

3° Son efficacité. — 1. La circoncision a été un sacrement de l’ancienne loi destiné à procurer la rémission du péché originel. Saint Augustin enseigne fréquemment cette doctrine. De Civit. Dei, xvi, 27, t. xi.i, col. 506 ; De baptism. contra Donat-, iv, 24, t. xliii, col. 174 ; De

nupt. et concupisc, ii, 11, 24, t. xliv, col. 449 ; Contra Julian., V, viii, 44, t. xliv, col. 760, etc. Elle est professée ensuite par saint Grégoire le Grand, Moralia in Job, iv, 3, t. lxxv, col. 635 ; par saint Thomas, Summ. theolog., iii, q. lxx, a. 4 ; Sent., iv, d. i, q. 2, a. 4 ; Suarez, De sacramentis in génère, disp. iv, sect. 1 ; disp. v, sect. 1, etc. Innocent III, cap. Majores, 1. 3, decr. tit. 42, c. 3, déclare que « la faute criminelle était remise par le mystère de la circoncision ». — 2. La circoncision ne remettait pas le péché originel de la même manière que le baptême. Il est de foi, en effet, que les sacrements de l’ancienne loi différaient grandement des sacrements de la loi nouvelle. Decretum pro Arnienis Eugenii IV, dans VEnchiridion de Denzinger, Wurzbourg, 1865, p. 202 ; Conc. Trident., sess. vii, De sacram. in gen., can. 2. Saint Thomas, Summ. theolog., iii, q. i.xx, a. 4, expose ainsi de quelle manière la rémission s’opérait : « Dans la circoncision la grâce était conférée quant à tous les effets de grâce, mais autrement que dans le baptême. Dans le baptême, en effet, la grâce est conférée par la vertu même que possède le baptême, en tant qu’instrument de la, pashion du Christ déjà accomplie. Dans.la circoncision, au contraire, la grâce n’était pas conférée par la vertu de. la circoncision, mais par la vertu de la foi en la passion du Christ, dont la circoncision était le signe. Il fallait alors que celui qui recevait la circoncision fit profession d’avoir cette foi ; l’adulte en témoignait pour lui-même, un autre en témoignait pour les petits enfants. C’est ce qui fait dire à l’Apôtre, Rom., iv, 11, qu’Abraham a reçu le signe de la circoncision comme le signe de la justice de la foi, cette justice provenantde la foi qui était signifiée et non de la circoncision qui la signifiait. » Quand les Pères parlent d’un sacrement ou d’un mystère de la circoncision, il faut donc entendre leurs paroles d’un sacrement purement figuratif, ne produisant pas d’effet par lui-même, mais seulement par la foi aux mérites futurs et à la grâce de Jésus-Christ qui devait accompagner ce sacrement. Franzelin, De sacramenlis in génère, Rome, 1873, thés, iii, p. 20-30 ; Hurter, Theologise dogmaticse compendium, Innspruck, 1879, t. iii, 295-297, p. 180-181.

4° Moqueries des païens et infractions des Juifs. — Quand les Juifs se furent répandus dans le monde grec et romain et qu’ils se mirent à fréquenter les gymnases et les thermes, leur circoncision devint un sujet de moquerie. Josèphe, Cont. Apion., ii, 13 ; Horace, Salir., i, v, 95 ; ix, 70 ; Martial, Epigrannn., YU, lxxii, 5, 6 ; Perse, Satir., v, 184. Pour ne plus donner prise à ces quolibets et paraître grecs, certains Juifs apostats s’appliquèrent à faire disparaître les traces de la circoncision. Il fallait dans ce but se soumettre à une opération chirurgicale douloureuse. Saint Paul l’interdit aux Juifs convertis. I Cor., vu, 18. La première mention qui en est faite date de la persécution d’Antiochus IV Épiphane, lorsque ce roi voulut helléniser Jérusalem. I Mach., i, 16 ; Josèphe, Ant. jud., XII, v, 1.

IV. Abrogation de la circoncision. — 1° La doctrine. — En droit, la circoncision fut abolie, en tant que rite religieux, quand Notre-Seigæur lui substitua le baptême, Joa., iii, 26 ; iv, 1 ; Mallh., xxviii, 19, qui est la vraie circoncision des chrétiens. Col., ii, 11, 12. Origène, Comment, in Epist. ad Rom., lib. ii, 13, t. xiv, col. 911. En fait, il est probable que la circoncision continua pendant quelque temps encore à procurer la rémission du péché originel, concurremment avec le baptême. Les Apôtres eux-mêmes eurent besoin d’une révélation expresse pour être convaincus que Dieu allait recruter son nouveau peuple en dehors de la circoncision. Act., x, 28 ; xi, 3. Les chrétiens convertis du judaïsme acceptèrent très difficilement cette idée. Lorsque la ville d’Antioche fut devenue un centre chrétien important, plusieurs d’entre eux se donnèrent la mission d’aller signifier aux nouveaux venus de la gentilité, que sans la circoncision.