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PENTATEUQUE


de la seconde dynastie saïte, après Psammétique I er (655-610). Mais M. Naville a réfuté les explications données. Proceedings of the Society of biblical Archœologxj, mars 1903, p. 157. Cf. t. i, col. 771, 1082-1083 ; t. iii, col. 1668. La conclusion qu’on en tirait relativement à la date tardive du document élohiste n’est donc pas fondée. Les autres critiques qui la remontent plus haut ne dépassent pas l'époque des rois d’Israël, et ils pensent que l’auteur avait eu personnellement à cette époque une connaissance directe de l’Egypte à la suite des alliances des rois d’Israël avec les Pharaons. Ils en concluent qu’on ne peut discerner dans ses descriptions ce qui convient à l'époque des faits de ce qui se rapporte à son temps. Mais la couleur égyptienne n’est pas spéciale aux récits du soi-disant document élohiste ; elle se remarque dans l’ensemble du Pentateuque, sans distinction des sources ; elle est tout aussi réelle pour les plaies d’Egypte, par exemple, dans les parties du récit que les critiques attribuent au document jéhoviste, et plusieurs traits ne sont justes que pour l'époque des événements et ne conviennent pas à l’Egypte des Pharaons, contemporains des rois et des prophètes d’Israël.

On a constaté, en effet, que l’Egypte, décrite dans l’histoire de Joseph, du séjour des Israélites et de leur exode, est l’Egypte du xv 8 siècle avant notre ère. Ce qui est dit de l'état du pays, des principales villes de la frontière, de la composition de l’armée, est vrai de l'époque des Ramsès. Ce pays y apparaît comme un royaume unique, placé sous le gouvernement d’un seul roi ; elle n’est pas encore morcelée en douze petits États, comme elle l'était au temps d’Isaïe, xix, 2. Voir t. ii, col. 1612. Les villes de Phithom et de Ramessès, bâties par les Israélites, Exod., i, 11, ont eu réellement Ramsès II, sinon comme premier fondateur, du moins comme restaurateur. Il n’est parlé ni de Migdol ni de Taphnès et on n’y relève aucun des noms sémitiques de villes qui furent usités sous la dynastie bubaliste contemporaine de Salomon. L’armée est composée de chars de guerre. Exod., xiv, 7. Voir t. ii, col. 567570. Elle ne comptait pas encore de mercenaires étrangers, pareils aux Lubirn, qui en faisaient partie plus tard. Jer., xlvi, 9 ; II Par., xii, 3. Voir t. l, col. 992991 ; t. iv, col. 238-241. Les relations de l’Egypte avec les pays étrangers supposent aussi une époque ancienne. Il n’est parlé ni du royaume d’Ethiopie qui dominait l’Egypte sous le règne d'Ézéchias, ni des rois assyriens qui conquirent l’Egypte sous la dynastie éthiopienne. Voir t. ii, col. 1612. Cf. R. S. Poole, Ancient Egypt, dans la Contemporary Review, mars 1879, p. 757-759. De cet accord entre le Pentateuque et les anciens documents égyptiens on peut conclure que les récits ont été rédigés peu après les événements et à l'époque où le souvenir des faits était encore récent.

Cette conclusion est confirmée par la ressemblance, purement extérieure il est vrai, mais très réelle, des institutions rituelles et sacerdotales, établies par Moïse au désert avec les rites égyptiens. Voir t. iv, col. 335. L’arche d’alliance, placée dans le tabernacle, ressemblait en quelque chose au naos des temples égyptiens. Voir t. i, col. 912. Le tabernacle présentait lui-même, dans son ensemble, les mêmes dispositions que ces temples. Les divergences provenaient de la diversité des matériaux employés et de la nécessité d’avoir, durant le séjour au désert, un temple portatif. Le rational d’Aaron est pareil au pectoral des prêtres égyptiens. Le sacrifice des colombes, Lev., i, 14-17, se rapproche du sacrifice des oiseaux en Egypte. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6'édit., Paris, 1896, t. ii, p. 529-547 ; Les Livres Saints et la critique rationaliste, Paris, 1902, t. iii, p. 86-99 ; Sayce, La lumière nouvelle apportée par les monuments anciens, trad. Trochon, Paris, 1888, p. 77-98 ; J. Heyes, Bibel und Aegypten, Munster, 1904, p. 142. Cer tains usages pharaoniques sont mentionnés dans le Deutéronome : l’arrosage avec les pieds, vi, 10, mode d’irrigation particulier à l’Egypte, voir, t. iii, col. 926929 ; les soterim, xx, 5, dont le nom lui-même sa rapproche de celui des scribes égyptiens ; la bastonnade, iniligée à la mode égyptienne, xxv, 2, voir, t. i, col. 1500 ; les pierres enduites de chaux, dont on se sert pour écrire, xxvii, 1-8. De tout cet ensemble il résulte manifestement que l’auteur du Pentateuque connaissait les mœurs de l’Egypte, ses usages, ses coutumes, d’une manière si parfaite qu’il a dû vivre longtemps dans ce pays et précisément à l'époque des événements qu’il raconte.

