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Page:Dictionnaire général de la langue française de François Raymond-T2-12-Synonymes.djvu/11

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DICTIONNAIRE DES SYNONYMES. 11

DÉPOUILLER UNE CHOSE, SE DÉPOUILLER D’UNE CHOSE. Le premier porte directement sur l’objet dont on veut être dépouillé ; le second porte directement sur le sujet qui se dépouille. Si le prince se dépouille de sa grandeur, vous le voyez tel qu’un homme privé ; s’il la dépouille, vous la voyez s’évanouir.

DÉRRISER, DÉPRIMER, DÉGRADER. L’homme simple se déprise : il ne s’évalue pas lui-même ; l’homme modeste ou l’hypocrite se déprime : il se connaît, mais fait le sacrifice de son mérite à la raison ou à l’intérêt ; l’homme bas et vil se dégrade ; il se met au-dessous de ceux qu’il craint, quoiqu’il ait plus de talents, de fortune qu’eux.

DÉPRISER, MÉPRISER. Mépriser, c’est ne reconnaître aucun prix à un être ; dépriser, c’est seulement rabattre d’un prix. Cette différence très prononcée doit faire admettre le substantif dépris.

DÉROBER, VOLER. On dérobe furtivement une

bagatelle ; on volé souvent avec violence le bien d’autrui. Dérober se dit des petites choses ; voler s’applique toujours à des objets plus importants.

DÉROGATION, ABROGATION. La dérogation laisse subsister la loi ; abrogation l’annulle.

DÉSAPPROUVER, IMPROUVER, RÉPROUVER. On désapprouve, par un simple jugement, ce qui ne paraît pas bon ; on improuve, par des discours, ce qu’on trouve mauvais ; on réprouve les condamnations qu’on juge odieuses.

DÉSERT, INHABITÉ, SOLITAIRE. Un lien désert est vide, inculte ; un lien inhabité est sans habitants ; un lieu solitaire n’est pas fréquenté. Les landes sont désertes ; les rochers sont inhabités ; les bois solitaires.

DÉSERTEUR, TRANSFUGE. Le transfuge est un déserteur qui passe au service des ennemis. Le déserteur ne fait que quitter ses drapeaux pour ne plus servir ; le transfuge quitte le sien et va se ranger sons ceux de l’ennemi.

DÉSHONNÊTE y MALHONNÊTE. Déshonnête est contraire à la pureté des mœurs et du langage ; malhonnête, à la civilité, à la droiture. Déshonnête se dit des choses ; malhonnête, des choses et des personnes, Ce qui est déshonnête est toujours malhonnête ; mais il n’y a pas réciprocité.

DÉSIR, SOUHAIT. Le souhait naît de la réflexion il est presque toujours exprimé ; le désir naît souvent de l’instinct, et très-souvent on n’ose l’exprimer, on en rougit. Tels sont les désirs de la ruine, des gens qui ne vous nuisent en rien.

DÉSOCCUPÉ, DÉSŒUVRÉ. On est désoccupé quand on n’a rien à faire de ce qui occupe ; on est désœuvré, lorsqu’on ne fait absolument rien, même rien qui amuse. L’homme désoccupé a du loisir ; l’homme désœuvré est tout oisif.

DESSEIN, PROJET, ENTREPRISE. Le projet est une idée dans l’esprit ; le dessein y ajoute le plan, les moyens d’exécution ; l’entreprise commence à les mettre en œuvre.

DESTIN, DESTINÉE, SORT. Le destin règle, ordonne, dispose d’une manière immuable tous les événements qui doivent composer notre vie ; la destinée est le résultat de cet ordre, de cette disposition, et pour ainsi dire ces événements en action ; elle est fille du destin ; le sort est plus particulier à quelqu’un de ces événements et ne suit aucune règle ; il fait partie de la destinée et est soumis au destin.

DÉTOURNER, DISTRAIRE, DIVERTIR. On distrait des deniers, des papiers, en les mettant à part ; on les détourne, en les éloignant de leur destination ; on les divertit, en se les appropriant, et en en disposant. En parlant des personnes, il suffit d’interrompre l’attention de quelqu’un, pour le distraire de son travail ; il faut l’occuper, pour l’en détourner ; il faut le lui faire abandonner, pour l’en divertir.

