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Î473 DOMINICAINS (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES 1474

laissé par lui en héritage au couvent des Dominicains de Bàle. Trois manuscrits du Nouveau Testament ont une grande importance. L’un, du Vin* siècle, est connu sous le nom de Codex E ou Basileensis (voir t. i, col. 1494) ; te second, du xii" siècle, a été utilisé par Érasme dans son édition du Nouveau Testament (Bâle, 1516) ; le troisième, de même âge que le précédent, le Codex Reuchlinianus, ainsi nommé parce que le prieur des Dominicains en avait concédé l’usage jusqu’à sa mort au célèbre hébraïsant Reuchlin. Geiger, Iohan Reuchlin, p. 156-157 ; Id., Johann Reuchlins Briefwechsel, p. 15-21. Ces trois manuscrits appartiennent aujourd’hui à la bibliothèque de Bâle. Basler Jarhbuch, 1895, p. 80-81.

Dans la seconde moitié du xve siècle, Pierre Schwarz (Niger), de Wurtzbourg, a travaillé à la propagation des langues sacrées, spécialement de l’hébreu, qu’il avait appris en Espagne, de maîtres juifs. Le 3 août 1481, le général de l’ordre lui concède différents privilèges avec le droit d’enseigner l’hébreu. Analecta Ord. Prsed., t. ii, p. 367. Il avait déjà publié, en 1477, son ouvrage contre les Juifs : De conditionibus veri Messiæ, à Nuremberg, et en allemand, la même année, à Esslingen. C’est parmi les appendices à cet ouvrage que se trouve le premier rudiment de grammaire hébraïque imprimé. Ils sont au nombre de trois : Principia libroriim Veteris Testamenti secundum Hebreos ; — Ruditnentum lingue hebraicse et figurée literarum Hebraicarum ; — Decem prsecepta legis latine et hebraice. Échard, t. i, p. 861. C’est dans cet ouvrage [Chochaf Hamochiach) qu’il se lamente sur l’oubli où se trouve l’étude du texte sacré : « De nos jours beaucoup apprennent à versifier, mais peu approfondissent l’Évangile. Beaucoup étudient la jurisprudence, mais peu la Sainte Écriture. » Jansen, Geschichte des deutschen Volkes, t. ii, p. 73, édit. de 1897.

2° Nous croyons devoir placer dans les sciences auxiliaires de la Bible quelques travaux relatifs à la géographie sacrée. — Burchard de Mont-Sion a composé, vers 1283, une description minutieuse de la Terre Sainte, avec des procédés de précision que l’on peut, pour son temps, qualifier de véritablement scientifiques. C’est l’œuvre classique du moyen âge sur ce sujet. Son dernier éditeur, J. Laurent, Peregrinatores medii sévi quatuor, 2e édit., in-4°, Leipzig, 1873, p. 1-100, indique vingt éditions de l’œuvre de Burchard, et il en a donné deux lui-même. L’ouvrage a été traduit en allemand (sept éditions), en hollandais (une édition), en français (une édition). — La description que Ricoldo de Monte Croce a faite dans son Itinerarius (Laurent, Peregrinatores, p. 105-113) a de l’intérêt, mais est loin de l’importance de celle de Burchard. — Francesco Pipino, de Bologne, nous a laissé un mémoire sur les Lieux Saints, qu’il a visités pendant son pèlerinage, en 1320, et récemment réédité par L. Manzoni. Di fratre Francesco Pipini, Bologne, 1896, p. 74-90 ; de Mas-Latrie, Trésor de chronol, Paris, 1889, col. 1325 ; Échard, t. i, p. 539. — L’Evagatorium de Félix Fabri (Schmidt), de Zurich, du couvent d’Ulm, est un des monuments les plus importants sur la Palestine, par son étendue, la multitude des détails et l’originalité des descriptions. Dans ses pérégrinations, commencées en 1480, Fabri nous fait une peinture complète de la Terre Sainte, de l’Arabie et de l’Egypte. L’ouvrage a été publié en 3 in-8°, par le Literarisches Verein de Stuttgart, 1843-1819.

