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DOMINICAINS (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES

portant catalogue des manuscrits possédés, au xve siècle, par les Dominicaines de Sainte Catherine de Nuremberg nous en fournit la preuve irrécusable. Cette collection d’environ 370 numéros, chiffre fort important pour l’époque, contenait les volumes suivants, en ce qui concerne l’Écriture : une Bible complète, un autre exemplaire complet de la Bible moins les Prophètes, cinq Harmonies évangéliques, un Cantique des cantiques, huit Psautiers, deux Actes des Apôtres, deux Apocalypses, onze exemplaires des péricopes (Prophètes, Épîtres, Évangiles, Passion). F. Jostes, Meister Eckhart und seine Jünger, dans les Collectanea Friburgensia, fasc. iv, 1895, p. xxrv. Mais le fait le plus important est celui de la découverte du premier traducteur de la Bible allemande préluthérienne. Jean Rellach, un dominicain du diocèse de Constance, s’étant rendu à Rome à l’occasion du jubilé de l’an 1450, et ayant pris connaissance du récit de la prise de Constantinople par les Turcs, écrit par Léonard de Chio, dominicain et archevêque de Mitylène (cette lettre du 16 août 1553, adressée à Nicolas V, non indiquée par Jostes, se trouve dans Migne, Patr. gr., t. clix, col. 923-934), résolut, avec quelques-uns de ses confrères, de traduire en langue allemande l’Écriture. Revenu dans son pays, il fut nommé prédicateur de la croisade contre les Turcs, et alla dans ce dessein en divers pays et jusqu’en Finlande. Le manuscrit de Nuremberg, qui contient plusieurs livres de sa traduction de la Bible et une préface où nous sont fournis ces renseignements biographiques, a permis au Dr Jostes d’établir que Jean Rellach a effectivement traduit toute la Bible, que son œuvre est, à part le Psautier, la première traduction allemande de l’Écriture avant celle de Luther, que c’est elle qui a eu les honneurs de l’impression après la découverte de l’imprimerie. F. Jostes, Die « Waldenserbibeln » und Meister Johannes Rellach, dans l’Historisches Jarbuch, t. xv ( 1894), p. 881 ; t. xviii (1897), p. 133.

6° Enfin nous devons signaler une traduction arménienne de la Bible latine faite en Orient, vers 1330, par les soins et sous la direction de Barthélémy Petit (Parvus). Ce religieux, originaire de Bologne et missionnaire en Arménie, évêque de Maraga (vers 1330) et de Nachivan (1333), fut assez heureux pour ramener à l’unité romaine un bon nombre de moines arméniens schismatiques. Ils constituèrent, sous la règle de saint Augustin et les constitutions des Frères Prêcheurs, la congrégation des Frères-Unis, transformée plus tard en une province de l’ordre. Barthélémy traduisit en arménien, avec le concours de quelques-uns des missionnaires dominicains et des nouveaux Frères-Unis, tous les livres de liturgie et les constitutions de l’ordre. Il entreprit un travail semblable pour la Bible latine. Galani, qui, au xviie siècle, voyagea en Orient et habita l’Arménie, trouva encore ces livres aux mains de ces religieux. De conciliatione Ecclesiæ Armenæ cum Romana, Rome, 1650, t. i, cap. xxx ; Échard, t. i, p. 581. Au commencement du siècle passé, Échard signale dans son couvent de Saint-Honoré un exemplaire du Psautier arménien appartenant à cette traduction, donné à cette maison par Mathias Maracca, prieur du couvent de Charna, qui y avait reçu l’hospitalité lors de son séjour à Paris, en 1646.

