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PENTATEUQÙE


Suivant la première interprétation, la descendance de la femme brisera donc la tête du serpent et celui-ci lui mordra le talon. L’expression est évidemment métaphorique. Bans l'Écriture, iriser la tête de quelqu’un signifie briser ses forces, sa puissance, le rendre incapable de nuire, le vaincre. Amos, ii, 7 ; Ps. lxvii, 22 ; Cix, 6. La postérité de la femme brisera donc la puissance de Satan et détruira son empire tyrannique. La métaphore est continuée dans la suite du verset. Le serpent, écrasé par le pied de son adversaire, se retournera contre lui et l’attaquera au seul endroit qu’il puisse atteindre encore, au talon qu’il cherchera à atteindre par ses morsures venimeuses. Dans les suites de la lutte, il y a toute la différence d’un talon blessé et d’une tête broyée. Les commentateurs catholiques, qui reconnaissent dans la descendance de la femme un rejeton spécial, qui est le Messie, voient dans l'écrasement de la tête du serpent la victoire définitive remportée par le Fils divin de la Vierge Marie, qui, par sa mort sur la « roix, a véritablement brisé la tête du serpent infernal, Joa., xii, 31 ; Col., ii, 15 ; I Joa., iii, 8, et dans la morsure du serpent au talon du Christ, la mort sur la croix, œuvre des suppôts de Satan, mais cette morsure, quoique mortelle, est suivie de la résurrection du vainqueur du démon. Calmet, Commentaire littéral sur la Genèse, 2e édit., Paris, 1724, t. ] a, p. 39-40 ; Patrizi, Biblicarum qusestionum decas, Rome, 1877, p. 47-53 ; Id., De Nin, hoc est de immæulata Maria Virgine a Deo prsedicta, Rome, 1853 ; C. Passaglia, De immaculato Deiparse conceptu, Rome, 1853, t. ii, p. 812-954 ; Ms r Gilly, Précis d’introduction, Nimes, 1867, t. ii, p. 345-356 ; Ma r Lamy, Comment, in Genesim, Malines, 1883, t. i, p. 235-236 ; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12e édit, Paris, 1906, t. i, p. 567-571 ; Fillion, La sainte Bible, Paris, 1888, t. i, p. 32 ; E. Mangenot, Les prophéties messianiques. Le prolévangile, dans Le prêtre, Arras, 1894-1895, t. vi, p. 802-808. Pour eux, le protévangile est messianique au sens littéral. Pour d’autres, il ne l’est qu’au sens spirituel ; la prophétie vise directement Eve et sa descendance, qui sont des figures du Messie et de sa mère, vainqueurs du démon. Les targums d’Onkelos et de Jérusalem avaient compris le sens messianique général de cette prophétie. Clément d’Alexandrie, Cohort. ad génies, i, t. viii, . col. 64, y avait vu seulement l’annonce prophétique du salut. Saint Chrysostome, Hom., xvii, in Gen., n. 7, t. lui, col. 143 ; saint Augustin, De Genesi contra manichseos, 1. II, . c. xviii, t. xxxiv, col. 210 ; saint Jérôme, Liber quœst. hebr. in Gen., t. xxiii, col. 943 ; saint Éphrem, Opéra syriaca, Rome, 1732, t. i, p. 135 ; saint Grégoire le Grand, Moral, in Job, 1. I, c' xxxvi, n. 53, t. lxxv, col. 552, l’ont entendue de la lutte des hommes avec le serpent infernal et de leur triomphe par leurs bonnes <euvres sur les perverses suggestions de Satan. Corneille de la Pierre, Comment, in Gen., Lyon, 1732, p. 66-67 ; Hengstenberg, Christologie des A. T., Berlin, 1829, t. 1, p. 26-46 ; Reinke, Beitrâge sur Erklàrung des A. T., Giessen, 1857, t. ii, p. 272 sq. ; Corluy, Spicilegium dogmatico-biblicum, Gand, 1884, t. i, p. 347-372 ; card. Meignan, De l'Éden à ifoïse, .Paris, 1895, p. 165-192 ; Crelier, La Genèse, Paris, 1889, p. 54-56 ; F. de Hummelauer, Comment, in Genesim, Paris, . 1895, p. 159-167, ont vu dans Eve et sa postérité les figures du Messie et de sa mère. Que la signification messianique du protévangile soit littérale ou spirituelle seulement, le trait initial qui commence à donner la physionomie du Messie, c’est qu’il sera un fils d’Eve, un descendant de la femme coupable, un membre de cette humanité qu’il arrachera à l’empire du démon.

