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JÉHTJ


doit l’identifier avec l’Hanani qui avait prophétisé contre Asa, roi de Juda. II Par., xvi, 1. Voir Hanam 3, col. 414. Jéhu était du royaume de Juda, mais il exerça surtout son ministère dans le royaume d’Israël. Il dénonça à Baasa, de la part de Dieu, les châtiments qui devaient tondre sur lui et sur sa famille en punition de son idolâtrie. III Reg., xvi, 1-4. La Vulgate, dans une glose qu’elle a ajoutée au texte dit que Baasa fit périr le prophète Jéhu, III Reg., xvi, 7 ; mais le texte hébreu porte : « et à cause de cela, Dieu le fit mourir (Baasa). s Trente ans environ plus tard, nous retrouvons Jéhu reprochant à Josaphat, roi de Juda, son alliance avec Achab, II Par., xxix, 2-3, et lui disant que cette faute ne lui est pardonnée qu’à cause de ses bonnes œuvres. Jéhu vécut plus longtemps que Josaphat et devint son historien. II Par., xx, 34. F. ViGOtmoux.

2. JÉHU (hébreu : ¥ehû ; Septante : ’Io-j), le dixième roi d’Israël, sur lequel il régna vingt-huit ans, de 884 à 856, ou, selon d’autres calculs, de 865 à 838. Il était fils de Josaphat, fils de Namsi, mais on ignore à quelle tribu il appartenait. Josèphe, Ant. jud., IX, vi, 1, fait de lui le chef de l’armée de Joram, son prédécesseur. Ce dernier venait d’être blessé à Ramoth Galaad, dans une guerre contre Hazaél, roi de Syrie, et il s’était fait porter à Jezræl pour y guérir sa blessure, comptant pouvoir reprendre bientôt la lutte. Joram appartenait à cette famille d’Achab dont l’impiété avait été si pernicieuse pour le royaume d’Israël. Il était urgent, au point de vue religieux, de substituer une influence meilleure à celle de ces princes obstinément rebelles à la loi divine. Déjà le prophète Élie avait reçu du Seigneur l’ordre de sacrer Jéhu roi d’Israël. III Reg., xix, 16. Ce fut son successeur, Elisée, qui exécuta l’ordre de Dieu. Il appela un jeune homme, fils des prophètes, et lui ordonna d’aller à Ramoth Galaad, de prendre Jéhu à part et de lui verser une fiole d’huile sur la tête en lui disant : « Je t’oins roi d’Israël. » Il devait en même temps avertir Jéhu qu’il avait à châtier la maison d’Achab et à exercer la vengeance contre Jézabel, dont le cadavre devait être dévoré par les chiens. L’envoyé d’Elisée accomplit sa mission. Quand les compagnons de Jéhu apprirent ce qui venait de se passer, ils rendirent les honneurs rojaux au nouveau chef et crièrent : « Jéhu est roi ! » Celui-ci n’avait pas brigué la royauté ; ce fut Elisée seul, qui, s’inspirant de la pensée de son maître Élie, prit l’initiative de son élévation. Aussitôt proclamé, Jéhu se mit en devoir de rendre son règne effectif. Après avoir pourvu à ce que la nouvelle de sa proclamation n’arrivât pas jusqu’à Joram, il se dirigea vers la ville de Jezræl, où Ochozias, roi de Juda, était venu en visite auprès de son allié le roi d’Israël dont il avait appris la blessure. La sentinelle de la ville signala à Joram l’arrivée d’une troupe de cavaliers ; il put monter sur son char avec le roi de Juda et se porta au-devant de cette troupe. Quand il fut à portée de Jéhu et comprit enfin ce qui se passait, il s’écria : « Trahison, Ochozias ! » Mais Jéhu], saisissant son arc, transperça d’une flèche le cœur de Joram, qui mourut dans le champ même de Naboth. Jéhu fit ensuite poursuivre Ochozias, qui fut frappé à son tour et s’en alla mourir à Mageddo. Le nouveau roi entra à Jezræl et vit Jézabel à une fenêtre du palais. Sur son ordre, on précipita la reine qui tomba ensanglantée sur le sol. Quand on vint quelques heures après pour ensevelir ses restes, les chiens avaient presque entièrement dévoré le cadavre. IV Reg., IX, 1-37 ; II Par., xxii, 6-9. Jéhu n’avait encore fait qu’exécuter, au moins à l’égard de Joram et de Jézabel, les ordres de Dieu. Là ne s’arrêtèrent pas les meurtres. Après s’être assuré de ce qu’il pouvait attendre des principaux personnages de Samarie, il leur ordonna de décapiter les soixante-dix fils et petits-fils de Joram. C’était une manière de faire partager aux grands du royaume