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RÉSURRECTION DES MORTS

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soudre le problème de l’épreuve infligée à l’homme de bien. Mais, pressé par la discussion et désespérant de convaincre ses amis de son innocence, soit parsesaffirmations réitérés, soit par un prompt retour à la prospérité, Job évoque le témoignage futur d’un go’êl ou vengeur vivant. Voir Job, t. iii, col. 1576, la traduction de ses paroles ; Job, xix, 25-27. Les mots hébreux de ce texte fournissent matière à discussion, mais, de quelque manière qu’on les interprète, il reste que le Vengeur vivant se lèvera le dernier, ou à la fin, sur la poussière du tombeau, et que celui qui était poussière le verra de ses propres yeux, qui devront alors lui avoir été restitués, ce qui suppose une résurrection. Dans toutes les versions, l’idée de résurrection est formulée plus ou moins expressément. On a prétendu que, si l’appel à la résurrection future avait été dans la pensée de l’auteur, le débat serait clos par le fait même et la suite du livre n’aurait plus raison d’être. Cf. Loisy, Le livre de Job, Paris, 1892, p. 6-11. Mais, bien que ses amis ne semblent tenir aucun compte de sa déclaration, Job n’attend rien sur la terre, puisqu’il se déclare sûr de bientôt mourir. Job, xxx, 19-23. La solution ménagée par l’épilogue est donc incomplète, et la compensation à laquelle Job aspire n’est autre que la vision de Dieu dans l’au-delà. Cf. V. Rose, Étude sur Job, xix, 25-27, dans la Revue biblique, 1896, p. 39-55 ; Vidal, L’idée de résurrection dans Job, dans la Revue du clergé, 1 er février et 15 mars 1909.

2° Dans Osée. — Pour décrire la restauration d’Israël, ce prophète emprunte ses images à l’idée de résurrection :

Venez et retournons à Jéhovah…

En deux jours il nous fera revivre,

Le troisième jour il nous relèvera.

Et nous vivrons devant sa face. Ose., vi, 2, 3.

Je les rachèterai de la main du sche’ôl,

Je les délivrerai de la mort.

Où est ta peste, ô mort ?

Où est ta destruction, ô sche’ôl ? Ose., xiv, 14.

La résurrection ne vient ici que comme comparaison sans doute ; mais l’allusion est si claire que saint Paul peut signaler dans la résurrection des justes la vérification des dernières paroles du prophète. I Cor., xv, 55. 3° Dans Isaïe. — Le prophète veut célébrer la gloire de son peuple racheté par Dieu. Il dit d’abord des ennemis :

Morts, ils ne reviendront pas à la vie,

Ombres, ils ne se relèveront point. Is., xxvi, 14.

Puis, s’adressant au peuple régénéré, il dit : Que les morts revivent,

Que mes cadavres se relèvent !

Réveillez-vous et chantez,

Vous qui habitez la poussière !

Car votre rosée est rosée d’aurore Et la terre fait renaître les ombres. Is., xxvi, 19.

On sait que, dans le style prophétique, la restauration d’Israël figure la rédemption de l’humanité et, pour un avenir plus lointain, la vie éternelle. Aussi des auteurs comme Frd. Delitzsch, Dillmann et Duhm, reconnaissent-ils que, dans ce texte, l’idée de la résurrection future se présenté au premier plan. Cf. Lagrange, L’apocalypse. d’Isaïe, dans la Revue biblique, Paris, 1894, p. 211, 2jf 2.

4° Dans Ézéchiel. — Le prophète a une vision qui se rapporte à la restauration d’Israël. Dans cette vision, il a sous les yeux des ossements desséchés épars dans une vaste plaine. Sur l’ordre de Jéhovah, il voit ces ossements se revêtir de muscles, de chair et de peau. Ensuite l’esprit revient en eux, ils se redressent, ils revivent et forment une « grande, très grande armée. » Ezech., xxxvii, 1-10. C’est la scène même de la résurrection des morts. Dieu dit ensuite au prophète : « Ces ossements, c’est toute la maison d’Israël… J’ouvrirai vos tombeaux, je vous ferai remonter hors de vos tombeaux, ô mon

peuple, et je vous ramènerai sur la terre d’Israël. » Ezech., xxxvii, 11, 12. La résurrection des morts n’es donc prise ici que comme terme de comparaison. Toujours est-il que, pour figurer les restaurations d’Israël comme chose possible et certaine, il fallait que la résurrection fût tenue pour telle par le prophète et par ceux auxquels s’adressait. Car son affirmation revenait à ceci : aussi réellement que les morts ressusciteront à la voix de Dieu, vous, vous serez tirés de votre état de servitude et d’abjection.

