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COMPAIGNABLE
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armee des pietons qui portoient petites targes… tous les plus gentilz compaignons. id., trad. de Diodore, Il, 10 (43 vo). — Puis marchoit Galvanes… et quatre cens aultres Chevaliers, tous gentilz compaignons et bien deliberez de combatre. Amadis, III, 4. — Il estoit gentil compaignon de sa personne touchant le faict de la guerre. G. de Selve, Huict Vies de Plutarque, Alcibiade, 63 vo. — Ayant persuadé les plus gentilz compaignons et plus promptz de le suyvre… sans les avoir enrollez, il entra tout incontinent avec eulx en la terre des Romains. id., ib., Coriolan, 88 ro. — Le soudard recouvra la santé : mais guary qu’il fut, il ne se monstra plus si gentil compagnon, ne si avantureux aux dangers de la guerre comme il faisoit au paravant. Amyot, Pélopidas, 1. — Lamachus… se trouva seul à soustenir une trouppe de gens de cheval de ceulx de la ville, devant lesquelz marchoit le premier Callicrates homme courageux et gentil compagnon de sa personne. id., Nicias, 18. — La seconde fois que ces Barbares retournerent… les Romains en eurent tel effroy que lon estimoit lors bien gentil compagnon celuy qui avoit la hardiesse de demourer en son reng. id., Sertorius, 3. — Ils portent l’honneur au plus vaillant et à celuy qui s’est monstré le plus gentil compaignon en quelque rencontre. Thevet, Cosmogr., III, 4.

Faire du compagnon. Faire la mauvaise tête, se conduire mal. — Quand j’appelle petis enfans, je n’entens pas ceux qui sont à la mammelle, mais ces petites ordures qui sont attachez à une espee, et font des compagnons, et cuident estre hommes. Calvin, Serm. sur l’Epitre aux Ephesiens, 26 (LI, 576). — Le pere… entendoit assez telles nouvelles, où il faisoit la sourde aureille, prenant plaisir… tenir ainsi ce jeune homme en telle alteres et calamitez, le menaçant par fois se remarier, au cas qu’il feroit du compagnon, ou donner et mettre son bien en telles mains qu’il ne l’oseroit regarder. Du Fail, Contes d’Eutrapel, 16 (I, 215).

Petit compagnon, bas compagnon. Homme de peu d’importance, de rang médiocre. — Il n’appartient à si petit compaignon d’user de si grande familiarité à femme de si hault prix. Amadis, II, 19. — Il n’appartient a petit compaignon De supplier dame de si hault nom. J. Bouchet, Epistres familieres du Traverseur, 96. — Encore que je fusse par cy devant petit compagnon, toutesfois de present je suis vostre Roy. Saliat, trad. d’Hérodote, II, 172. — Ce que ledit seigneur roy de Navarre desire le plus est qu’à son arrivée les Espagnols et autres étrangers subjects du roy d’Espagne congnoissent que le roy et tout son conseil luy facent si bon raccueil qu’ils puissent faire rapport partout qu’il n’est point petit compagnon en France. Monluc, Lettres, 46 (IV, 109). — Ils ont prins une licence telle que Jesus Christ n’est sinon comme un petit compagnon au pris d’eux. Calvin, Serm. sur l’Epitre aux Galates, 10 (L, 399). — Bien souvent un homme qui meriteroit bien d’estre en quelque grande principauté sera un petit compagnon mesprisé de chacun. id., Serm. sur la premiere à Timothee, 46 (LIII, 548). — Le regret que tu as maintenant de te voir petit compagnon te doit causer telle fascherie qu’il te seroit beaucoup plus expedient qu’avec ton corps tu en eusses perdu la memoire. E. Pasquier, Pour-parler d’Alexandre (I, 1062). — Je vous laisse penser… de combien le monde est plus miserable aujourd’huy avec sa sumptuosité (qui est si grande qu’un petit compagnon despendra bien cent francs… pour une seule paire de chausses) qu’il n’estoit lors avec sa frugalité. H. Estienne, Apol. pour Her., ch. 28 (II, 132). — Il faict bon estre grand seigneur, car il fault tousjours qu’ung petit compaignon comme moy paye la folle dicte. Monluc, Commentaires, L. VII (III, 341). — Ces vers n’ont pas esté faicts pour des petits compagnons comme moy, mais pour des roys et des princes. id., ib. (III, 497). — Les Espagnolz luy donnoient le nom de dom Carlos, lequel dom ne se donne pas à de petis et bas compagnons et seigneurs. Brantôme, Cap. estr., Charles de L’Aunoy (1, 231). — Il n’est pas besoing que le sang de ces grands soit à si bon marché pour querelles particullières, comme de nous autres petits compaignons. id., Discours sur les Duels (VI, 462).

