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l’accession des ."iiies plébéiennes, le catalogue dressé par Jordan et ses judicieuses déductions prouvent qu’elles finirent par occuper le plus grand nombre des places ’. Le recrutement était régi par une loi Papia de Vesta- lium lectione, dont la date est inconnue -. Cette loi disposait que le Grand Pontife, en cas de vacance, choisissait, d’accord sans doute avec les parents, vingt petites filles, et cela de son autorité privée ; puis, in con- cione, il était procédé à un tirage au sort. Sur celle dont le nom sortait le Pontife jetait son dévolu ; le mot rituel pour cette opération décisive était capere. Fabius Pic- lor, soit l’annaliste, soit l’auteur d’un livre sur le droit pontifical, nous a légué la formule en vertu de laquelle était ainsi prise l’élue du sort : Sacerdotem Vestalem, quae sacra faciat, quae Jussiet sacerdotem Vestalem facere pro populo Romano Quiritibus, uti quae lege optima fuit, ita te, Amata, capio. Tout n’est pas clair pour nous dans ce texte, et les juristes en particulier dissertent tant sur le sens particulier de Amata que sur la signification des mots quae lege optima fuit^. Nous nous en tenons à l’interprétation de Preuner, qui voit dans Amata, nom de l’épouse du roi Latinus, donné à la petite tille au moment de la captio, une sorte de terme de tendresse ; la nouvelle Vestale devient, pour la déesse à laquelle elle s’est vouée corps et àme, un sujet de dilection égale ’. Pour le surplus, il faut traduire : comme tu as été trouvée parfaite suirant la loi, je te prends (pour Vestale)". La vierge ainsi prise par la main du Grand Ponlife, qui l’enlève à la puissance paternelle pour la mettre sous la sienne propre, dans le service de Vesta, est emmenée comme le serait quel- que prisonnière de guerre *. Mais avant de devenir Vestale, elle aura à subir, sous la direction du Grand Ponlife, qui hérite à son égard de tous les droits du père naturel, et par le soin des Vestales en titre, une éduca- tion toute spéciale, qui la façonnera à ses obligations nouvelles. En droit et en fait, le Grand Pontife remplit d’ailleurs, dans la maison des Vestales, les devoirs du père de famille, non pas seulement à l’égard des jeunes novices, mais auprès des Vestales en titre ; il y dispose dune autorité en quelque sorte absolue ’. Il y main- tient la discipline morale et l’ordre matériel ; il a le droit de châtier (dont nous parlerons plus loin) et même il lui arrive d’intervenir, dans des cas spéciaux, pour empê- cher que l’initiative des Vestales n’empiète sur les règle- ments religieux et sur les lois*. Le Grand Pontife

I Aul. Gcll. I, 12, 11 sq. Cf. Ltx. m. i, p.. 1137. — 2 Cf. May, Op. cit. p. U sq. Capi... virgo propterea dici videtur. tjuia Pontificis Haximi manu prensa, ab eo parente, in cujus potestatc est, celuti betlo capta abdueitur (Aula Celle 1, 12, 13). Pour le sens juridique de coperc. cf. Tac. .ânn. IV, 16 ; Suet. Oct. 31, 3 ; Gaius, I, 129 ; Symmacli. Il, 10>i5 ; Ambros. Epiit. ad Valent. 12. — 3 May Iraduil Amata par empta, ce >'• :’ ue parait pas admissible. — » ffestia-Vesta, p. 276 ; d’autres ((joct’iiog. De duoOus A. Gellii lucia, léna, 18561 eu appelleul à AJiii- :., ’Aîii-lrr. (ap. Alhen. XV, 672 a, et linsçription C. i. gr. 598*). — i On peut comparer avec celte formule l’inscription trouvée dans la Maison des Vestales ; cf. Thedenat, Le Forum Romain, p. 320, et Appcnd. n» 16. p. 39 : [Ob meritum] pi i.icmAS olstitatis | icxta legem | divimtls mtim | de- cRFTo POMiFiccM. — 6 Aulu Ccll. (oc. cU. i Velutt bMo capta abdueitur. — 1 V. Preuner. Bestia-Vesla, p. 315 sq. : ■ Les rapports entre le Ponlificat el le culte de Vesta sont en réalité des plus étroits. » — 8 V. pomife.t, IV, 1, p. 57i. La Vcslale Licinia ayant consacré un autel, un édicule et un pulrinar sub saxo sacra, le Grand Pontife Scaevola annule la consécration au nom du collège, parce qu’elle fut faite sans autorisation préalable dans un endroit accessible au public. Cf. Mari|uardt. /loem. Slaaltverwaltung, III, p. 3*1. —3 Gilbert, Gesch. und Topoijr. Jlam. I, p. 3*7 sq. A partir d’Auguste, le chef de l’État étant tn même temps Grand Pontife, l’institut des Vestales tombait sous la surveillance et l’autorité de l’empereur. Auguste remplit à leur égard le rôle d’un protecteur, agrandit la maison où olles rés.dAÎent, leur assigna des places spéciales au Ihéâlre. V. Suel. Oct.

