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CLXIX
QUATRIÈME ÉPOQUE.

Il est surprenant que l’abbé P. Ledru, écrivain ordinairement judicieux et impartial, dans la relation qu’il a donnée de cet événement (Annuaire de la Sarthe, pour l’an X), d’après les mémoires du temps, ait dit que, depuis le 3 avril jusqu’au 11 juillet suivant, époque à laquelle les calvinistes évacuèrent la ville, elle avait été le théâtre de mille scènes indécentes et atroces ; que les places, les rues retentissaient sans cesse de vociférations et d’injures, et que le peuple, soulevé par ses propres magistrats, se permettait tous les excès. Sans doute, quelques écrivains contemporains ont retracé avec détail les scènes de carnage et d’horreur qu’il reproduit et n’invente pas ; mais, comment l’a-t-il pu faire sans leur opposer, au moins, l’assertion contraire d’un annaliste qui ne mérite pas moins de foi que ceux qui se rendent les accusateurs de ces faits ? L’auteur anonyme de l’Invasion de la ville du Mans par les Religionnaires, en l’année 1565, que P. Ledru, lui-même, indique être Blondeau, dit positivement que « les choses eurent lieu d’une autre manière que le peuple le débite, et que ne le racontent ceux qui se vantent d’avoir des mémoires de ce temps-là ; » que cinq semaines se passèrent entre la prise de la ville et le pillage de la cathédrale ; que Bouju, Vignolles et Taron, ce dernier le plus ancien des avocats du roi, gardèrent quelques formalités de justice pour donner des prétextes à leur sacrilège ; qu’il est faux que les religionnaires, « aussitôt qu’ils furent maîtres de la ville, entrèrent à main-armée dans l’église pour faire passer par le tranchant de leur épée les chanoines qui assistaient au service divin ; » que toutes ces histoires, comme celle des chanoines qui prolongent l’office pour retarder l’instant de leur mort, et celle de l’un d’entr’eux qui tire un coup de pistolet sur les assaillans, sont autant de fables dignes de mépris, suffisamment réfutées par l’information qui fut faite par le lieutenant-général Taron, à la requête du doyen de la cathédrale et des pères Jacobins, laquelle enquête, pas plus que