DÉTROIT, DÉFILÉ, GORGE, COL, PAS. Le détroit est un lieu serre, où l’on passe difficilement ; le défilé, où l’on ne peut passer qu’à la file ; la gorge est l’entrée d’un passage étroit ; le col est un passage étroit qui s’élargit à l’entrée et à la sortie ; le pas est un peu long.

DEVANCER, PRÉCÉDER. Devancer signifie prendre les devants, aller plus vite ; précéder signifie marcher le premier. Ces mots marquent un rapport de temps ; devancer exprime une antériorité d’action ; précéder, une priorité d’existence, d’ordre. La nuit précède le jour ; l’aurore devance le soleil. Celui qui sait mieux courir devance son adversaire ou son compétiteur, et a le prix ; celui qui, de droit ou de fait, est le premier en ordre, précède les autres et a la primauté.

DEVIN, PROPHÈTE. Le devin découvre ce qui est caché ; le prophète prédit ce qui doit arriver. La divination regarde le présent et le passé ; la prophétie a pour objet l’avenir.

DEVOIR, OBLIGATION. Le devoir dit quelque chose de plus fort pour la conscience : il émane de la loi ; l’obligation dit quelque chose de plus absolu pour la pratique : elle tient de l’usage. On manque à un devoir ; on se dispense d’une obligation. Il n’y, a point d’obligation, si la chose n’a pu être ordonnée ; point de devoir, si elle ne peut être exécutée.

DÉVOT, DÉVOTIEUX. Le dévot n’a qu’une simple dévotion ; elle peut être austère, chagrine ; le dévotieux a une dévotion plus sentie et mieux exprimée ; elle sera toujours douce, affectueuse. En mauvaise part, le dévotieux se distinguera par une attention minutieuse à de petites pratiques, et la recherche dans les manières. Un homme qui n’est pas dévot peut être dévotieux, lorsqu’il assiste à quelque cérémonie religieuse.

DÉVOT, PIEUX. La dévotion est dans l’esprit ; la piété dans le cœur. Le dévot craint et courtise la divinité ; l’homme pieux l’aime ou la révère : il peut n’avoir pas de culte, ni même de religion dans l’acception ordinaire du mot ; le dévot la pousse jusqu’au fanatisme, et le culte la pratique jusqu’à la minutie. On peut donc être pieux sans être dévot, et dévot sans être pieux.

DIABLE, DÉMON. Le diable se prend toujours en mauvaise part ; c’est un esprit malfaisant, qui tente et corrompt la vertu. Démon, en bonne part, est un génie qui entraîne hors des bornes. La méchanceté est l’apanage du diable ; l’excès, celui du démon.

DIAPHANE, TRANSPARENT. Diaphane ne se dit que des corps qui ne laissent passer la lumière que par des pores invisibles ; transparent se dit de ces corps, et de ceux qui laissent passer la lumière par des ouvertures sensibles. La gaze est transparente-, et n’est pas diaphane. L’eau, de sa nature, est diaphane ; et si ce ruisseau clair et limpide laisse voir le sable et le gravier sur lequel il roule, il est transparent.

DICTIONNAIRE, VOCABULAIRE, GLOSSAIRE. Vocabulaire et glossaire ne s’appliquent qu’à des nomenclatures sans explication ; dictionnaire comprend les dictionnaires de langues ; les dictionnaires historiques, ceux des sciences et arts, et exige des définitions. Un vocabulaire peut n’être pas alphabétique : glossaire ne s’applique guère qu’aux séries de mots peu connus.

DIFFAMATOIRE, DIFFAMANT, INFAMANT. Ce qui est diffamant attire le mépris ; ce qui est infamant, le déshonneur ; l’écrit diffamatoire nuit à la réputation d’autrui.

DIFFÉRENCE, DIVERSITÉ, VARIÉTÉ, BIGARRURE.