2° La bénédiction de Sem. Gen., ix, 26, 27. — Après avoir maudit Cham, son fils irrespectueux, dans la personne de Chanaan, voir t. ii, col. 513-514, 532, Noé bénit Sem et Japheth, ses fils respectueux. La béné I diction de Sem est exprimée sous forme optative : « Béni soit Jéhovah, l'Élohim de Sem ! Que Chanaan soit son esclave ! » jéhovah, le Dieu de la révélation, de la grâce et du salut, est appelé l'Élohim de Sem. C’est la première fois que, dans l'Écriture, Jéhovah est dit l'Élohim d’un homme. Plus tard, il se nommera lui-même l'Élohim d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Gen., xxviii, 13 ; Exod., iii, 6. Cette dénomination exprime les rapports tout particuliers de Dieu avec ces patriarches : il est le Dieu de leur famille ; il a contracté alliance perpétuelle avec eux et il leur réserve à eux et à leur postérité des bénédictions spéciales. Or, ces bénédictions ne sont qu’une conséquence de celle de Sem. Le fait que Jéhovah est dit l'Élohim de Sem, signifie donc que ce fils de Noé aura comme apanage d’avoir avec Dieu des relations spéciales et de conserver la vraie religion. De sa race viendra le salut et le rédempteur promis à l’humanité pécheresse.

3° Promesses faites aux patriarches Abraham, Isaac et Jacob. — Deux promesses faites par Dieu à Abraham et renouvelées par lui à Isaac et à Jacob, avaient une portée messianique. — 1. Promesse d’une nombreuse postérité. — Après avoir ordonné à Abraham d'émigrer au pays de Chanaan, Dieu promit au patriarche de faire sortir de lui un grand peuple. Gen., xii, 2. Les réitérations de cette promesse divine en ont précisé le sens, puisque la postérité d’Abraham devait être aussi nombreuse que la poussière de la terre, Gen., xiir, 16, et les étoiles du ciel. Gen., xv, 5. Aussi le nom d’Abram est-il changé par Dieu en celui d’Abraham, « père de la multitude. » Dieu rendra le patriarche chef de nations et fera sortir des rois de lui. Gen., xvii, 4-6. Cette nombreuse postérité lui viendra non d’Ismaël, mais d’Isaac, fils de Sara. Gen., xvii, 16 ; xviii, 10-15 ; xxii, 17. Cf. Heb., xi, 12. Cette promesse est réitérée presque dans les mêmes termes à Isaac, Gen., xxvi, 4, et à Jacob, Gen., xxviii, 14, et elle a été réalisée par la nombreuse lignée d’Isaac. Mais plusieurs Pères ont pensé que la promesse divine n’avait pas son accomplissement parfait, si l’on ne considérait pas dans la postérité d’Abraham, son rejeton le plus illustre, Jésus-Christ, Matth., i, 1, et les fils qu’il lui a engendrés par la foi. Rom., IV, 16, 17. Cf. S. Irénée, Cont. hier., IV, vii, 1, 2, t. vii, col. 991-992 ; S. Ambroise, De Abraham, I, iii, 20-21, t. xiv, col. 428 ; S. Cyrille d’Alexandrie, Glaph. in Gen., III, 2, t. lxix, col. 113 ; Raban Maur, Comment, in Gen., ii, 12, 17, t. cvii, col. 533, 541 ; Rupert, De Trinitate et operibus ejus, xv, 10, 18, t. cxlvii, col. 375, 383. — 2. Promesse d'être une source de bénédictions. — Elle est exprimée dans le texte hébreu en ces termes : « Sois bénédiction. » Gen., xii, 2. L’impératif a le sens du futur. Elle est expliquée par le verset suivant : « Je bénirai ceux qui te béniront ; je maudirai ceux qui te maudiront ; et toutes les familles de la terre seront bénies en toi. » Elle s’est réalisée du vivant même d’Abraham : Lot, Gen., xiv, 16, Ismaël, Gen., xvii, 20, sont bénis à cause de lui ; Pharaon, Gen., xii, 17, et Abimélech, Gen., xx, 7, 17, ont été châtiés par Dieu à son occasion. Elle devait enfin être universelle. On a voulu, il est vrai, la restreindre aux tribus chananéennes et aux populations voisines, qui étaient en relations avec le patriarche. Mais rien ne justifie la restriction, et la réitération de cette promesse n’a fait qu’accentuer sa portée universelle. D’autre part, elle ne se réduisait pas à des bénédictions temporelles. Le verbe bâraq est employé ici à la forme niphal ou passive. Plusieurs commentateurs, après saint Chrysostome, In Gen., hom. xxxi, n. 4, t. lui, col. 288, l’entendent comme s’il était à la forme hithpahel ou réfléchie, employée Gen., xxii, 18 ; xxvi, 4 : « Toutes les tribus de la terre désireront pour elles ton sort henreux. » Les Septante, les targums, la version syriaque, la Vulgate, les Pères grecs et latins maintiennent le sens passif, cité par