(Fém.). Compagnonne. — Ces Dames estans jalouzes, et se voulans vanger de celles sur qui elles avoient opinion de leurs maris, estouff oient des stellions ou lezards dans les fards dont elles estoient asseurees que leurs compagnonnes d’amour se fardoient le visage. Guill. Bouchet, 36e Seree (V, 127). — L’antiquité, constante compagnone de verité. Charron, les Trois Veritez, III, 7.

Compaignable, Compaignee, Compaigner, Compaignie, Compaignon, v. Compagnable, Compagnee, Compagner, Compagnie, Compagnon.

Compain. Compagnon, camarade. — O compaing, si je montasse aussi bien comme je avalle, je feusse desja au dessus la sphere de la lune. Rabelais, II, 14. — O quantesfoys aux arbres grimpé j’ay, Pour desnicher ou la pye ou le geay, Ou pour jetter des fruictz ja meurs et beaulx A mes compaings qui tendoient leurs chappeaux. Marot, Eglogue au Roy. — Pastres je voy lesquels grand dueil en font, Voy mes compaings, lesquels ont de coustume Faire grans plaints de pareille amertume. id., Complainte d’un pastoureau chrestien. — Ains mes compaings de ce j’avertiray Et ce grand bien par tout je publieray. id., ib. — Sus à ce vin, compaings. Rabelais, III, Prologue. — O compains, troupe gaillarde, Qu’il me tarde De nous voir ensemblement. O. de Magny, les Gayetez, p. 69. — Et Mopse et toi vous fustes assaillis De gros leviers : on t’ôta ton beau vouge, A ton compain sa grand’houlete rouge. Vauquelin de la Fresnaye, les Foresteries, I, 6. — Comment, compaing J aiiot, est ce l’occasion Qui croist ta passion… ? O. de Magny, les Odes, II, 186. — Et toy, compain, n’aimes-tu pas encore ? Baïf, Eglogue 10 (III, 58). — La femme vous serez d’un puissant Empereur, De Charles le compaing. R. Garnier, Bradamante, 532. — Parle, compains, et me respons liement. Du Fail, Contes d’Eutrapel, 19 (I, 266). — (En parlant à un inférieur). Compaing, la dame qui t’a icy envoyé t’a elle poinct baillé de baston pour apporter ? Rabelais, II, 24.

(Fém.). Compaine. Compagne. — Au plus haut et plus éminent lieu se monstroit madame Marguerite de Prouvence, royne de France, compaine au roy saint Loys. Lemaire de Belges, le Temple d’Honneur et de Vertus (IV, 230).

On trouve bonne compagne, dans le sens de joyeuse gaillarde, femme de plaisir. C’est en quelque sorte le féminin de bon compagnon. — La fille d’une qui en sa jeunesse a esté bonne compaigne moins apprend les ruses et finesses d’amour, pour estre tenue de court, serree et contrerollee par sa mere, qui a passé par l’estamine. Du Fail, Contes d’Eutrapel, 30 (II, 118). — Charlemagne fut, sur sa vieillesse, fort adonné aux femmes ; mesmes… ses filles furent bonnes compagnes.