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Page:Dictionnaire général de la langue française de François Raymond-T2-12-Synonymes.djvu/7

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DICTIONNAIRE DES SYNONYMES. 7


pure comme la couleur blanche qui est son image ; la naïveté, fille de la simple nature, est parente de la niaiserie ; l’ingénuité, sœur de la brusque franchise, mais plus douce qu’elle, est plus indiscrète parce qu’elle est plus innocente, elle est dans l’âme. La naïveté est dans le ton et le style ; la candeur est dans l’un et l’autre. Un enfant a de la candeur ; une jeune fille a de l’ingénuité ; le vieillard même peut être naïf. L’ingénuité, la naïveté peuvent se dire ironiquement pour l’effronterie. "La réponse est naïve, l’aveu est ingénu, » dira-t-on d’un coupable qui ne rougit pas de sa faute.

CAPACITÉ, HABILETÉ. Capacité a plus de rapport à la connaissance des préceptes ; habileté, à leur application. Qui a de la capacité, peut ; qui a de l’habileté, réussit.

CAPTIF, ESCLAVE, PRISONNIER. L’esclave est un captif que les Maures ont pris et condamné aux travaux en refusant de lui rendre la liberté. Le prisonnier, privé momentanément de sa liberté par l’ennemi, peut et doit être échangé ; on rachète un captif, on affranchit un esclave. Une

jolie femme rend d’abord captif, et la passion qu’elle enflamme par ses charmes rend esclave. On peut être esclave de son gré ; on n’est retenu captif ou prisonnier que malgré soi.

CARESSER, FLATTER, CAJOLER, FLAGORNER. On caresse ceux que l’on aime ; on flatte ceux qui peuvent servir ou nuire ; on cajole des gens faciles à tromper, à gagner ; on flagorne des supérieurs.

CARNASSIER, CARNIVORE. Carnivore signifie, qui mange de la chair ; carnassier, qui en fait sa nourriture. Carnassier se dit de l’animal qui ne peut vivre que de chair ; l’animal Carnivore n’est pas réduit à cet unique aliment. Le lion est carnassier ; l’homme est carnivore.

CASSER, BRISER, ROMPRE. On casse du bois, du verre, en le frappant, le heurtant ; on rompt du fer, en le faisant céder, fléchir, enfoncer, ployer sous le poids ; on brise une pierre, une statue, en la frappant à grands coups, en l’écrasant, la divisant d’une manière violente, jusqu’à la destruction.

CAUSTIQUE, SATIRIQUE, MORDANT. L’homme naturellement satirique aperçoit les défauts, les ridicules ; s’il se contente de piquer l’amour-propre en les reprenant, il n’est que caustique ; il est mordant, s’il enfonce le trait et fait une blessure à l’honneur : l’esprit satirique se joue avec malice et gaité ; le caustique est taquin, il a de l’humeur ; le mordant est méchant, il a de la haine.

CAUTION, GARANT, RÉPONDANT. La caution s’oblige à satisfaire à un engagement ou à indemniser, si celui qu’elle cautionne manque de foi ou de fidélité ; le garant s’oblige à faire jouir de la chose vendue ; le répondant s’oblige à réparer les torts de celui dont il répond. La caution s’engage pour des intérêts pécuniaires ; le garant, pour des possessions ; le répondant, pour des dommages. Le premier s’engage à payer ; le second, à poursuivre ; le troisième, a dédommager. La caution donne un second débiteur ; le garant, un défenseur ; le répondant, un recours. On est caution d’une personne ; mais on est garant d’un fait, on répond d’un événement. Garantir ne se dit que des choses.

CÉLÉBRITÉ, GLOIRE. La gloire est on appartient exclusivement à ceux qui rendent des services célèbres à leurs semblables ; ceux qui leur nuisent peuvent être célèbres par l’atrocité et la publicité de leurs forfaits.