II. Renaissance et temps modernes. — I. place de

LA BIBLE DANS L’ORDRE DES FRÈRES PRÊCHEURS. — Le

XVIe siècle est, avec le xin°, un siècle classique pour la vie doctrinale de l’ordre dominicain, dans le domaine de la Bible comme dans celui de la théologie. Là comme au XIIIe siècle, les grands travaux des Frères Prêcheurs ouvrent la voie aux études bibliques dans les différentes directions modernes qu’elles se sont frayées. La culture humaniste du xve siècle, avec son goût pour les langues anciennes et ses travaux de critique pour la reconstitu

tion des textes, a avant tout conduit les Dominicains à transporter les mêmes préoccupations dans l’étude du texte sacré. La Réforme, à son tour, en limitant le principe de l’autorité religieuse à la Bible, ne pouvait que fixer et accélérer ce mouvement ; elle obligeait les catholiques à se placer sur le terrain de la discussion scripturaire comme base de leur foi et de leur dogmatique. Mais il serait erroné de croire que la Réforme a déterminé en général le premier mouvement catholique vers les études sacrées et spécialement l’activité des Dominicains. Ce que nous avons dit plus haut le démontre déjà, et ce que nous avons à dire l’établit encore, puisque de grandes entreprises comme celles de Giustiniani et de Pagnini sont notablement antérieures à la révolution religieuse du xvi ! siècle. Les faits établis dans le cours de cet article montrent ainsi le peu de portée de l’accusation dressée contre les Dominicains d’avoir négligé l’Écriture au profit de la théologie, dont ils avaient été les grands promoteurs à travers le moyen âge. C’est, en effet, aux dernières années du XVe siècle que la tentative la plus énergique entreprise non seulement dans l’ordre, mais même dans l’Eglise, dans le dessein de ramener le peuple et les esprits cultivés vers la lecture et l’étude de la Bible, a été entreprise par Jérôme Savonarole. Dans sa lutte contre le paganisme littéraire qui avait envahi le siècle et l’Église, c’est la Bible qu’il propose incessamment comme le grand moyen de retour à l’esprit chrétien. Ses célèbres prédications ne sont que des commentaires suivis sur les divers livres de l’Écriture et adaptés à l’enseignement populaire. Les plaidoyers en faveur de l’Écriture réviennent en chacun de ses discours et de ses écrits. P. Luotto, Dello studio délia Scritlura Sacra secondo G. Savonarola, Turin, 1896, p. 6. Joignant l’exemple à la parole, Savonarole faisait de l’Écriture sa lecture la plus assidue. Villari, I. Savonarole, trad. Gruyer, in-8°, Paris, 1874, 1. 1, p. 156. Poussant ses idées dans l’ordre pratique, le réformateur organisa l’étude savante et assidue de la Bible dans son monastère de San Marco, où il finit par rassembler près de trois cents jeunes religieux appartenant pour la plupart aux premières familles de Florence. Un juif converti, Blemet, qui avait enseigné l’hébreu à Pic de la Mirandole et avait pris l’habit dominicain, dut être un des maîtres du couvent de Saint-Marc. Marchese, San Marco, Florence, 1853, p. 112. Nous voyons Savonarole lui-même écrire, en 1497, à son frère Albert, médecin à Ferrare, pour lui demander un nouvel envoi de six petites bibles hébraïques. Archivio storico ital., t. vm (1850), app. 129. Dans son sermon sur Amos (mercredi après Pâques 1495), il nous apprend que dans son ordre on étudie à la perfection le latin, le grec et l’hébreu, voire même l’arabe et le chaldéen. Marchese, San Marco, p. 112. Ce culte de la Bible alla même si loin parmi les religieux de Savonarole, qu’il se traduisit par une pratique qui peut paraître excessive, celle de porter à peu près constamment avec soi, sous son bras, la Sainte Écriture. Burlamacchi, Vita, Lucques, 1764, p. 196. De cette direction donnée par Savonarole et des écoles qu’il avait organisées sortirent des hommes remarquables, dont plusieurs ont pris une part importante aux travaux scripturaires du temps : Santé Pagnino, le premier traducteur moderne de la Bible d’après l’hébreu et le grec ; Zénobio Acciajoli, helléniste et bibliothécaire de la Vaticane ; Santé Marmochini et Zacharie de Florence, deux vulgarisateurs de la Bible en italien.

II. ÉDITIONS ET CORRECTIONS DES TEXTES OFFICIELS. —

La préoccupation que les Dominicains avaient fait paraître au XIIIe siècle d’atteindre le sens primitif de l’Écriture par la correction du texte de la Vulgate latine ne pouvait que s’accroître en un temps où les questions philologiques et littéraires primaient toutes les autres. C’est pourquoi ils se sont occupés de l’édition des textes originaux et du texte latin de la Bible. — 1° À la première catégorie appartient l’œuvre entreprise par le Génois Au II. — 47