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SANG


6, Mardouk pétrit les hommes de son propre sang et ainsi leur communique la vie. Cf. Dhorme, Choix de textes religieux, Paris, 1907, p. 65. Pour Empédocle, l’âme était le sang répandu autour du cœur, cf. Cicéron, J’use, i, 9, et Virgile, JEneid., IX, 349, dit d’un blessé qu’  « il vomit son âme empourprée. » Les Hébreux néanmoins, s’ils confondent la vie, néféè, avec le sang, en distinguent très bien l’esprit, rûah. Cf. Frz. Delitzsch, System der biblischen Psychologie, Leipzig, 1861, p. 238-2V7. — 2° En plusieurs passages, le sang est nommé au lieu de la vie. II est défendu d’être témoin contre le sang, c’est-à-dire en vue de faire perdre la vie du prochain. Deut., xix, 16. David, refusant de boire l’eau qu’on est allé chercher pour lui à. Bethléhem, s’excuse en disant : « N’est-ce pas le sang de ces hommes qui sont allés au péril de leur vie ? » II Reg., xxiii, 17 ; I Par., xt, 19. Dieu redemandera au prophète le sang du pécheur qu’il n’aura pas travaillé à convertir. Ezech., iii, 18, 20. On acquiert un esclave avec du sang, c’est-à-dire en dépensant de sa vie, de sa peine. Eccli., xxxiir, 31. — 3° L’homme est fait de chair et de sang. Eccli., xiv, 19. La pression du nez fait sortir le sang. Prov., xxx, 33. Le Sauveur eut une sueur de sang pendant son agonie. Luc, xxii, 44. Après sa mort, il sortit de sa blessure à lapoitrinedusangetdel’eau.Joa., xix, 34. Presque aussitôt après la mort, la fibrine du sang se coagule et le sang lui-même’perd sa fluidité. Le sang ne coule pas d’une blessure faite à un cadavre. Saint Jean le savait et il avait conscience de raconter un fait extraordinaire ; c’est pourquoi il l’atteste avec une particulière insistance. Joa., xix, 35.

II. Défense de manger le sang. — 1° Aussitôt après le déluge, Dieu défend de manger la chair avec son sang. Gen., ix, 4. En permettant à l’homme de se nourrir de chair, Dieu ne veut pas qu’il le fasse à la manière des animaux, qui dévorent tout.D’ailleurs, le sang, e’est la vie » ; la vie vient de Dieu, il se réserve à lui seul ce qui la représente et défend à l’homme soit de verser le sang de son semblable, soit même de prendre pour nourriture le sang des animaux. La défense est répétée aux enfants d’Israël, avec peine du retranchement pour les transgresseurs ; elle est étendue aux étrangers qui séjournent au milieu d’eux. Si on prenait à la chasse un animal ou un oiseau qui se mange, il fallait en verser le sang et le couvrir de terre. Lev., xvii, 10-14 ; xix, 26 ; Deut., xii, 16, 23 ; xv, 23. — 2° Pour que l’accomplissement de cette loi entrât dans les habitudes du peuple, quiconque, au désert, égorgeait un bœuf, une brebis ou une chèvre, devait procéder à cette opération à la porte du Tabernacle, Lev., xvii, 3, 4, afin qu’on fût bien sûr que le sang était répandu et qu’en même temps il constituât une offrande au Seigneur. La défense ne fut pas toujours observée. À la suite d’une victoire sur les Philistins, les Israélites se mirent à manger des brebis, des bœufsetdes veaux avec le sang. Saùl les rappela au devoir et les obligea à venir égorger leurs animaux sur une grande pierre. I Reg., xiv, 32-34. Judith compte parmi les fautes du peuple qui ont attiré la colère de Dieu la résolution qu’on a prise de boire du sang des animaux. Judith, xi, 11. — 3° La loi était encore en vigueur à l’époque évangélique ; bien qu’elle n’eût pas le caraclère d’une loi naturelle et perpétuelle, les apôtres jugèrent à propos d’en maintenir l’obligation pour tous les chrétiens, qu’ils vinssent du judaïsme ou de la genlilité. Il fut donc décidé que tous s’abstiendraient « du sang et de la chair étouffée », c’est-à-dire de celle dont le sang n’avait pas été répandu. Act., xv, 20, 29 ; xxi, 25. Le texte porte : àrcé/eirOai aîj.otx<x ; xa jcvixtûv, « s’abstenir du sang et des viandes étouffées ». Le second terme manque dans quelques manuscrits, mais il est équivalemment compris dans le premier, car le sang est défendu soit isolé, soit dans la chair de l’animal. Cependant, cette omission a sug géré à Tertullien, De pudicit., 12, t. ii, col. 1002, et à quelques autres en Occident, l’idée que la défense du sang n’est autre chose que la défense de l’homicide, péché qui, par sa gravité, est mis sur le même rang que l’idolâtrie et l’impureté. Mais saint Augustin, Cont. Faust., xxxii, 13, t. xlii, col. 504, saint Jérôme, In Ep. ad. Gal., v, 2, t. xxyi, col. 395, et d’autres, tout en ne lisant que trois prohibitions, entendaient la prohibition du sang dans le sens de manger du sang. Les Pères grecs, qui lisaient généralement dans le texte quatre prohibitions, ont reconnu dans deux d’entre elles l’ancienne défense mosaïque de faire entrer le sang dans l’alimentation. Celte interprétation est rendue indubitable par la remarque de saint Jacques, que « Moïse a dans chaque ville des hommes qui le prêchent, » Act., xv, 21, et qu’il importe par conséquent de ne pas heurter de front des coutumes si vénérables et si répandues. Or, cette remarque vise surtout la défense purement mosaïque du sang et des viandes étouffées, puisque les deux autres concernent l’impureté, défendue de droit naturel et divin, et une certaine participation à l’idolâtrie qui, sous sa forme positive, est défendue par le même droit. Il est vrai que saint Paul affirme l’indifférence absolue des aliments, Rom., xiv, 14, 17, 20 ; I Cor., viii, 8 ; x, 23, 25-27 ; Heb., xiii, 9, et même déclare nuisibles toutes les prescriptions alimentaires. Col., ii, 21 ; I Tim., iv, 3 ; Heb., ix, 10. Mais on sait qu’il subordonne l’usage des aliments à la question du scandale, ce qui, en somme, rentre dans la pensée de saint Jacques. Comme il ne s’agissait là que de préceptes mosaïques, l’obligation n’en persista pas longtemps, même dans les chrétientés les plus mélangées d’anciens Juifs, et la défense du sang cessa d’être en vigueur en même temps que les observances analogues. Cf. H. Coppieters, Le décret des Apôlres, dans la Revue biblique, 1907, p. 31-58, 218-239.