5 « Dans Daniel. — Avec ce prophète, la-doctrine delà résurrection des morts trouve sa formule précise. « En ce temps-là, lui dit l’ange, se lèvera Michel) le grand chef, qui se tient près des enfants de ton peuple, et ce sera un temps d’angoisse tel qu’il n’y en eut jamais depuis qu’il existe des nations jusqu’à ce jour ; alors seront sauvés de ton peuple tous ceux qui seront trouvés inscrits dans le livre. Et beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière se réveilleront, les uns pour une vie sans fin, les autres pour l’opprobre et la honte éternelle. Ceux qui auront été c(es sages brilleront comme la splendeur du firmament, et ceux qui en auront guidé beaucoup vers la justice, comme les étoiles, éternellement et toujours. » Dan., xii, 1-3. La formule n’est pourtant pas encore^ complète. La résurrection future est affirmée pour les Israélites, fidèles ou infidèles, mais, d’après divers interprètes, il n’est pas certain que le prophète ait l’intention de l’étendre à tous « ceux qui dorment dans la poussière. » Cependant la restriction n’est pas tellement expresse qu’on ne puisse entendre ce qu’il dit dans le sens de l’universalité. — On s’est demandé si Daniel n’aurait pas emprunté aux Perses ses idées sur la résurrection. Mais les Perses de son époque croyaient-ils à la résurrection ? Un trait rapporté par Hérodote, iii, 62, prouve qu’au temps de Cambyse on admettait la possibilité d’une résurrection individuelle ; mais il n’est nullement question d’une résurrection générale pour l’avenir. On cite surtout un texte de Théopompe, rapporté par trois écrivains. D’après Plutarque, De Is. et Osir., 47, Théopompe aurait appris des mages qu’un jour l’Hadès serait vaincu et que les hommes n’auraient plus besoin de nourriture pour vivre. À la fin du second siècle, Diogène Lærce, Proœm., édit. Didot, 9, fait dire à Théopompe que, selon les mages, les hommes doivent revenir à la vie et devenir immortels. Enfin, avec Enée de Gaza, chrétien de la fin du ve siècle, le dire de Théopompe prend la forme suivante : « Zoroastre prédit qu’un temps viendra où il y aura une résurrection de tous les morts.. » Fragm. H. G., 1. 1, p. 289. En réalité, il y a là un texte qui va en se précisant avec le temps, au gré des auteurs qui le rapportent. Quant à la doctrine de la résurrection, elle n’est formulée que dans l’Avesta postérieur, qui ne fut clos qu’au troisième siècle de l’ère chrétienne. Cf. Lagrange, La religion des Perses, Paris, 1904, p. 3335. — Par contre, l’idée de résurrection est familière à la mythologie babylonienne. Dans le poème de la Descente d’1 star aux enfers, on voit Istar et Tammouz remonter vivants du séjour des morts. Cf. Fr. Lenormant, . Mélanges d’archéologie égyptienne et assyrienne, t. 1, p. 31-35 ; Maspero, Histoire ancienne, 1. 1, p. 693-696 ; Dhorme, Choix de textes religieux, Paris, 1907, p. 339341. Les grands dieux, Mardouk, Éa, Nébo et les autres ont le pouvoir de rappeler les morts à la vie. A. Jeremias, Babylonisch-Assyrischen V orstellungen vont Leben nach dem Tode, Leipzig, 1889, p. 100-101, donne la liste des dieux qui ont le droit de ressusciter des morts ; ce sont probablement les divinités de premier rang. Mardouk marche naturellement en tête. Il est appelé « le miséricordieux qui se plaît à éveiller les morts, le miséricordieux à qui il est permis de rendre la vie, le maître de la libation pure, qui éveille les morts. » Cf. Jensen, Die Kosnwlogie der Babylonier,