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PENTATEUQUE

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parole de Jésus. Notre-Seigneur parle de Moïse comme écrivain, au sujet des prophéties messianiques contenues dans le Pentateuque. S. Irénée, Cont. hser., iv, 2, n. 3, 4, t. vii, col. 977-978 ; Origène, In Num., hom. xxvi, n. 3, t. xii, col. 774 ; Euthymius, Panoplia dogmatica, tit. xxiv, t. cxxx, col. 1225.

Les Apôtres ont parlé aussi de Moïse écrivain. Philippe annonce à Nathanaël qu’il a rencontré en Jésus le Messie sur lequel Moïse a écrit dans la Loi et dont parlent les prophètes. Joa., i, 45. Saint Pierre, Act., m, 22, cite Deut., xviii, 15, comme parole de Moïse. Saint Jacques rappelle qu’on lit Moïse le samedi dans les synagogues. Act., xv, 21. Saint Paul relate le même fait. Il Cor., iii, 15. Le même apôtre nomme ailleurs la Loi de Moïse. Act., xiii, 33 ; I Cor., ix, 9. Il prêche Jésus d’après la Loi de Moïse et les prophètes. Act., xxvin, 23. Il cite différents passages du Pentateuque eomme paroles écrites de Moïse. Rom., x, 5-8, 19. L’Apocalypse, xv, 3, parle du cantique de Moïse.

Si quelques-uns des témoignages précédents peuvent être restreints aux prophéties messianiques du Pentateuque, il reste établi que Jésus et ses Apôtres, pour parler du livre entier, ont employé les désignations usuelles à leur époque et par suite ont parlé, indirectement au moins, de la Loi comme étant l'œuvre de Moïse. Ils parlageaient donc la croyance commune de leurs contemporains au sujet de l’origine mosaïque du Pentateuque et ils Tout manifestée, sinon par des affirmations directes et formelles, du moins indirectement et en termes équivalents. Toutes les fois qu’ils ont eu à parler de l’auteur du Pentateuque, ils l’ont attribué à Moïse. La critique n’exige pas et ne peut pas exiger, pour établir que la tradition a attribué un écrit à un auteur déterminé, que les écrivains qui l’ont cité aient cité un ouvrage tout entier, mais il lui suffit qu’ils lui aient attribué les parties dont ils ont eu occasion de faire usage. On n’a pas le droit d’exiger de NotreSeigneur et des Apôtres ce qu’on n’exige pas des auteurs profanes.

2° Le sentiment perpétuel du peuple juif '. — La discussion précédente des textes de l’Ancien Testament a prouvé que la plus ancienne tradition d’Israël, reproduite dans le Pentateuque lui-même et dans les livres suivants, rapportait à Moïse au moins la rédaction de certains récits et de certaines lois, qui sont contenus dans le Pentateuque. Le livre des Rois, rédigé pendant la captivité, attribue à Moïse le Deutéronome, découvert dans le Temple du temps de Josias. En revenant à Jérusalem, Esdras rapportait le livre de la Loi, qu’il lit et présente comme l'œuvre de Moïse. Néhémie, Malaohie, l’auteur des Paralipomènes regardaient Moïse comme l’auteur du Pentateuque entier. Les auteurs juifs de la version grecque dite des Septante partageaient cette conviction. Voir col. 52. Tous les contemporains de Notre-Seigneur, à quelque secte qu’ils appartinssent, admettaient cette tradition, dont Jésus se sert pour convaincre les sadducéens. Jésus et ses Apôtres, en employant les dénominations usitées de leur temps, ont bien admis le sentiment commun de leurs coreligionnaires juifs. La tradition ancienne, qui attribue à Moïse la composition du Pentateuque, s’est perpétuée dans la Synagogue jusqu'à nos jours, sauf de très rares et toutes récentes exceptions.