la responsabilité des événe ments. Après les enfants royaux, ce fut le tour des parents, des amis, des conseillers, en un mot, de tous ceux qui tenaient à Joram par quelque lien. Jéhu se rendit alors à Samarie. Chemin faisant, il rencontra quarante-deux hommes de la parenté d’Ochozias, qui venaient saluer les fils de Joram. Il les fit tous massacrer. À Samarie, il feignit de vouloir honorer Baal et réunit dans le temple du dieu tous les prêtres employés à son culte ; puis il donna ordre à ses soldats de les mettre à mort. II prit des mesures pour que le culte de Baal disparût de tout le royaume. Il eut raison d’abolir ce culte odieux. Pour le récompenser d’avoir exécuté ses ordres, le Seigneur lui promit que ses descendants régneraient en Israël jusqu’à la quatrième génération. IV Reg., x, 1-30, Il eut en effet pour successeurs ses descendants directs Joachaz, Joas, Jéroboam II et Zacharie, qui occupèrent le trône d’Israël pendant trois quarts de siècle. IV Reg., xv, 12. Il s’en faut cependant que Jéhu soit resté dans les limites que lui traçait la volonté de Dieu. S’il proscrivit le culte de Baal, il laissa subsister les veaux d’or de Bethel et de Dan, ce qui perpétua dans Israël le péché de Jéroboam. Il avait mission de faire disparaître la maison d’Achab ; mais, outre qu’il accomplit cette mission avec une singulière cruauté, il frappa Ochozias et les quarante-deux parents de ce roi, à l’égard desquels il n’avait aucun ordre formel de sévir. Puis, parmi les partisans de Joram, il est à croire qu’il engloba beaucoup d’hommes qui méritaient plus d’indulgence que de colère. En un mot, la passion politique et une cruauté naturelle l’inspirèrent trop souvent dans ses exécutions sanguinaires. Aussi quand Osée, i, 4, annonce la fin du règne des descendants de Jéhu, il dit : « Je châtierai la maison de Jéhu pour le sang versé à Jezræl. » (Au lieu de la maison de Jéhu, ’IoO ou’Iv]oij, les Septante nomment ici la maison de Juda, loûSa.) Jéhu avait pu, jusqu’à un certain point, se croire en droit de frapper Ochozias qui, par sa mère Athalie, petite-fille d’Amri, et fille d’Achab, appartenait à la famille maudite. II Par., xxii, 2. Si Osée prédit le châtiment à cause du sang versé à Jezræl, c’est donc que, tout en accomplissant l’ordre du Seigneur, Jéhu avait gravement péché par les sentiments qui l’animaient. De même en effet que la suppression méritoire du culte de Baal tut viciée par la tolérance du culte des veaux d’or, ainsi l’extermination de la famille d’Achab fut exécutée dans des conditions indignes d’un mandataire de la justice divine. En somme, Jéhu fut un homme incomplet, heureux d’obéir au prophète parce qu’il y trouvait la satisfaction de ses instincts personnels, ennemi de l’idolâtrie, mais dans la mesure qui convenait à sa politique, actif et énergique, mais violent, froidement cruel et étranger à tout sentiment de délicatesse, comme le montre le souci qu’il prend de se faire servir un repas dans le palais même de Jézabel, pendant que les chiens dévoraient librement le cadavre de la reine qu’il venait de fouler au pied de ses chevaux. IV Reg., ix, 34, 35.

A l’extérieur, Jéhu dut pourvoir à la défense de ses frontières contre Hazæl, roi de Syrie. Voir Hazæl, col. 460. Jéhu paraît avoir pris son point d’appui sur une vassalité volontaire envers le roi d’Assyrie. Il inaugura ainsi une politique qui ne fut que trop suivie par les rois d’Israël et de Juda et devint fatale aux deux royaumes. En 842, Salmanasar II marcha contre Hazæl et lui livra une bataille sanglante ; puis n’osant l’attaquer à Damas, il ravagea les campagnes jusqu’au Hauran, et pénétra en Phénicie dont les princes se hâtèrent de se soumettre. Jéhu envoya saluer humblement le monarque d’Assyrie et lui fit remettre de riches présents. Salmanasar se plut à enregistrer cet hommage sur ses monuments. Sur une première inscription relatant sa campagne de Syrie, il mentionne à la fin le tribut de Tjr, de Sidon et de Jéhu, fils d’Amri, Yakua habal Bumni. Jéhu est appelé fils d’Amri, parce que ce dernier avait