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PÉNITENCE — PENSÉE

tion, le pouvoir non seulement de déclarer les péchés, remis, mais de les remettre effectivement : « Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. » Leur pouvoir s'étend donc plus loin que celui de Nathan, qui ne fit que déclarer à David que son péché était pardonné. — Cette rémission comporte l’effet déjà énoncé dans divers passages de la Sainte Écriture comme directement opéré par Dieu. Le péché, en vertu de l’absolution, est « couvert », Ps. lxxxv (lxxxiv), 3, et « non imputé », Num., xii, 11 ; Rom., iv, 7, 8, non pas seulement en ce sens qu’il existe toujours, quoique Dieu daigne n’en plus tenir compte. Il est réellement effacé, enlevé, radicalement détruit, comme le déclarent les autres textes inspirés. Voir Péché, 4°, col. ii. En un mot, en vertu des paroles évangéliques, il est « remis », comme une dette qui n’existe plus et ne peut plus revivre, quand le créancier a rendu au débiteur le titre qui liait ce dernier.

3° Le pouvoir conféré par Notre-Seigneur à son Église n’est pas limité par sa déclaration sur le péché contre le Saint-Esprit. Matth., xii, 82 ; Marc, iii, 28. Voir Blasphème, t. i, col. 1809. — On lit aussi dans l’Épître aux Hébreux, vi, 4-6 : « Il est impossible pour ceux qui ont été une fois éclairés, qui ont goûté le don céleste, qui ont eu part au Saint-Esprit, qui ont goûté la douceur de la parole de Dieu et les merveilles du monde à venir, et qui pourtant sont tombés, de les renouveler une seconde fois en les amenant à la pénitence. » De ce texte, plusieurs Pères, Clément d’Alexandrie, Strom., 2, 13, t. viii, Col. 293 ; Tertullien, De pœnit., 7, 9, t, I, col. 1241, 1243 ; Origène, In Levit., Hom. xv, 2, t, xii, col. 565 ; S. Ambroise, De pænit., Il, 95, t. xvi, col. 520 ; S. Augustin, Ep. cliii, 7, t. xxxiii, col. 656, ont conclu, sans justifier autrement leur assertion, qu’il n’y a qu’une pénitence, comme il n’y a qu’un baptême. Novatien et ses partisans s’appuyaient même sur ce texte pour nier la possibilité du pardon des péchés graves. Cf. Socrate, H. E. i, 10, t. lxvii, col. 69, Au moyen âge, on l’entendit de la pénitence solennelle, qui en effet n'était jamais réitérée. Cf. Turmel, Histoire de la théologie positive, Paris, 1904, p. 461. Il est évident que l’auteur de l'Épître n’a guère pu songer à la pénitence publique. On explique assez souvent son texte de la difficulté et même de l’impossibilité morale qui empêche pratiquement l’apostat de se repentir avec efficacité. Mais plusieurs Pères préfèrent une autre explication. Ils font porter l’idée principale de l’auteur sur le mot « renouveler » ; il est impossible, disent-ils, qu’une âme soit renouvelée par la pénitence comme elle l’est par le baptême. « Il n’exclut pas les pécheurs de la pénitence, mais il montre qu’il n’y a dans l'Église catholique qu’un baptême, et non deux… Celui qui fait pénitence cesse de pécher, mais il garde les cicatrices de ses blessures, tandis que celui qui est baptisé dépouille le vieil homme et est renouvelé par la grâce du Saint-Esprit qui lui donne une naissance supérieure. » S. Athanase, Epist. IV ad Serapion., 13, t, xxvi, col. 656. D’autres pensent que l'écrivain sacré veut seulement montrer qu’il n’y a pas dans l’Église, comme chez les Juifs, plusieurs baptêmes successifs pour purifier des souillures. Cf. S. Thomas, Sum. theol., III, q. cxxxiv, a. 10, ad 1um. En toute hypothèse, le texte en question n’apporte donc aucune restriction à la rémissibilité des péchés.

VI. Le repentir de Dieu. — La Sainte Écriture dit que Dieu s’est repenti d’avoir fait l’homme sur la terre, Gen., vi, 6 ; d’avoir établi roi Saûl, I Reg., xv, 11, 35 : d’avoir voulu faire du mal à son peuple infidèle, Jer., xxvi, 3, 13, 19, et aux Ninivites coupables. Jon., iii, 10. D’autres fois, on annonce que Dieu ne se repentira pas. Ps. ex (cix), 4 ; Jer., iv, 28 ; xx, 16. Ce sont là de purs anthropomorphismes, des locutions qui prêtent à Dieu la manière de parler et d’agir des hommes, mais qui présentent sous une forme relative ce qui est absolu en Dieu. Le repentir est impossible à Dieu, parce qu’il a tout prévu à l’avance, le bon ou mauvais usage que l’homme ferait de ses dons et la conduite qu’il tiendrait lui-même en conséquence. Samuel exprime ce qu’il y a d’immuable dans la volonté de Dieu, quand il dit à Saül : « Celui qui est la splendeur d’Israël ne ment point et ne se repent point, car il n’est pas un homme pour se repentir. » I Reg., xv, 29. Et saint Paul, parlant des anciennes promesses faites aux Juifs, dit que « les dons et la vocation de Dieu sont sans repentance ». Rom., xi, 29.