IH. Le sang dans les sacrifices. — 1° L’effusion du sang des victimes constituait la partie essentielle des sacrifices. Ce sang, représentant la vie, témoignait que la vie même était offerte et consacrée à Dieu. Après que la vietimeavait été égorgée, on portait son sang à l’autel et on le versait, de différentes manières, aux coins ou au pied de l’autel, d’où il s’écoulait par un conduit jusque dans le torrent du Cédron. Voir Sacrifice, col. 1324. Il servait encore à faire des aspersions, voir Aspersion, t. i, col. 1120, et des onctions. Voir Onction, t. IV, col. 1806. Dans les cultes idolâtriques, on faisait aussi des libations de sang. Voir Libation, t. iv, col. 237. — 2° Il était interdit d’associer le sang d’une victime à du pain levé, parce que le levain ne pouvait jamais être offert à l’autel. Exod., xxiii, 18 ; xxxiv, 25. Voir Levain, t. iv, col. 198. — 3° Quand le Seigneur veut rappeler que le sacrifice doit être avant tout accompagné de sentiments intérieurs, il fait dire : « Est-ee que je bois le sang des boucs ? » Ps.l(xlix), 13. « Je ne prends point plaisir au sang des taureaux, des brebis et des boucs. i> Is., i, 11. Lorsque ces sentiments font défaut, une oblation équivaut à une offrande de sang de porc, c’est-à-dire de l’animal impur par excellence. Is., lxvi, 3.

IV. Effusion du sang humain. — Dieu défend absolument de répandre le sang humain pour donner la mort à quelqu’un. Celui qui commet ce crime sera lui-même puni de mort. Dieu se charge même de demander compte à l’animal du sang de l’homme qu’il aura versé. Gen., IX, 5, 6 ; Exod., XX, 13. Voir HOMICIDE, t. iii, col. 740. La transgression de ce précepte entraîne différentes conséquences.

1° La voix du sang. — Dieu dit à Caïn fratricide : « La voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu’à moi. » Gen., iv, 10. Le sang humain répandu sur le sol atteste qu’une vie a été sacrifiée : Dieu le voit et sa justice doit intervenir, comme si le sang était un être