Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/70

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
131
132
PERE —PEREE


bons. Matth., v, 45. Il leur enseigne à l’invoquer en l’appelant « notre Père ». Matth., vi, 9 ; Marc, si, 25 ; Luc, xi, 2, 13. Il veut qu’on ne donne à personne le nom de père, c’est-à-dire en l’entendant dans le sens de créateur et de souverain Maître, parce que les hommes n’ont qu’un seul Père, celui qui est dans les « eux. Matth., xxiii, 9. — 2° Père des Israélites. — Jéhovah est le père et le créateur d’Israël. Deut., xxxii, 6. Les prophètes le rappellent, Is., lxiv, 8 ; Jer., iii, 4 ; xxxi, 9, parfois pour reprocher aux Israélites de ne pas faire honneur à cette paternité. Mal., i, 6. Isaïe, lxiii, 16, va jusqu'à dire, en s’adressant à Dieu : « Vous êtes notre père ; car Abraham nous ignore et Israël ne nous connaît pas, n ce qui signifie que la paternité d’Abraham et de Jacob est absolument négligeable en regard de celle de Dieu, et que d’ailleurs les patriarches ne peuvent rien pour leurs descendants. — 3° Père du juste. — David invoque Dieu comme son père. Ps. lxxxix (lxxxviii), 27. Jéhovah promet d'être un père pour Salomon, si ce prince lui est fidèle. II Reg., vii, 14 ; I Par., xvii, 13. Le fils de Sirach s’adresse à Dieu comme au souverain Maître de sa vie. Eccli., xxm, 1, 4. Il lui dit : « Seigneur, tu es mon père ! » ce que les versions traduisent par : « Seigneur, père de mon Seigneur. » Eccli., li, 10. Dans la Sagesse, ii, 16, les impies constatent que le juste se glorifie d’avoir Dieu pour père. — 4° Père du chrétien. — Dieu est un père pour le chrétien, en vertu de l’adoption divine méritée par le Fils et opérée par le Saint-Esprit, Rom., vin, 15 ; Gal., iv, 6, par conséquent dans un sens bien supérieur à celui de la paternité qui s’exerce envers les hommes en général, les Israélites ou les justes de l’ancienne Loi. — 5° Père de son Fils éternel. — Vis-àvis de ses créatures, Dieu est père, sans distinction de personnes divines, par droit de création, de conservation, d'élection, de rédemption et d’adoption. Mais, au sein même de l’auguste Trinité, l’une des personnes a le titre de Père vis-à-vis d’une autre personne qui a le titre de Fils et qui est éternellement engendrée par la première. Notre-Seigneur est ce Fils du Père, et sa filiation éternelle n’est en rien modifiée par son incarnation. Il parle du Père céleste, qui exerce sa puissance et sa bonté sur toutes les créatures en tant que Dieu unique et indivisible ; mais il nomme aussi très souvent un être divin qu’il appelle « mon Père », devant lequel il s’abaisse en tant qu’homme, Joa., xvii, 4 ; Matth., xxvi, 39 ; Marc, xiv, 36 ; Luc, xxii, 42, etc., mais avec lequel il revendique, en tant que Dieu, les droits d'égalité. Joa., x, 30 ; xiv, 9 ; Matth., xxviii, 19, etc. Notre-Seigneur parle continuellement de son Père dans ce sens qui lui est personnel. Matth., xxiv, 36 ; xxvi, 39, 42 ; Luc, ii, 49 ; x, 21 ; xxii, 29 ; xxiii, 34, 46 ; Joa., i, 14 ; ii, 16 ; iii, 35 ; v, 17 ; viii, 27 ; xiv, 6, 9, etc. Les Juifs le comprenaient si bien en ce sens qu’ils lui reprochaient de « dire que Dieu était son père, se faisant lui-même l'égal de Dieu. » Joa., v, 18. Voir Fils de Dieu, t. ii, col. 2254 ; Jésus-Christ, t. iii, col. 1501-1503. Cf. Lepin, Jésus Messie et Fils de Dieu d’après les Évangiles synoptiques, Paris, 1905, p. 267337. H. Lesêtbe.

    1. PÉRÉE##

PÉRÉE (lUpaîa), « région au delà » et à l’est du Jourdain, nom d’une province de Palestine au temps <lu Sauveur.

