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PENTATEUQUE


fices au désert. À moins encore qu’Amos ne fasse allusion à l’apostasie d’Israël à Cadès. Voir t. iv, col. 1203-1204. De même, la parole de Jérémie, vii, 2123, suivant laquelle Jéhovah, à la sortie d’Egypte, n’aurait pas exigé d’holocaustes et de sacrifices, ne prouverait pas la non-existence du code sacerdotal. Le prophète fait peut-être simplement allusion à la proposition que Dieu fit aux Israélites en Egypte de les délivrer de la servitude, proposition qui ne contenait pas encore la mention des sacrifices et qui fut d’abord rejetée. Exod., vi, 6-9. Ou bien, sans nier la loi sur les sacrifices, le prophète, par un contraste saisissant, insiste sur l’obligation de la loi morale, et sur la fidélité à cette loi, dont l’inobservation sera châtiée, malgré l’observance des rites qui, sans elle, ont peu de valeur aux yeux, de Dieu.

L’holocauste et le sacrifice pacifique ont donc toujours été en usage, quoique leurs rites ne soient pas décrits dans les livres historiques. Le sacrifice pour le péché n’a pas été imaginé par Ézéchiel, xlv, 22-25. Osée, iv, 8, et Michée, vi, 7, le nomment expressément, puisque manger le hatla’t signifie clairement manger les victimes offertes pour le péché ; il est aussi mentionné dans le Ps. xxxix (xl), 7. L’idée en avait été exprimée bien auparavant. I Sam., iii, 14. Le sacrifice pour le délit n’est pas toujours nettement distingué du sacrifice pour le péché. Il l’est formellement toutefois dans le passage relatif aux revenus des prêtres sous le règne de Joas. II (IV) Reg., XII, 16. Déjà, à l'époque des Juges, les Philistins, punis pour s'être emparés de l’arche, renvoyèrent cette arche avec des 'âsâm pour obtenir le pardon de leur faute. I Sam., vi, 3-15. Le sacrifice pour le délit est aussi nommé dans Isaïe, lui, 10. Les quatre espèces de sacrifices étaient donc connues en Israël avant Ézéchiel, et si le code sacerdotal les distingue pour la première fois, c’est qu’il a été promulgué par Moïse au désert.

c) Les fêtes. — Le livre de l’alliance, Exod., xxiii, 14-17, ordonne la célébration dé trois fêtes annuelles : la fête des azymes, qui dure sept jours et qui est déjà rattachée au souvenir de la sortie d’Egypte, mais sans être encore la Pâque ; la fête de la moisson et celle de la récolte des fruits. Ces deux dernières ont un caractère nettement et exclusivement agricole, et on peut penser que la première, qui a lieu au printemps, se rapportait aussi à l’agriculture. La durée de celles-ci n’est pas non plus fixée. Le Deutéronome, xvi, 1-17, ne connaît encore que trois fêtes annuelles, qui doivent être célébrées au sanctuaire unique. La première réunit la solennité de la Pâque à la fête des azymes. La célébration de la seconde est fixée à sept semaines après la première ! La troisième est nommée « fête des tabernacles », et sa durée est de sept jours. Leur caractère est différent : ce sont des fêtes de joie, de reconnaissance et de charité fraternelle. Dans le code sacerdotal, ces trois fêtes rentrent dans un cycle plus complet de cinq solennités, dont les rites sont minutieusement décrits. Lev., xxiii, 4-44. Il ajoute la fête des trompettes et celle du grand-pardon, et il modifie le caractère des fêtes de la Pentecôte et des tabernacles, en les rattachant à un souvenir historique. Toutes sont célébrées au sanctuaire unique ; leur date, leur durée et leurs cérémonies sont fixées dans les moindres détails. Enfin, la célébration de ces fêtes n’est pas signalée dans les livres historiques les plus anciens. Une fête, solennisée par des danses de jeunes filles, avait lieu chaque année à Silo. Jud., xxi, 19. Les parents de Samuel allaient chaque année honorer Dieu en ce sanctuaire. I Sam., 1, 3, 7, 21 ; à, 19. Jéroboam I er établit dans son royaume au huitième mois une fête pareille à celle qui avait lieu en Juda. I (III) Reg., xii, 32, 33. Les anciens prophètes, Amos et Osée, parlent plusieurs fois de fêtes religieuses, mais sans les désigner par des noms par ticuliers. Après la découverte du Deutéronome, la Pâque est célébrée pour la première fois conformément aux rites prescrits dans ce livre. II (IV) Reg., xxiii, 21-23. Pendant la captivité, Ézéchiel, xlv, 18-25, ne connaît encore que trois solennités, avec un sacrifice d’expiation au premier jour du premier et du septième mois. Le code sacerdotal avec ses cinq fêtes est donc postérieur à la captivité, concluent les critiques négatifs.