La différence suppose une comparaison des choses, qui empêche la confusion ; la diversité suppose un changement qui flatte et réveille le goût ; la variété, une pluralité de choses dont l’imagination compose des images qui dissipent l’ennui de l’uniformité. La bigarrure suppose un assemblage mal assorti, formé par le caprice.

DIFFÉRENCE, INÉGALITÉ, DISPARITÉ. Différence est un genre dont l’inégalité et la disparité sont des espèces ; l’inégalité marque la différence en quantité ; la disparité marque la différence en qualité. -

DIFFÉREND, DÉMÊLÉ. Le sujet du différend est une chose sur laquelle on se contrarie, l’un dit oui, l’autre non. Le sujet du démêlé est une chose moins éclaircie, sur laquelle on s’explique.

DIFFÉREND, DISPUTE, QUERELLE. La concurrence des intérêts cause des différends ; la contrariété des opinions produit les disputes ; l’aigreur des esprits est la source des querellas.

DIFFICULTÉ, OBSTACLE, EMPÊCHEMENT. La difficulté embarrasse ; l’obstacle arrête ; l’empêchement résiste. Ou lève la difficulté ; on surmonte l’obstacle ; on ôte, on surmonte l’empêchement.

DIFFORMITÉ, LAIDEUR. La difformité est un défaut dans les proportions ; la laideur, dans les traits, la superficie du visage. Difformité se dit de tout défaut dans les proportions convenables à chaque chose, aux bâtiments, aux jardius, ànxformes des places, etc. ; laideur ne se dit que des animaux ou des meubles. -

DIFFUS, PROLIXE. Ce qui est diffus se répand en paroles qui délaient la pensée ; ce qui est prolixe s’étend en mots qui affaiblissent l’expression.

DILIGENT, EXPÉDITIF, PROMPT. L’homme diligent est assidu à l’ouvrage ; l’ouvrier expéditif le finit de suite ; s’il est prompt, il travaille avec activité. La paresse, les délais et la lenteur sont les défauts opposés.

DIRE, PARLER. Pour parler il suffit de proférer des paroles ; on ne dit quelque chose qu’en y attachant des idées. « Dieu est un être dont on parle sans en pouvoir rien dire ! » a dit saint Augustin. Il parle ! que dit-il ?

DIRE UN MENSONGE, FAIRE UN MENSONGE. La difficulté est d’abord de spécifier la différence entre dire et faire des mensonges, lorsqu’il est question de mensonges dont onest soi-même l’auteur. Dire, c’est proférer ; faire, c’est composer. Un oui ou un nom, proféré contre sa conscience, est un mensonge qu’on dit ; une histoire controuvée, une fable arrangée est un mensonge qu’on fait. À dire un mensonge, il n’y a que de la fausseté ; il y a de l’artifice à faire un mensonge.

DISCERNEMENT, JUGEMENT. Le discernement est une connaissance qui distingue ; le jugement connaît et apprécie la valeur, les qualités.

DJSCORD, DISCORDE. Le discord rompt l’accord ; la discorde détruit la concorde. Le discord tend à la discorde ; la discorde est un état de dissension.

DISCOURS, HARANGUE, ORAISON. Le discours est un ouvrage composé par un orateur sur un sujet important ; la harangue, un discours d’apparat ; l’oraison est le discours oratoire des anciens ; ce dernier est restreint à l’oraison funèbre.

DISCRÉTION, RÉSERVE. La discrétion fait que nous ne faisons et ne disons que ce qui est conforme aux convenances. La réserve fait que nous nous abstenons de parler ou d’agir ; la première agit peu, la seconde n’agit point.

DISERT, ÉLOQUENT. Le discours disert est facile, pur, mais faible ; le discours éloquent est vif, touchant, il maîtrise. Ces épithètes se donnent, pour les mêmes raisons, aux personnes. L’esprit rend disert, et l'âme donne l’éloquence. L’énergie de l’expression rendrait éloquent l’homme disert. L’orateur disert attache, captive ses auditeurs par de belles paroles ; l’orateur éloquent, par de grandes pensées bien exprimées.