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est donc le père idéal dans la maison des Vestales, considérée comme le centre de la religion de l’État ; les Vestales sont les camillae qui l’assistent, de même qu’au foyer de la famille antique les enfants assistaient le père dans la célébration du culte privée

II. La cii.steté cultuelle. — De tous les devoirs des Vestales, le plus rigoureux est celui-là inème qui fait l’originalité de leur sacerdoce, le devoir de chasteté absolue qu’elles ont à pratiquer, du jour oi !i le Grand Pon- life a prononcé la formule d’admission, jusqu’à celui où elles pouvaient légalement quitter le service de Vesta. Les Grecs avaient entrevu, et cela d’assez bonne heure, comme une des conditions de la vie sacerdotale, le renoncement aux plaisirs de l’amour ’" [lustratio, p. 1419]. Mais chez eux, là même où les exigences théoriques passèrent dans la pratique, on se contenta souvent de simulacres ; par exemple, dans le culte de Hestia el pour la garde de son foyer dans les Prytanées, on les voit s’ingénier en vue de concilier le service de la déesse chaste par excellence avec les penchants de la nature humaine. La continence totale leur avait paru excessive pour des jeunes filles dans l’épanouissement de leur nature ; on respecta donc le principe de la chas- teté cultuelle en confiant la religion de certaines divi- nités à des femmes âgées. La Pythie de Delphes était une femme sur le retour, mais elle officiait en toilette de vierge ". La prêtresse d’.rlémis, à Orchomène, ayant été séduite parce qu’elle était jeune, on établit qu’à l’avenir le service du temple serait attribué à une femme qui aurait au préalable suffisamment vécu dans la société des hommes ; ou bien on confiait le culte à un couple qui avait accepté d’observer la chasteté pour le restant de sa vie. A Rome seulement, ceux qui remirent à des femmes le culte de Vesta el l’entretien de la fiamme sacrée furent amenés par une logique intraitable à leur imposer les devoirs d’une chasteté complète. On voulut que la Vestale pût jurer, en toute occasion, comme le fit l’une d’entre elles, qu’elle avait gardé son âme pure et son corps sans tache : ’j-’j/V "■"^«p»"’ x.’û gw^ix iyvôv ’-. Envisagée à ce point de vue, l’institution des Veslales est, de tous les organes de la vie religieuse, celui f|ui imprime à l’ensemble de la religion romaine une marque de piété idéale.

L’exigence était fondée sur un principe très simple :à une déesse de nature chaste et pure, représentant l’éclat de la flamme sans tache et la pureté de l’eau limpide ’%

31 et 4* ; Dio Cass. LIV, 27 ; LV, 37 ; une féie nouvelle est instituée au 6 mars pour célébrer l’anniversaire du Pontilîcat de l’empereur (an 12 av. J.-C). CL Ov. Fast. 111, S 17 ; Kal. -l/a/f. Pracn. Ciim. Autre fête le 28 avril, au temple de Vesta sur le Palatin ; Kal. Cum. ; Dio Cass. LV, 12 ; Ov. Fast. IV, 9*9 ; Melam. XV, 86* sq. : Corp. inscr. tat. I, p. 392. On suppose que la description, chez Virgile, Aen. Il, 512, de l’autel domestique au palais de l’riam s’inspire de ces faits.

— ’0 K. Fr. Hermann, Lehrbuch der yoltesdienstl. Alterthûmer, § 3*, notes 9 sq. Eustathc, //. VI, 300, dit môme que c’était une loi que la prêtresse fût iorjfc ; ceci est trop absolu ; mais il y en a des exemples : Paus. Il, 33, 3 ; Hesych. xa.a.fst ; Paus. IX, 27, 5 ; C. i. jr. 3098. Cf. Preuner, Hcstia-Vesta, p. 191, 3.

— 11 Les prétresses vierges étaient attachées aux temples dos divinités vierges, Artémis et Athéna, sans compter Hestia dans les Prytanées. Cf. Galen. ad Epidem. III, comment. 1, p. 32*. Pour les autres cas, cf. Ilygin. 135 ; Paus. VII, 23,8 ; VIII, 3, 12 ; VIII, 13, 1 ; l’hiérophante d’Eleusis, ap. Stob. Serm. IIS, 26. V. d’autres exemples : Diod. .XVI 26, 6. Pour le sacerdoce d’Artémrs Hymnia en Arcadie, Paus. VIII, 13, 1. Les pnilosophes, surtout les stoi’ciens, ont cherché à expliquer celte conception de la chasteté cultuelle ; v. Cornutus, Theotog. Graec. compend. édit. Lang, p. 32 sq. Cf. Fehrie, /jie kulcische Keuschhcit, p. 204, et 93. 109, etc.— ’2 Dion. Ilalic. II, 68. — >' Ov. Fast. VI, 283 sq. el III, +17 ; Dion.HaIic.il, 66 ; Val. Max. VI, 1 ; Plutarch. ;Vumo 9 ; (Juaesf. rom. 1 : t-, „ùj «««./. ;? !!, ««’, -■■, îS»f â-p.’Cii ; Lact. I, 12 ; Isid. Orig. VIII, 11, 07. Cf. May, Op. cit. p. 8.

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