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Page:Dictionnaire général de la langue française de François Raymond-T2-12-Synonymes.djvu/10

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10 DICTIONNAIRE DES SYNONYMES.


théologiens, pour désigner les peines que les damnés souffriront par la privation de la vue de Dieu ; c’est ce qu’on nomme La peine du dam. Le dommage diffère de perte, en ce qu’il désigne une privation qui n’est pas totale. Ainsi on dit : la perte de la moitié de mon revenu me causerait un dommage considérable. Une perte se remplace ; un dommage peut se réparer.

DANGER, PÉRIL, RISQUE. Le danger est une disposition des choses qui menace de quelque malheur ; le péril est une situation présente dans laquelle il y a un grand danger ; le risque, une situation dans laquelle on a lieu de craindre ou d’espérer. Un général court le risque d’une bataille, et il est en danger de la perdre, si ses soldats" l’abandonnent dans le péril. Un vrai soldat s’expose à tous les dangers, court tous les risques, et brave tous les périls.

DANS, EN. Dans a un sens précis et défini, dans la chambre ; en a un sens vague et indéfini, on est en ville. On met en prison, et dans les cachots. Dans marque le temps où on exécute les choses, et en celui qu’on emploie aies exécuter. La mort arrive dans le moment, et l’on passe en un instant. Si ces mots indiquent l’état, dans est d’usage pour le sens particulier, et en pour le sens général. Vivre dans une entière liberté, vivre en liberté.

DÉBATTRE, DISCUTER. On débat par intérêt les articles d’un compte ; on discute par simple curiosité une question intéressante.

DEBOUT, DROIT. On est droit, lorsqu’on n’est ni courbé, ni penché ; on est debout, quoique penché, lorsqu’on est sur ses pieds.

DÉBRIS, DÉCOMBRES, RUINES. Les deux derniers ne s’appliquent qu’aux édifices ; le troisième suppose que les édifices détruits étaient considérables. Et on dit, les débris d’un vaisseau ; les décombres d’un bâtiment ; les ruines d’un palais ou d’une ville.

DÉCADENCE, DÉCLIN, DÉCOURS. La décadence est l’état de ce qui déchoit ; le déclin, de ce qui s’affaiblit ; le décours, de ce qui décroit. Et on dit la décadence des fortunes ; le déclin du jour ; le décours de la lune.

DÉCADENCE, RUINE. Le premier prépare le second, qui en est l’effet. La décadence d’un empire annonce sa ruine.

DÉCELER, DÉCOUVRIR, MANIFESTER, RÉVÉLER. Ces mots font connaître ce qui est caché. On découvre son secret ; on révèle celui des autres ; on manifeste ses vertus, ses desseins ; on décèle ses vues et ses intentions perfides.

DÉCENCE, BIENSÉANCE, CONVENANCE. Une femme est vêtue avec décence, lorsqu’elle est sans immodestie ; avec bienséance, lorsqu’elle l’est suivant son état ; avec convenance, lorsqu’elle l’est selon la saison et les circonstances. On garde la décence ; on défère à la bienséance ; on consulte la convenance.

DÉCENCE, DIGNITÉ, GRAVITÉ. La décence renferme les égards que l’on doit au public ; la dignité, ceux que l’on doit à sa place ; la gravité, ceux qu’on se doit à soi-même.

DÉCIDER, JUGER. On décide une contestation et une question ; on juge une personne et un ouvrage. Les journalistes décident ; les connaisseurs jugent ; on décide quelqu’un à prendre un parti ; on juge qu’il le prendra.

DÉCISION, RÉSOLUTION. La décision est un acte de l’esprit, et suppose l’examen ; la résolution est ifn acte de la volonté, et suppose la délibération. Nos décisions doivent être justes ; nos résolutions doivent être fermes.

DÉCLARER, DÉCOUVRIR, MANIFESTER, RÉVÉLER, DÉCELER. Déclarer, dire pour instruire ; découvrir, montrer ce qui était caché ; manifester, produire les sentiments intérieurs ; révéler, rendre public ce qui a été confié sous secret ; et déceler, nommer celui qui ne veut pas être cru l’auteur.