I. Nom et acceptions. — Employé par Josèphe, Bell, jud., III, iii, 3, ce nom correspond à la locution itépav toO 'IopSâvou, « au delà du Jourdain », communément usitée dans les Septante pour traduire l’expression 'êber hay-Yardên du texte hébreu, souvent employée pour désigner toute la région orientale occupée par les Israélites. Dans l’Ancien Testament en général et parfois dans le Nouveau, comme Joa., i, 28, iii, 26 ; x, 40 et Math., iv, 15, où l'Évangéliste reproduit le mot

d’Isaïe, viii, 23- (Vulgate, ix, 1), la locution est prise comme un véritable nom propre équivalant au nom de Pérée, ou Transjordane, de l’historien juif. Elle remplace, depuis la captivité, le nom de Galaad, pour désigner de même que dans les temps anciens toute lapartie orientale de la terre d’Israël. Dans l'énumération des régions dont les populations accouraient pour écouter fa 'parole de Jésus, la « Transjordane » ou Pérée est citée après la Galilée, la Décapole, Jérusalem et la Judée. Matth., iv, 25 ; cf. Marc, iii, 7-8.

IL Limites et étendue. — Josèphe recense la Pérée avec la Judée, la Samarie et la Galilée, comme une des quatre grandes divisions de la terre d’Israël. Elle est beaucoup plus vaste que la Galilée, mais aussi plus accidentée et plus sauvage, quoiqu’encore abondante en fruits, couverte d’arbres, spécialement de vignes, d’oliviers, de palmiers et bien arrosée par des sources et des cours. d’eau permanents. Elle s'étend en longueur du sud au nord, de Machéronte (Menkour) ou de la Moabitide et de PArnon à Pella, et du Jourdain, à l’ouest, à la frontière d’Arabie ou jusqu'à Hésébon (Elesbân), Philadelphie ('Amman) et Gérasa (Djéras), à l’orient. Bell, jud., III, iii, 3. Ainsi limitée, la Pérée comprend seulement la partie méridionale extrême de la Décapole, si même elle ne l’exclut pas tout entière. Il s’agit sans doute de la Pérée politique, telle qu’elle fut quand Pompée déclara libres les principales villes de la Décapole, ou quand, à la mort d’Hérode l’ancien, Auguste les annexa à la province de Syrie. Cf. Ant. jud., XIV, iv, 4 ; XVII, xi, 4 ; Bell, jud., i, vii, 7. La Pérée était en cette condition au temps du Sauveur.

Cependant l’historien juif, en appelant Gadara la métropole de la Pérée, Bell, jud., IV, vii, 3, en recule ainsi la frontière septentrionale jusqu’au Yarmouk, aujourd’hui le Serî'at el-Menâderéh, limite du territoire de Gadara (Umm-Keis). Dans ces limites, outre cette dernière ville, étaient enclavées Pella (Fahêl), Dion (Khirbet) et Capitoliade (Beit er-Râs), et Gérasa [Djéraè), c’est-à-dire la moitié des villes de la Décapole. C'était à peu près tout le territoire des anciennes tribus de Gad et de Ruben, le pays de 'Adjloûn actuel et la Belqd septentrionale au nord de Youadi Môdjib, l’ancien Arnon, divisé en deux parties à peu près égales par la Zerqd, l’ancien Jaboc. Les Talmuds, qui considèrent la Perée au point de vue des observances légales, y font entrer encore plusieurs localités du Hauran et du Djédour, comme Nève (Ndoua), Édréi (edDera’a) et quelques autres qui appartenaient à la tribu de Manassé orientale. Cf. Mischna, Baba Batra, III, 2 ; Ketouboth, xiii, 9 ; Tosiftha, même traité à la fin ; Talmud Bab., Sanhédrin, ii, b, etc. Cf. A. Neubauer, Géographie du Talmud, in-8°, Paris, 1868, p. 56, 241251. Voir la carte de Gad, t. iii, col. 28.

III. Population. — Au temps du Sauveur, la Pérée était occupée par les races les plus diverses. — Les Moabites, qui avaient profité de la scission du royaume d’Israël pour se réinstaller dans la partie située entre l’Arnon et le Jaboc, ne l’avaient plus quittée. Les Ammonites s'étaient avancés vers l’ouest, et au temps des Machabées ils occupaient Jaser et les alentours. I Mach., v, 6-9. À eux s'étaient mêlés les Nabuthéens et diverses autres branches ismaélites ou arabes. Cf. I Mach., x, 25 ; ix, 35, 36 ; Ant. jud., XII, iv, 11, etc. Après la déportation en Assyrie des tribus orientales d’Israël, les Syriens de Damas avaient pu occuper complètement la contrée. Josèphe, Bell, jud., xviii, 1, nous les montre peuplant les villages de la Pérée, tant au sud qu’au nord du Jaboc, et son récit les suppose, sinon formant le fond de la population, du moins nombreux dans les principales villes du pays, ' à Philadelphie ou 'Amman, à Hésébon, à Gérasa, à Pella, à Gadara. — A ces éléments purement orientaux et sémites, était veau se joindre lors de l’invasion gréco-macédonienne