CERTAIN, SÛR, ASSURÉ. Certain s’emploie pour des choses de spéculation ; sûr, pour les choses qui concernent la pratique ; assuré a rapport à la durée. On est certain d’un point de science ; on est


sûr d’une maxime de morale ; on est assuré d’un fait.

CERTES, CERTAINEMENT, AVEC CERTITUDE. avec certitude désigne que vous avez des motifs puissants pour assurer une chose comme certaine en soi ; certainement désigne la conviction ; certes est une affirmation tranchante qui annonce la conviction la plus intime.

CHAGRIN, TRISTESSE, MÉLANCOLIE. Le chagrin vient du mécontentement ; la tristesse est causée par les grandes afflictions ; la mélancolie est l’effet du tempérament.

CHAÎNES, FERS. Les chaînes sont des anneaux dont l’ensemble forme les fers : toutes les chaînes ne sont pas des fers. Les fers sont pour l’homme, les chaînes pour les bêtes.

CHANCELER, VACILLER. Le corps qui chancelle n’est pas ferme : celui qui vacille n’est point fixé. Le premier est trop mobile, le second trop faible ; on commence par vaciller, on finit par chanceler. Au figuré, le témoin qui chancelle est suspect ; celui qui vacille est indigne de foi.

CHANCIR, MOISIR. Chancir se dit des premiers signes de changement à la surface de certains corps qu’une fermentation dispose à la corruption ; moisir se dit du changement entier.

CHANGE, TROC, ÉCHANGE, PERMUTATION. On change une pièce pour de la monnaie ; on troque une chose pour une autre ; on échange des terres, des prisonniers ; on permute des emplois ecclésiastiques.

CHANGEMENT, VARIATION, VARIÉTÉ. Changement marque le passage d’un état à un autre ; variation, le passage rapide par plusieurs états successifs ; variété, l’existence de plusieurs individus d’une même espèce, sous des états en partie semblables, en partie différents.

CHANTEUR, CHANTRE. Les chanteurs sont des acteurs de l’opéra ou des hommes qui courent les rues ; les chantres sont à l’église et vont aux processions. Le poëte qui célèbre une divinité, etc., est un chantre ; celui qui débite ses vers en musique est un chanteur.

CHARGE, FARDEAU, FAix. La charge est ce qu’on peut porter ; le fardeau est ce qu’on porte ; le faix exprime de plus l’idée d’une impression sur ce qui porte. La charge est forte ; le fardeau est lourd ; le faix accable.

CHARME, ENCHANTEMENT, SORT. Le charme arrête les effets naturels des causes ; l’enchantement se dit de l’illusion des sens ; sort renferme l’idée de quelque chose qui nuit ou trouble la raison. Ils marquent l’effet d’une opération magique qui, appliquée à des êtres insensibles, s’appelle charme ; si elle est appliquée à un être intelligent, il est enchanté ; si elle est durable et cruelle, il est ensorcelé.

CHARMOIE, CHARMILLE. La charmoie est un lieu planté de charmes ; la charmille, un lieu planté de jeunes charmes. La charmoie a rapport au terrain, et semble annoncer une certaine étendue ; la charmille marque nne quantité resserrée et n’est propre qu’aux arbustes.

CHASTETÉ, CONTINENCE. La chasteté prescrit des règles à l’usage des plaisirs de la chair ; la continence en interdit absolument l’usage. Tel est chaste, qui n’est pas continent ; tel est continent, qui n’est pas chaste ; l’un est tont-à-fait moral, l’autre n’est que physique ; un vieillard est continent par impuissance, mais il n’est pas toujours chaste.

CHÂTIER, PUNIR. On châtie celui qui a fait une faute pour l’empêcher d’y retomber ; on punit celui qui a commis un crime, pour le lui faire expier. Le châtiment porte avec lui une idée de la supériorité de celui qui l’inflige.