2. PÉNITENCE D’ADAM, livre apocryphe. Voir Apocryphes, t. i, col. 710.

PÉNITENTIAUX (PSAUMES), nom donné aux sept Psaumes, vi, xxxi, xxxvii, l, ci, cxxix et cxliii, à cause des sentiments de pénitence qu’ils expriment. L’usage de réciter ces Psaumes pour demander à Dieu pardon de ses péchés est très ancien dans l'Église.

PENSÉE (hébreu : hâgûṭ, de hâgâh, « parler doucement, méditer ; » zammâh, niezimmâh, de zàmam, même sens ; yeṣêr, de yâṣar, « former ; » 'ašṭûṭ, ʿéšṭonôt, de ʿâšaṭ, « former, imaginer ; » rêaʿ, de reʿâh, « penser ; » ṡêah, de ṣîah, « parler, méditer ; » séʿiffim, šeʿiffîm, de sâʿaf, « diviser ; » šarʿaffîm ; chaldéen : harhor, de hârâh, « concevoir ; » raʿiôn, de reʿâh, « penser ; » Septante : διαλογισμός, διάνοια, ἔννοια, ἐνθυμήσις, μελέτη ; Vulgate : cogitatio, cogitalus, consilium), combinaison d’idées formée intérieurement par l’intelligence. — Cette combinaison peut être spontanée ou voulue, mais rapide ; c’est la pensée proprement dite. Elle est exprimée extérieurement par la parole. Voir Parole. L’intelligence peut s’y arrêter avec attention, c’est la réflexion, ou même faire effort pour examiner la pensée plus longuement et sous divers aspects, c’est la méditation, èîhâh, μελέτη, meditatio. La pensée peut ensuite passer dans le domaine de la volonté, pour devenir projet, dessein ou résolution, et être communiquée à d’autres, sous forme de conseil, pour les diriger. — Dans le langage biblique, le cœur est habituellement considéré comme le siège de la pensée. Voir Cœur, t. ii, col. 823.

Les pensées de Dieu. — Elles sont d’une profondeur qui déconcerte l’homme. Ps. xcn (xci), 6. Elles ne sont pas celles des hommes, Is., lv, 8, et les dépassent autant que le ciel est au dessus de la terre. Is., lv, 9. Personne ne peut changer la pensée de Dieu. Job, xxiii, 13. Dieu a des pensées de paix à l'égard de son peuple. Jer., xxix, 11. Les nations ne connaissent pas ses pensées. Mich., iv, 12.

Les pensées de l’homme. — 1. Dieu les connaît toutes ; il les sonde, I Par., xxviii, 9 ; Ps. xciv (xciii), 11 ; cxxxix (cxxxviii), 3 ; Sap., vi, 4 ; Eccli., xlii, 20 ; Is., lxvi, 18 ; Ezech., xi, 5 ; I Cor., iii, 20 ; Heb., iv, 12 ; il les juge, Sap., i, 9, et les révèle. Luc, II, 35. Il a horreur des pensées mauvaises, Prov, , xv, 26, et son Esprit s'éloigne de celles qui manquent de sens. Sap., i, 5. Notre-Seigneur lisait dans les cœurs les pensées de ses interlocuteurs, et les étonnait profondément en les leur révélant. Matth., ix, 4. ; xii, 25 ; Marc, ii, 6, 8 ; Luc, v, 22 ; vi, 8 ; IX, 47 ; xi, 17 ; xxiv, 38. — 2. L’esprit de l’homme a des pensées multiples. Sap., IX, 15. Ces pensées sont incertaines, Sap., ix, 14, et parfois causent grand trouble à l’homme. Dan., iv, 16 ; v, 6 ; vii, 28. Il ne faut pas s'élever dans ses pensées, Eccli., vi, 2, mais demander à Dieu qu’il en donne de bonnes, car, sans son inspiration, nous ne sommes pas capables de concevoir quelque chose par nous-mêmes, au moins dans l’ordre du salut. II Cor., iii, 5. — 3. Les bonnes pensées se rencontrent chez le juste. Ps. xlix (xlviii),