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CLXXIX
QUATRIÈME ÉPOQUE.

seul, près Sablé, et là, attirant chez lui par ruse ou par force ses anciens co-religionnaires, il les faisait jeter dans la Sarthe, rivière qui baignait les murs de son château, ce qu’il appelait les faire boire à son grand godet. Charles IX, qui le visita quelque temps après dans cet antre de carnage, lui ayant demandé combien il avait fait boire de calvinistes dans son grand godet : — « Je n’ai pas fait assez d’attention à cette misère, pour en rendre un compte exact à votre majesté » ; question et réponse bien dignes de celui à qui elle était faite, et du prince qui devait, quelques années après, ordonner le massacre de ses sujets : elle prouve le vice de cœur, la cruauté de caractère dont on a vainement essayé de le justifier.

Le digne lieutenant de Champagne, Joachim de Boisjourdan, seigneur de Bouère, capitaine du château de Sablé, et, comme son chef ayant trahi et déserté le parti qu’il persécutait, exerça contre ce parti les mêmes cruautés : on trouva, dans les fossés de son château, les cadavres d’une cinquantaine de religionnaires qu’il y avait fait noyer.

Les mêmes horreurs se répétaient partout. Un sieur des Fougerais qui, sur l’assurance des lettres d’abolition données par Charles IX, s’était retiré dans sa terre de Marcilly, fut massacré aux environs de sa maison, traîné jusqu’à sa porte où l’on força sa femme à venir, nue en chemise, contempler le cadavre de son époux : on tua devant elle ensuite trois de ses domestiques, après qu’on eût pillé sa maison. À Chahaignes, près la ville de Château-du-Loir, un sieur de Fontaines fut arraché de son lit, traîné dans un champ, près d’un trou de marnière, où l’on jeta son corps après l’avoir tué : sa femme enceinte, qui l’avait suivi pour invoquer la miséricorde des assassins, n’en obtint d’autre grâce que de partager son sort. Charles de Breuil, sieur de la Ripe, lieutenant du prévôt de la province, fut également assassiné près de sa maison de la Roche, dans la paroisse de Pruillé-l’Éguillé.