VI. SCIENCES AUXILIAIRES DE LA BIBLE : LES LANGUES ORIENTALES. — 1° L’ordre se livra de bonne heure, au xiiie siècle, à l’étude des langues orientales et organisa tout un système d’enseignement, spécialement en vue de l’arabe et de l’hébreu. Dans cette entreprise, il poursuivait spécialement un but apostolique, l’évangélisation des înfidèles. Mais il est sorti aussi de ces écoles une littérature importante, et les études scripturaires en ont bénéficié. — En 1236, la province de Terre Sainte avait déjà organisé dans chacun de ses couvents un studium linguarum pour les langues orientales, spécialement pour l’arabe. Les religieux prêchent dans cette langue, et il en est qui savent l’arménien et le chaldéen. Échard, t. i, p. 104. La province de Grèce a fourni les principaux hellénistes de l’ordre. C’est de ce milieu qu’est sorti Guillaume de Morbecke, le traducteur d’Aristote et de Procrus. Mais c’est en Espagne surtout qu’ont été organisés les studio linguarum mis au service de tout l’ordre. Le voisinage des Sarrasins et des Juifs y a fait spécialement cultiver l’arabe et l’hébreu. Saint Raymond de Pennafort s’est spécialement employé à organiser ces écoles. Il en établit, vers le milieu du siècle, à Tunis et à Murcie. Denifle, Die Universitäten des Mittelalters, Berlin, 1883, 1. 1, p. 495. En 1281, il y a un studium hebraicum à Barcelone, et un studium arabicum à Valence, et le chapitre de la province d’Espagne assigne neuf religieux à chacun. Douais, Acta cap. prov., Toulouse, 1894, p. 625626. En 1291, on établit cette double étude de l’hébreu et de l’arabe à Jativa. Denifle, Universitäten, p. 497. Les religieux des diverses provinces de l’ordre pouvaient y être admis sur l’autorisation du général. Martène, Thes. anecd., t. iv, col. 1725. En 1310, l’ordre élargit cette organisation primitive en établissant des études de langues dans quelques provinces centrales de l’ordre. Le chapitre général de cette année émet ce vœu : Rogamus magistrum ordinis quod ipse de tribus studiis, scilicet hebraico, greco et arabico provideat in aliquibus provinciis, et cum fuerint ordinata, ad quodlibet illorum qualibet provincia unum studentem aptum et intelligentem mittere curet. Martène, Thés, anecd., col. 1927. C’est ce développement des études orientales au commencement du xive siècle qui nous explique pourquoi le général de l’ordre, Aimeric de Plaisance, fait don, en 1308, d’un manuscrit hébreu au couvent de Bologne. Échard, t. i, p. 495. Deux ans plus tard, en 1310, le célèbre Jean de Paris donne aussi à la même maison une Bible hébraïque d’une grande valeur et d’une haute antiquité. Échard, t. i, p. 519. Il n’est pas douteux que le couvent de Bologne, qui possédait un studium generale, ait été une des écoles de langues dont parle le chapitre de 1310. C’est à ce même mouvement linguistique que se rattache le fait de voir un dominicain florentin du xive siècle écrire de sa main tout un psautier grec. Échard, t. i, p. 722.

Parmi les travaux se rattachant aux Ecritures produits par l’activité de l’ordre au xiiie et au XIVe siècle, nous rappellerons le correctoire hébreu mentionné plus haut, de Théobald de Sexania, ainsi que ses extraits du Talmud ; les écrits de Raymond Martini, formé dans les studia d’Espagne et où il fut professeur, spécialement son célèbre Pugio fidei, dans lequel paraît une connaissance approfondie du Talmud, et dont une bonne partie peut être considérée comme appartenant à la science de l’Introduction aux Écritures (Échard, 1. 1, p. 396 ; A. Neubauer, dans The Expositor, 1888, p. 81-105, 179-197 ; Rev. de l’hist. des relig., t. xviii, 1888, p. 136) ; les travaux de traduction de l’arabe, mais d’écrits juifs, relatifs à la loi mosaïque et au Messie, d’Alphonse Bonhomme, espagnol, dans la première moitié du XIVe siècle, et dont on trouve un si grand nombre de manuscrits. Échard, t. i, p. 594 ; Catalogues des mss. latins de la Nat. de Paris et de la Hofbibl. de Vienne. Les écrits de Richard et d’Henri d’Allemagne, à la fin du xiiie siècle, De interpretationibus hebraicorum vocabulorum Bibliæ (Archiv., t. ii, p. 234), sont l’œuvre de religieux qui ont vraisemblablement passé par les studia hebraica de l’ordre. Ricoldo de Monte Croce, auteur des plus célèbres travaux du moyen âge sur le Coran et la littérature musulmane, portait aussi dans ses missions en Orient de véritables préoccupations exégétiques, puisqu’il nous apprend qu’il a comparé le texte latin de l’Écriture avec l’hébreu, le grec, l’arabe et le chaldéen. Revue biblique, 1893, p. 201.

Dans le même ordre de choses, signalons, au xve siècle, le riche butin de manuscrits grecs rapporté par Jean de Raguse de sa mission à Constantinople (1435-1437), et