DÉCOURAGEMENT, ACCABLEMENT, ABATTEMENT. V. ABATTEMENT.

DÉCOUVERTE, INVENTION. L’idée de la découverte tient plus de la science ; celle de l’invention tient plus de l’art. La découverte étend nos connaissances ; une invention ajoute au secours dont nous avons besoin.

DÉCOUVRIR, TROUVER. On découvre ce qui est caché ou secret, soit au moral, soit au physique ; on trouve ce qui ne tombe pas de soi-même sous les sens ou dans l’esprit.

DÉCRET, Loi. Le décret est l’effet de la loi.

DÉCRIER, DÉCRÉDITER. Le premier attaque l’honneur ; le second, le crédit. On décrédite-un ambassadeur, en disant qu’il n’a pas de pouvoirs ; on le décrie, en disant qu’il est sans foi.

DÉDIRE (SE), RÉTRACTER (SE). On se dédit de ce qu’on a dit légèrement ; on se rétracte de ce que l’on a avancé, ou soutenu. On se dédit d’un marché, on rétracte un serment.

DÉFAITE, DÉROUTE. Déroute ajoute à défaite, et désigne une armée qui fuit en désordre.

DÉFAVEUR, DISGRÂCE. La défaveur momentanée prélude à la disgrâce, qui est plus durable. La défaveur se témoigne par des froideurs, des dédains ; la disgrâce frappe et abat.

DÉFENDRE, SOUTENIR, PROTÉGER. On défend ce qui est attaqué ; on soutient ce qui peut l’être ; on protège ce qui a besoin d’être encouragé. On est protégé par les autres ; on peut se défendre et se soutenir par soi-même.

DÉFENDU, PROHIBÉ. Défendu désigne ce qu’il n’est pas permis de faire, en conséquence de la morale, de la justice, d’un ordre, d’une loi : prohibé ne se dit que des choses défendues par une loi humaine.

DÉFENSE, PROHIBITION. La défense porte sur ce qui nuit ; la prohibition s’applique à ce qui pourrait être permis. Le vol est défendu, l’importation est prohibée. — La prohibition produit toujours la défense ; alors la défense a un rapport particulier aux personnes. La prohibition des marchandises étant décrétée, il fut fait défense d’en introduire.

DÉGOÛTANT, FASTIDIEUX. Dégoûtant a plus de rapport au corps ; fastidieux en a plus à l’esprit. La malpropreté rend les femmes dégoûtantes ; les minauderies les rendent fastidieuses.

DEGRÉ, MARCHE. Degré indique la hauteur ; marche marque l’étendue. Les degrés sont égaux, si les hauteurs sont égales ; les marches, sont égales, si leur largeur est égale.

DÉGUISER, TRAVESTIR, MASQUER. Celui qui se masque se couvre d’un faux visage ; celui qui se déguise change ses apparences ; celui qui se travestit prend un autre costume. On se masque pour aller au bal ; on se déguise pour une intrigue ; on se travestit pour ne pas être reconnu. L’espion se déguise ; le comédien se travestit.

DÉLATEUR, DÉNONCIATEUR. Le délateur cherche, découvre et rapporte ce qu’il croit avoir vu, ce qu’il est intéressé à faire croire ; le dénonciateur ne fait que manifester un délit.

DÉLIBÉRER, OPINER, VOTER. Délibérer, discuter des raisons pour et contre ; opiner, motiver son avis ; voter, donner son suffrage.

DÉLICAT, DÉLIÉ. La sensibilité de l’âme produit la délicatesse ; la finesse de l’esprit, l’artifice, font le délié. Les gens délicats sont assez souvent déliés ; mais les gens déliés sont rarement délicats. L’homme délicat pousse la probité jusqu’au scrupule, l’homme délie se débarrasse avec adresse de ses liens ; ce qui est délicat touche légèrement ;


ce qui est délié ne peut être touché, saisi, palpé, qu’avec délicatesse.