CHAUD (le), CHALEUR (la). La chaleur est


active et produit le chaud ; le chaud est l’effet brut de la chaleur. On dit, dans le discours, un chaud lourd, étouffant ; et une chaleur ardente, brûlante. Le chaud est un air qui accable ; la chaleur, un feu qui dévore.

CHÉRIR, AIMER. Le premier dit plus que l’autre ; il en est comme la suite. Les amants s’aiment, puis se quittent ; les époux se chérissent pour la vie ; si l’un des deux est renversé dans la tombe, l’autre voudrait s’y précipiter, il a perdu la moitié de lui-même, le reste lui est insupportable.

CHÉTIF, MAUVAIS. Le peu de valeur rend nne chose chétive ; les défauts la rendent mauvaise. En fait de choses d’usage, comme habits, etc., chétif enchérit sur mauvais.

CHOIR, FAILLIR, TOMBER. On fait une chute et l’on se relève ; une faute, et la réputation en est blessée ; on tombe, et l’on se tue, l’on se perd, on est anéanti. Une pièce sifflée fait une chute, et peut réussir après ; l’auteur avait failli, sa faute se répare ; si elle tombe, plus de ressource.

CHOISIR, FAIRE CHOIX. Choisir se dit des choses dont on veut faire usage ; faire choix se dit des personnes qu’on veut employer. Choisir marque la comparaison ; faire choix, la simple distinction. On fait choix de plusieurs objets, entre lesquels on choisit.

CHOISIR, PRÉFÉRER. On préfère ce qu’on choisit. Choisir, c’est se déterminer par le mérite de la chose ; préférer, c’est se déterminer par quelque motif que ce soit.

CHOISIR, ELIRE, FAIRE CHOIX, PRÉFÉRER. Un seul choisit, plusieurs élisent, et tous préfèrent. Lorsqu’on est à même de choisir, on prend ce que l’on préfère, et l’on s’en tient à ce dont on a fait choix : ainsi choisir tient plus à la réflexion ; préférer, au goût ; faire choix, à l’action, à ses conséquences.

CHOQUER, HEURTER. Heurter, c’est choquer rudement ; le choc peut être très-léger. On choque les verres à table, on les casserait en les heurtant. Au figuré, une bagatelle suffit pour choquer bien des gens ; on heurte de front.

CIEL, PARADIS. Le ciel est le séjour de la gloire ; le Paradis, celui de la béatitude. Le ciel est le tabernacle, le temple de Dieu ; le paradis est la cité des bienheureux. C’est Dieu qui fit le ciel ; c’est le bonheur du juste qui fait le paradis. Le paradis est dans le ciel.

CIRCONSPECTION, CONSIDÉRATION, EGARDS, MÉNAGEMENTS. La circonspection a lieu dans le discours ; la considération, dans la manière de traiter les gens ; les égards ne permettent pas de manquer à rien de ce que la bienséance ou la politesse exige ; les ménagements sont amenés pour éviter de choquer ou de faire de la peine, et de tirer avantage.

CIRCONSPECTION, PRUDENCE. Celle-ci peut ne regarder que devant elle ; mais la circonspection regarde tout autour. La circonspection est minutieuse, craintive ; la prudence est sage, mais sans CIRCONSTANCE, CONJONCTURE, OCCURRENCE.

La conjoncture est une disposition du temps de l’action ; la circonstance est une disposition particulière de l’action ; l’occurrence, une occasion favorable qui se présente sans qu’on la cherche. Il fant consulter les conjonctures, prévoir les circonstances, profiter de l’occurrence.

CITÉ, VILLE. La ville est l’enceinte des murailles, ou la population renfermée dans cette enceinte ; la cité est le peuple d’une contrée, habitant une ville et ses environs. La ville a des maisons et des habitants ; la cité, des citoyens.

CITER, ALLÉGUER. On allègue souvent beaucoup de mauvaises raisons sans pouvoir citer na auteur, un exemple à l’appui