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PENTATEUQUE


le premier mot de la Genèse jusqu’au dernier duDeutéronome. Joseph Karo enseignait aussi que le Pentateuque entier venait immédiatement de Dieu et que Moïse n’en avait écrit aucune parole de lui-même. Au xv s siècle, Abarbanel répétait la même chose et rejetait le sentiment de ceux qui attribuaient à Josué les douze derniers versets du Deutéronome. Cf. Richard Simon, Critique de la Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques de E. Dupin, Paris, 1730, t. iii, p. 215-220. Le premier parmi les Juifs, Baruch Spinoza, au xviie siècle, rejette l’authenticité mosaïque du Pentateuque qu’il déclare bien postérieur à Moïse, puisque Esdras en est peutêtre l’auteur. Tractatus theologico-politicus, c. vnr, édit. laucbnitz, t. iii, p. 125 ; trad. Saisset, 2e édit.. Paris, 186/, t. ii, p. 154-173. Quelques Juifs modernes ont admis plus ou moins complètement les conclusions des critiques modernes. S. Munk, La Palestine, Paris, 1881, p. 132-142, attribue la Genèse, sauf un petit nombre d’interpolations, à Moïse qui en a puisé le fond dans des documents antérieurs, émanés de difiérents auteurs : il lui attribue aussi toute la législation du Pentateuque, qui formait peut-être le « livre de l’alliance », bien que sa rédaction ait pu, avec le temps, subir quelques modifications. Le reste du Pentateuque, à savoir les parties historiques des quatre derniers livres, est formé de documents qui étaient postérieurs à Moïse, mais dont il est impossible de fixer l'âge avec précision. « Le recueil a dû être achevé et exister dans sa forme actuelle à l'époque de Josias, et c’est à cette même époque qu’il a pu être reçu par les Samaritains. Le Pentateuque peut donc être appelé avec raison un livre mosaïque, bien qu’il ne soit pas émané en entier de Moïse. S’il manque d’unité dans le plan et la méthode, il y a unité dans l’idée, » p. 142. Les Juifs croyants ont donc ioujours admis et admettent encore l’authenticité mosaïque du Pentateuque. La tradition était si stricte qu’elle a porté les rabbins à accepter même des exagérations et des fables pour la défendre.

3° La tradition perpétuelle de l'Église catholique. — La tradition juive, introduite par Jésus et ses Apôtres dans l’Eglise, s’y manifeste de bonne heure et se coutinue sans interruption de siècle en siècle jusqu'à nos jours. Il suffit de constater son existence dans les premiers siècles, car personne ne nie sérieusement sa persévérance et son unanimité. Les Pères apostoliques citent assez souvent des passages du Pentateuque comme paroles d'Écriture inspirée, sans nommer l’auteur, conformément à leur manière habituelle de citer la Bible, mais ils ne sont pas cependant tout à fait muets sur l’activité littéraire de Moïse. Ainsi le pseudo-Barnabe, s’il rapporte, Epist., x, 1-12, dans Funk, Patres apostolici, 2= édit., Tubingue, 1901, t. i, p. 66-70, plusieurs lois, et xii, 2-9, p. 74-76, plusieurs paroles de Moïse, ne considère pas ce personnage exclusivement comme législateur et comme chef d’Israël. Il cite sous le nom du prophète Moïse une parole prononcée par Dieu lui-même, Exod., xxxiii, 1, 3, parce que le prophète l’avait entendue et relatée dans son récit. Epist., vi, 8, 10, 13, p. 54, 56. De même encore le jeûne de Moïse sur le mont Sinaï est cité comme une parole du prophète. Epist., xvi, 2. p. 80. Saint Clément de Rome cite, lui aussi, plusieurs passages du Pentateuque comme Écriture sainte. Il affirme une fois que xi ô gisxspio ; lua-tcK 6&pi— ùiv £v fj’i.fjù Toi oTxfTi MurJrT-7, --ri ôiaTZyuiva : aÙTÛ — ivTa irrr.jiE'.aiçaTû £v ti :  ; iîpatî fiio/.o :  : . 1 Cor., XLI, 1, ibid., p. 152.