DÉLICIEUX, DÉLECTABLE. Délicieux affecte à l’objet un caractère de suavité, de délicatesse délectable exprime la propriété d’exciter le goût de prolonger le plaisir avec une sorte de sensualité, de tressaillement. En savourant la chose délectable, il semble que vous mâchiez le plaisir : en savourant la chose délicieuse, il semble qui vous en exprimiez voluptueusement ce qu’elle a de plus délicat.

DÉLIRE, EGAREMENT. Le délire est un dérangement momentané de l’esprit causé par la fièvre ou l’excès de la douleur ; l’égarement est un déliré prolongé : un malheur affreux, une maladie, un coup violent, peuvent égarer les plus fortes têtes.

DEMEURANT (AU), SURPLUS (AU), RESTE (AU) RESTE (DU). Le premier désigne le résultat, la fin, le terme, où l’esprit doit s’arrêter : il a tel et tel défaut ; au demeurant, c’est un honnête homme Au surplus suppose une série, une gradation ou une cumulation d’idées, auxquelles on ajouta une autre idée pour finir : voilà d’étranges nouvelles ; mais, au surplus, je ne les garantis pas. Au reste désigne ce qui reste à dire, une observation qu’il faut rappeler : je vous conseille de faire telle ou telle chose ; au reste, vous êtes le maître. Du reste annonce une relation moins essentielle je vous conseille…, du reste, cela m’est égal.

DEMEURER, LOGER. Demeurer se dit par rapport au lieu que l’on habite ; loger, par rapporte à l’édifice. On demeure à Paris ; on loge au Louvre, en hôtel garni.

DEMEURER, RESTER. Demeurer, c’est ne pas quitter le lieu où l’on est ; rester a, de plus, un idée accessoire de laisser aller les autres. Le premier laisse l’idée de la liberté. La sentinelle reste son poste ; le dévot demeure long-temps à l’église.

DÉMOLIR, RASER, DÉMANTELER, DÉTRUIRE On démolit par économie, ou pour réédifier ; on rase afin de laisser un monument de la vindicte publique ; on démantèle pour mettre une place hors de défense ; on détruit pour ne pas laisser subsister. Un particulier fait démolir ; la justice fait raser ; un général d’armée fait démanteler un place qu’il a prise, et pour cela il en fait détruire les fortifications.

DÉMONSTRATION D’AMITIE, TÉMOIGNAGE D’AMITIÉ. Les démonstrations sont extérieures ; elles consistent dans un accueil obligeant. Les témoignages sont plus intérieurs ; ils consistent dans les services essentiels.

DÉNOUEMENT, CATASTROPHE. Le dénouement démêle l’intrigue ; la catastrophe termine l’action. Le dénouement amène la catastrophe ; la catastrophe complète le dénouement.

DENSE, EPAIS. Épais a rapport à la profondeur des corps solides ; dense, à leur compacité, leur pesanteur, comparativement au volume. Une planche est épaisse d’un pouce, l’or est plus dense que l’argent. Épais est l’opposé de mince ; dense est l’opposé de rare.

DÉNUÉ, DÉPOURVU. Le premier marque privation entière, absolue ; le second exprime une disette plus ou moins grande et particulière à certains objets. L’homme dénué de biens est dans la misère ; l’homme dépourvu de biens est dans le besoin. Dénué ne se dit qu’au figuré ; dépourvu se dit dans les deux sens.

DE PLUS, D’AILLEURS, OUTRE CELA. De plus n’a rapport qu’au nombre : il a tel défaut, de plus, il est menteur. D’ailleurs amène une raison différente : le temps ne permet pas de se mettre en route ; d’ailleurs, la route est infestée de voleurs. Outre cela amène une raison nouvelle : cette affaire m’empêche de me rendre aujourd’hui chez vous ; outre cela, il est beaucoup trop tard.