Les anciennes fêtes ne sont mentionnées dans les livres historiques que quand les circonstances en ont fourni l’occasion, et l’on ne peut arguer de la rareté de leur mention contre leur non-existence. Leur périodicité régulière n’avait pas besoin d'être signalée par les historiens qui relatent seulement les circonstances extraordinaires, comme celle de la Pâque sous le règne de Josias. La coutume de monter à Jérusalem offrir des sacrifices existait à l'époque du schisme des dix tribus, puisque Jéroboam I er élève des autels à Dan et à Béthel, pour empêcher ses sujets d’aller à Jérusalem,

I (III) Reg., xii, 26-31, et il établit au moins une fête pour remplacer celles de Juda. Plusieurs commentateurs ont pensé qu’après l'établissement des Hébreux au pays de Chanaan, l’usage s'était introduit de ne faire qu’un seul pèlerinage chaque année au sanctuaire du Seigneur. Voir t. ii, col. 2219. Osée, xii, 9, fait allusion à la fête des Tabernacles et à sa signification historique ; Isaïe, xxix, 1 ; xxx, 29, parle du cycle des fêtes. Ézéchiel rappelle seulementles trois fêtes qui exigeaient l’assemblée religieuse de tout Israël au Temple. Voir t. i, col. 1129-1130. La fête de l’Expiation n’est pas mentionnée dans l’Ancien Testament en dehors du Pentateuque, voir t. ii, col. 2139, et sa célébration n’est relatée par Josèphe que sous Jean Hyrcan ou Hérode. En faulil conclure qu’elle n’avait pas lieu auparavant, au moins depuis le retour des Juifs en Palestine ? Le silence des anciens écrivains ne prouve pas davantage sa non-célébration.

d) Les prêtres et les lévites. — Le code de l’alliance, promulgué avant l’institution du sacerdoce aaronique, ne parle pas, objecte-t-on, de prêtres, et l’alliance dont il contient les dispositions est conclue par des sacrifices, immolés par de jeunes Israélites. Exod., xxiv, 5. Le Deutéronome mentionne fréquemment les prêtres et les lévites. Il établit leurs droits, xviii, 1-8, mais il ne reconnaît pas de distinction hiérarchique entre eux.

II ignore le grand-prêtre. Il distingue seulement, ꝟ. 7, le lévite qui habite dans le pays du lévite attaché au service du sanctuaire unique. Le premier est ordinairement classé avec la veuve, l’orphelin, l’indigent et l'étranger pour recevoir les largesses du pieux Israélite. Les lévites, éloignés du sanctuaire, n’avaient donc pas encore de revenus fixes. Dans le code sacerdotal, le sacerdoce est une institution sociale, hiérarchisée, dont les droits et les fonctions sont déterminés très exactement. La hiérarchie comprend le grand-prêtre, fils aîné et successeur d’Aaron, et les lévites, membres de la tribu de Lévi. Les prêtres sont richement dotés. Les lévites, n’ayant pas eu de domaine distinct dans le partage de la Palestine, habitent des villes spéciales et sont entretenus, eux et leurs familles, par le prélèvement des prémices et le paiement de la dîme. En tout cela, ce code est manifestement en progrès sur le Deutéronome ; il lui est donc postérieur.

D’autre part, on prétend que l’histoire d’Israël confirme cette, progression de la législation sacerdotale. Dans les documents élohiste et jéhoviste, Aaron n’apparaît comme prêtre que dans l'épisode du veau d’or, Exod., xxxii, 5, 6, et la tribu de Lévi, qui punit les coupables, , n’y a pas de droits spéciaux. À l'époque des Juges, il n’est fait mention d’aucun prêtre ; il est question de lévites dans deux épisodes, racontés en appendice. Jud., xvii-xxi. À Silo, il y a cependant une famille sacerdotale, celle d’Héli, I Sam., i, ii, mais