Les Pères apologistes apprennent aux païens, à qui ils s’adressent, que Moïse a écrit sous l’inspiration divine, qu’il est le premier des prophètes et le plus ancien de tous les écrivains et qu’il a raconté par l’esprit prophétique la création dn monde. S. Justin, Apol., i, 59, t. VI, col. 416 ; Cohort. ad Grxc, 28. 30, 33, 34, ibid., col. 293, 296-297, 361 ; S. Théophile, Ad Autol., iii, 23,

ibid., col. 1156. Saint Justin, Apol., i, 32, 54, ibid., col. 377, 409, cite la prophétie de Jacob, Gen., xlix, 10, comme écrite par l’esprit prophétique. Il rappelle à Tryphon, Diah, 29, ibid., col. 537, que Moïse a écrit dans les lettres juives. L’auteur delà Cohort. ad Grsecos, 9, ibid., col. 257, prouve l’antiquité du prophète et du législateur juif par le témoignage des philosophes grecs. Moïse a écrit au sujet du tabernacle, ibid., 29, col. 296 ; et Platon a fait des emprunts à sa divine histoire, ibid., 33, col. 301. Si les origines de l’humanité nous sont connues, c’est que le Saint-Esprit nous les a apprises, lui qui a parlé par Moïse et les autres prophètes, de sorte que nos lettres sont plus anciennes que tous les écrivains et tous les poètes. S. Théophile, Ad Autol., ii, 30, ibid., col. 1100. Aussi tous les apologistes s’accordent-ils à dire que les philosophes et les législateurs païens ont fait des emprunts à Moïse et lui ont volé leur sagesse.

Tous les Pères subséquents citent le Pentateuque sous le nom de Moïse. Ils affirment aussi à l’occasion que Moïse a composé le Pentateuque. On retrouve de ces témoignages formels dans toutes les Églises chrétiennes. Saint Irénée, Cont. hser., i, II, 6, t. vii, col. 715-716, attribue à Moïse le récit de la création du monde. Cf. ii, 22, n. 3, col. 783. À Rome, saint Hippolyte commentait Deut., xxxi, 9, 24, 25, qui attribue à Moïse la rédaction de ce livre. Achelis, Arabische Fragmente zum Pentateuch, dans Hippolylus, Leipzig, 1897 t. i, p. 118. Cf. Philosophoumena, viii, 8 ; x, 33, t. xvi, col. 3350, 3449. À Carthage, Tertullien provoquait Hermogène ad originale instrumentum Moysi, à propos de la création du monde. Adv. Hermogenem, xix, t. ii, col. 214. Cf. Adv. Marcion., iv, 22, ibid., col. 414. A Alexandrie, Origène tenait Moïse non seulement comme législateur, mais aussi comme écrivain, puisque les lettres qu’il employa pour écrire ces cinq livres, tenus pour sacrés chez les Juifs, sont différentes des lettres égyptiennes. Cont. Cels., iii, 5-6, t. xi, col. 928. Il parle des écrits de Moïse, livres clairs et sages, que Moïse ou plutôt l’Esprit divin qui était en Moïse et dont l’inspiration l’a fait prophète, a écrits. Ibid., iv, 55, col. 1120. Cf. In Gen., hom. xiii, n. 2, t. xii, col. 231 ; In Num., hom. xxvi, 3, ibid., coi. 774. Eusèbe de Césarée parle du grand Moïse, le plus ancien de tous les prophètes, qui a décrit sous l’inspiration divine la création du monde et l’histoire des premiers hommes. H. E., i, 2, t. xx, col. 56 ; cꝟ. 3, col. 69. Saint Eusthate d’Antioche, De cngastrinrylha contra Origenem, 21, t. xviii, col. 656, reproche à Origène d’appeler fables ce que Dieu a fait et ce que le très fidèle Moïse a consigné par écrit. Cf. pseudo-Eusthate, In Hexæmeron, ibid., col. 708 Marius Victorin, De verbis Script., Faatum est, 1 ; t. viii, col. 1009, déclare que Moyses nos docuit libre Geneseos. Saint Athanase, Epist. ad Marcellin, 5, 32, t. xxvii, col. 17, 20, 44, rappelait que Dieu avait ordonné à Moïse d'écrire un cantique et le Deutéronome tout entier. Diodore de Tarse déclare que Moïse a écrit le récit de la création. Fragmenta in Gen., t. xxxiii, col. 1561-1562. Didyme d’Alexandrie, De Trinitate, II, vii, 3, t. xxxix, col. 565, expliquant. Faciamus hominem âd imagineni nostram, dit que Moïse dans la Genèse par la personne du Père et du Fils parle au Saint-Esprit. Saint Grégoire de Nysse attribue à Moïse les deux premiers chapitres de la Genèse qui, de prime abord, paraissent contraires. In Hexæmeron, proœm., t. xliv, col. 61. Saint Ambroisa, Tlexæmeron, VI, ii, 8, t. xiv, col. 245, déclare que Moïse, quoiqu’il fût instruit dans toute la sagesse des Égyptiens, a méprisé, parce qu’il était inspiré, la vaine doctrine des philosophes et a décrit la création du monde. Saint Épiphane, Uxr., xxvi, 3, t. xll, col. 337, dit que ce législateur était inspiré pour rédiger la loi contre les parricides, et xxxiii, n. 9, col. 572,