b) L’auteur a écrit son livre pour les Israélites, sortis de l’Egypte et n’occupant pas encore le pays de Chanaan. — Le souvenir de l’Egypte est fréquemment rappelé aussi bien dans les lois que dans les récits historiques des quatre derniers livres du Pentateuque. L’oppression que les Israélites y avaient subie était un motif souvent indiqué de ne pas retourner dans un pays où l’on avait tant souffert et la délivrance de la servitude est un événement récent et très important pour Israël. Le récit de ces événements est écrit sous le coup de l’impression profonde qu’ils avaient laissée. L’anniversaire de l’exode est célébré par une fête solennelle, la fête de la Pàque, qui en rappelle les circonstances historiques. La consécration des premiers-nés au Seigneur se rattache aussi à la dixième plaie d’Egypte, dont les Israélites avaient été exemptés. La fête des Tabernacles est destinée à remémorer aux Hébreux que leurs ancêtres ont habité sous la tente dans le désert, quand Dieu les tira de la terre d’Egypte. Lev., xxtn, 43. Quand les Israélites se révoltent et murmurent contre Moïse, ils regrettent la vie facile qu’il menaient en Egypte comparativement aux privations qu’ils subissent au désert, et ils voudraient retourner dans ce pays d’abondance. Moïse lutte constamment contre ces désirs insensés du peuple, et il cherche à éloigner le plus possible les Israélites du pays de leur servitude. Pour répondre à leurs plaintes, il déclare que ce n’est pas lui, que c’est Dieu qui les a fait sortir d’Egypte. Il recommande de de pas agir conformément aux usages de l’Egypte. Lev., xviii, 3. Tour calmer Dieu irrité contre Israël, Moïse fait valoir l’opinion des Égyptiens. Num., xiv, 13, 14. Plusieurs dispositions législatives sont portées à cause de l’Egypte qu’on vient de quitter. La loi sur l'étranger, qu’il ne faut ni contrister ni affliger, est motivée par le fait que les Israélites ont été étrangers en Egypte. Exod., xxii, 21. L’Israélite ne sera pas esclave de ses frères à perpétuité, parce que Dieu a affranchi tout Israël de la servitude de l’Egypte. Lev., xxv, 42, 55. Les sculptures sont interdites, de peur qu’elles ne séduisent et n’entraînent à l’idolâtrie le peuple choisi, tiré par Dieu de l’Egypte. Deut., iv, 15-20. On recommande au roi futur, qui régnera en Israël, de ne pas ramener son peuple en Egypte. Deut., xvii, 16. La délivrance de la servitude égyptienne est un des plus puissants motifs, invoqués et répétés dans le Deutéronome pour inciter les Israélites à observer fidèlement les prescriptions données par le Seigneur qui avait sauvé Israël. Si les Israélites sont fidèles aux prescriptions divines, ils ne souffriront aucun des maux que Dieu a infligés aux Égyptiens. Exod., xv, 26 ; Deut., vii, 15. S’ils sont infidèles, ils subiront comme châtiment les mêmes maux dont ils avaient déjà été affligés en Egypte. Deut., xxviii, 27, 60 ; XXIX, 25. L’exode est donc pour le narrateur comme pour le législateur un fait récent, dont le souvenir est encore très vivant et très capable de produire une forte impression. Écrit longtemps après les événements, le récit n’aurait pas eu un accent si saisissant, et la sortie d’Egypte n’aurait pas été le seul et unique