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CCCXXXII
PRÉCIS HISTORIQUE,

ne quitter la ville qu’à huit heures, s’échappant comme par miracle. C’est cette circonstance qui protégea notre fuite désordonnée, et qui nous préserva d’un massacre général.

« Dès le commencement du combat, nous présagions que l’issue en serait funeste. J’étais logée chez une dame qui était fort riche, fort bien élevée, et très-républicaine. Elle avait une nombreuse famille qu’elle aimait beaucoup et qu’elle soignait avec tendresse. Je résolus de lui confier ma fille : une de ses parentes avait recueilli la petite Jagault. Je la suppliai de s’en charger, de l’élever comme une pauvre paysanne, de lui donner seulement des sentimens d’honneur et de vertu. Je lui dis que si elle était destinée à retrouver une position heureuse, j’en remercierais le ciel ; mais que je me résignais à ce qu’elle fut toujours misérable, pourvu qu’elle fut vertueuse. Cette dame me refusa absolument, et me dit honnêtement que si elle prenait ma fille, elle la traiterait comme ses enfans. Pendant que je conjurais vainement et avec les instances que peut mettre une mère dans pareille circonstance, les cris de déroute commencèrent à se faire entendre ; elle me laissa. Alors, voyant que c’en était fait, n’espérant plus rien, je voulus du moins sauver mon enfant. Je la couchai, à l’insu de tout le monde, dans le lit de la maîtresse de la maison, bien convaincue que j’étais, que cette dame n’aurait pas la cruauté d’abandonner cette innocente créature. Je descendis : on me mit à cheval, on ouvrit la porte. Je vis alors la place remplie d’une foule qui se pressait et se culbutait en fuyant, et dans l’instant je fus séparée de toute personne de ma connaissance. J’aperçus M. Stofflet qui amenait les drapeaux ; je profitai de sa présence pour essayer de me mettre en chemin : je le suivis sur la place par où il fallait aller prendre la route ; je me glissai le long des maisons de cette place, et arrivai à l’entrée de la rue par laquelle il fallait s’acheminer. Cependant, le long du mur des maisons, il y avait un espace libre ; je cherchai à m’y faire passage, mais