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préface

compagnons. On l’employait aussi là où nous dirions confrère, en parlant des médecins, par exemple : Il feit elire pour son compagnon au consulat le pere de Lucrece. Amyot, Publicola, 12. — Qui vid jamais medecin se servir de la recepte de son compagnon, sans y retrancher ou adjouster quelque chose ? Montaigne, III, 37.

Le mot coche pouvait désigner divers véhicules. On l’employait souvent pour char : Marc Antoine fut le premier, qui se fit trainer à Rome… par des lyons attelez à un coche. Montaigne, III, 6.

Un godet, comme un verre ou une tasse, pouvait servir de récipient pour toutes sortes de liquides : Enfans, beuvez à pleins guodetz. Rabelais, III, Prologue.

Grange était un des mots qui désignaient une ferme : Il en achapte force mestairies, force granges, force censes, force mas. Rabelais, IV, Prologue. Un granger, comme encore aujourd’hui dans quelques provinces, était un fermier.

Le mot herbe pouvait désigner les légumes, et herbages, avec un suffixe collectif, avait, aussi ente signification : L’artichot, et la salade, L’asperge, et la pastenade, Et les pepons Tourangeaux Me sont herbes plus friandes Que les royales viandes. Ronsard, Odes, III, 24. — Le medecin… luy ordonnoit l’abstinence de vin, vivre d’herbages. F. Bretin, trad. de Lucien, Menteur, 8.

Unguent était synonyme de parfum, venin synonyme de poison : Et en sentant la tressuave odeur De tes unguens. Marg. de Nav., les Marguerites, Nativ. de J. C. — Elle print d’une main asseuree la coupe où estoit le venin, et… avala brusquement ce mortel breuvage. Montaigne, II, 3.

Anatomie était l’équivalent grec de notre mot latin dissection. Mais dissection ne se répand pas avant le xvie siècle, où nous voyons dans Ambroise Paré le pléonasme dissection anatomique. Dissection et anatomie restent longtemps synonymes : Et eusse bien voulu estre en lieu, où l’on eust fait l’anatomie de ce monstre si rare, pour voir ce qu’il avoit dans le corps. Thevet, Cosmogr., IX, 6.

Expedition s’employait déjà au sens militaire, mais on disait encore en ce sens voyage : les voyages de Terre-Sainte, le voyage de Naples. En ce present livre… nous commencerons à ce voyage des Atheniens en la Sicile, contre les Syracusains. Amyot, trad. de Diodore, XIII, 1.

Invasion désignait l’action d’assaillir : Les hostes et amys dudict Alcibiades qui estoient en la cité de Argos furent souspeçonnez de voloir faire quelque invasion sur le peuple. Seyssel, trad. de Thucydide, VI, 10.

Les mots qui exprimaient des sentiments n’avaient pas toujours un sens bien précis. Dédain pouvait signifier colère, douleur, et aussi dégoût, découragement : [Ninus] en prit un tel desdain qu’il luy fit en achapter la reparation par la perte de sa vie. Cholières, 2e Apres-Disnee. — Il prend en soy un tel desdain, il ronge en son cœur et en son ame un tel despit et chagrin. Brantôme, M. d’Aussun. — Il faut choisir ceux… qui n’auront aucune saveur ny goust malplaisant, à fin que plus longuement et sans dedain ils puissent estre tenus en la bouche. Paré, XXV, 36. — [La vigne] estant mal choisie… ne peut apporter que desdain, voiant perdre la despense emploiee à son elevement. O. de Serres, Th. d’Agric., III, 2. — Ire, qui signifiait ordinairement colère, pouvait aussi signifier douleur : Le Roy… se retyra pour souspirer par griefve douleur, en une chambre ou estoit la Royne, auquel elle demanda incontinent l’occasion de son ire et melancolie. Sevin, trad. de Boccace, le Philocope, L. II, 35 vo. — Courroux aussi avait souvent le sens de douleur, et courroucer celui d’affliger : La Deesse [Venus]… fut si dolente quelle le ploura long temps amere-