Pour le I er siècle de notre ère, Josèphe et Philon représentent les deux fractions du judaïsme, palestinien et alexandrin. L’historien Josèphe, qui était de Palestine, place en tête des vingt-deux livres que les Juifs reconnaissent comme divins et inspirés, les cinq livres de Moïse qui contiennent l’histoire des origines et de l’humanité depuis la création jusqu'à la mort de l’auteur. Cont. Apion., i, 8. Dans ses Antiquités judaïques, I, Procem., 4, il se propose de résumer les livres de Moïse à partir de la création du monde. À la fin de

son exposé, IV, viii, 3-48, il rapporte que Moïse > avant de mourir, remit aux Israélites qu’il avait tirés de l’Egypte le livre qui contenait la législation divine et qu’il avait écrit lui-même. Or, au sentiment de Josèphe, il ne s’agit pas seulement du Deutéronome, mais bien du Pentateuque entier, puisque le résumé logique qu’il en donne comprend toutes les lois du Pentateuque. II attribue même explicitement au législateur hébreu le récit de son trépas. « Craignant, dit-il, qu’on ne prétendit qu'à cause de sa grande vertu Dieu ne l’avait ravi auprès de lui, il raconta lui-même dans les Livres saints sa propre mort. » Le philosophe alexandrin Philon cite constamment le Pentateuque comme étant de Moïse. La Thora est de tous les Livres saints celui qu’il cite le plus souvent. Elle possède à ses yeux une valeur exceptionnelle et il proclame Moïse son auteur, le prophète par excellence, un archiprophète. Les écrits qu’il a composés comprennent des récits historiques et des lois. L’histoire mosaïque remonte à la création du monde. De vita Mosis, 1. II, Opéra, Genève, 1613, p. 511. Philon raconte la vie de Moïse d’après les écrits de son héros, et parvenu au terme de son ouvrage, 1. III, p. 538, il rapporte comme une merveille que Moïse, sur le point de mourir, fit par inspiration divine le récit prophétique de sa mort. Une beraïlha du Talmud de Babylone, traité BabaBathra, voir t. ii, col. 140, reproduit l’enseignement des Juifs demeurés au pays de la captivité : « Moïse, dit-elle, écrivit son livre (c’est-à-dire le Pentateuque) et la section de Balaam et Job. Josué écrivit son livre et huit versets de la Loi, » ceux qui font le récit de la mort de Moïse. Deut., xxxiv, 5-12. Les rabbins, dont l’opinion est ici reproduite, jugeant que le récit de la mort de Moïse n’avait pu être rédigé par le défunt, l’attribuaient à son successeur. C'était notamment le sentiment de Rabbi Juda. Cette opinion est répétée, traité Makkôth, fol. lia ; traité Menachôth, fol. 30a. Mais au rapport d’une autre beraïtha du même traité, c. Kama, Rabbi Siméon objectait qu’il ne pouvait manquer une seule lettre au livre de la Loi. Aussi concluait-il que jusqu'à. Deut., xxxiv, 4, « Dieu dictait, Moïse répétait et écrivait ; à partir de là, Dieu dictait, et Moïse écrivait en pleurant. » L. Wogue, Histoire de la Bible et de l’exégèse biblique jusqu'à nos jours, Paris, 1881, p. 21 ; G. Wildeboer, De la formation du canon de VA. T., trad. franc., Lausanne, s, d., p. 44. Le Talmud de Jérusalem mentionne seulement l’attribution des cinq livres du Pentateuque, avec mention à part de la section de Balaam et de Balac, mais sans allusion au récit de la mort de Moïse. Traité Sota, v, 5, trad. Schwab, Paris, 1885, t. vii, p. 290. D’ailleurs, les rabbins, en disant : « la loi de Moïse, » en regardaient Moïse comme le rédacteur ; aussi l’appelaient-ils lui-même « le grand écrivain d’Israël ». Tous les docleurs d’Israël sont demeurés fidèles à cette tradition de leurs pères, et ont unanimement reconnu que, sauf les douze derniers versets ajoutés par Josué, Moïse a écrit le Pentateuque sous l’inspiration divine. J. Fùrst, Ver Kanon des Alten Testaments nac.h den Ueberlieferungen xm Talmud und Midrasch, Leipzig, 1868, p. 7-9. Seuls Isaac ben Jasus, au XIe siècle, et Abenesra, au xri", ont admis dans les livres de Moïse quelques additions postérieures. Voir col. 61. À la même époque Maimonide énonça en ces termes le huitième article de la foi juive : « Il faut croire que la loi que nous possédons est la loi qui nous a été donnée par Moïse… Moïse écrivit ce qui lui fut dicté sur l’histoire et sur les lois. » Comment, in tr. Sanhédrin, c. IX, cité par Abarbanel, Sépher Rosch 'Amanah, c. i, trad. de Vorstius, in-4°, Amsterdam, 1638, p. 6. Cf. Surenhusius, Mischna cum commentants integris Maimotiidis et Bartenorse, Amsterdam, 1702, t. iv, p.264. Auxiif siècle. R. Becchai admettait que Moïse avait écrit la loi depuis