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Toute mélodie ou fragment traité en variations : « les A. variés de Mozart », « les A. russes, pour le violon, de Lalo ». On disait au XVIIe s. « une musique bien aérée » dans le sens de : « une musique mélodique ». On dit aujourd’hui vulgairement d’un enfant doué de mémoire musicale, qu’il « retient bien les airs ». || 3. Pièce à voix seule avec accompagnement, formant une œuvre isolée ou appartenant à une composition profane ou religieuse divisée en plusieurs parties. L’origine de l’A. se trouve dans le répertoire des « chanteurs au luth », qui se développa au XVIe s., parallèlement à celui du chant polyphonique, sous la double influence des poètes et des virtuoses, les premiers cherchant à mettre en relief les mérites de leur versification, et les seconds à briller individuellement. En France, l’A. ne fut d’abord qu’une transformation nominale de la chanson. Dès les premières années du XVIIe s., on en vit paraître des recueils, tantôt écrits à quatre parties, plus souvent à voix seule avec luth ou guitare. (Voy. Accompagnement.) Ils étaient signés de Guesdron, Ant. Boesset, Moulinié, Bataille et autres. On entremêlait ces airs aux pièces instrumentales dans les spectacles de ballets. On y distingua peu à peu plusieurs genres : A. de cour, A. sérieux, A. à boire, A. spirituels. À ce répertoire correspondait en Angleterre celui des ayres, inauguré par les recueils de Dowland (1597) et de Morley (1600), en Allemagne celui des Arien, représenté principalement par les livres de Henri Albert (1638 et suiv.), qui étaient composés d’emprunts étrangers. En avançant dans le XVIIe s., les maîtres de chant français, Lambert, La Barre, imaginèrent d’ajouter aux A. des seconds couplets en variations, appelés doubles, pour en raviver l’intérêt. Mais la forme véritable de l’A. s’agrandissait dans une autre direction, d’après le germe contenu dans les madrigaux italiens de Caccini, intitulés Nuove Musiche (1602), et dans les premiers essais d’opéra des musiciens florentins. L’A., tel que le présente déjà sous une forme achevée Le Couronnement de Poppée, de Monteverde (1642), est une scène dramatique dont la coupe musicale est comme dans un drame lyrique moderne, entièrement subordonnée à l’expression des paroles. À la même époque se dessinent cependant d’autre part des formes dominées par les préoccupations exclusivement musicales et dont la plus importante, esquissée par Cavalli dans Serse (1654) et par Carrissimi dans la Cantate Sospiri ch’uscite, s’établit sous l’appellation d’ « A. avec da capo », c’est-à-dire avec reprise « de la tête ». Son plan, schématisé en A-B-A, comportait un thème principal, exposé et orné dans une première partie dont la répétition textuelle servait de conclusion, après qu’une partie centrale, construite sur un thème secondaire et dans un ton relatif, était venue s’y opposer d’une façon plus ou moins contrastée. À l’exemple d’Al. Scarlatti, tous les compositeurs d’opéras italiens du XVIIIe s. adoptèrent cette forme, qui plaisait au public par sa facilité de compréhension, tandis que les chanteurs y exploitaient une mine de succès, par le droit qu’ils s’arrogeaient de varier à leur gré la reprise. Tosi (1723), tout en avouant que ces variations enlevaient aux paroles une partie de leur force, les approuvait et prononçait qu’un chanteur incapable d’embellir le da capo par des artifices favorables à sa voix ne mériterait pas le nom de « grand artiste ». L’opéra italien ne fut bientôt qu’une succession d’A. semblables, réunis par des récitatifs amorphes et dans lesquels on se contentait de modifier les détails : A. cantabile, mélodie coulante avec ornements improvisés ; A. di portamento, avec longues notes tenues ; A. parlante, A. d’agilità, A. di mezzo carattere, A. concertata, avec un instrument obligé, etc. Du théâtre, l’A. avec da capo débordait dans la cantate religieuse de Bach, dans l’oratorio de Hændel. Sa vogue n’était pas encore épuisée au temps de Gluck et de Mozart, mais on lui associait d’autres formes, appelées à le remplacer : l’A. en rondeau, où les multiples retours d’une partie initiale moins développée encadraient des épisodes renouvelés, sur le plan A-B-A-C-A, etc. : l’A. strophique, ou en couplets, réservé d’ordinaire à l’expression des sentiments tempérés, mais qu’un musicien de génie, comme Gluck, dans Orphée (1774), portait à l’émotion tragique ; l’A. continu, d’un seul mouvement et de courtes dimensions, rapproché de l’arioso ; l’A., enfin, en deux mouvements sans reprise, qui fut, durant le XIXe s., le type du « grand air » d’opéra. Il n’est aucune de ces formes qui n’ait, à son heure et sous l’inspiration réfléchie d’un musicien créateur, suffit à contenir les éléments éternels de la beauté musicale, et dans laquelle, en effet, n’aient été coulés d’impérissables chefs-d’œuvre. Si tour à tour elles ont été abandonnées, c’est que, dans le langage des sons comme dans la parole écrite, l’expression des sen-