Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/270

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dans l’allée des fleurs, ou de passer sous nos marronniers, lorsque le bataillon noir inventa des pantoufles de duvet et des mitaines de velours. Cet expédient prévint une désertion générale.

32. D’espace en espace, on rencontre de grandes volières où sont renfermés des oiseaux tous femelles. Ici, sont des perruches dévotes, nasillonnant des discours affectueux, ou chantant un jargon qu’elles n’entendent pas ; là, de jeunes tourterelles soupirent et déplorent la perte de leur liberté ; ailleurs, voltigent et s’étourdissent par leur caquet, des linottes que les guides s’amusent à siffler à travers les barreaux de leur cage. Ceux d’entre ces guides, ou serinettes ambulantes, qui ont quelque habitude dans l’allée des fleurs, leur en rapportent du muguet et des roses. Le tourment de ces captives, c’est d’entendre passer les voyageurs et de ne pouvoir les suivre et se mêler avec eux. Au demeurant, leurs cages sont spacieuses, propres, et bien fournies de mil et de bonbons.

33. Tu dois connaître maintenant l’armée et ses chefs : passons au code militaire.

34. C’est une sorte d’ouvrage à la mosaïque, exécuté par une centaine d’ouvriers différents qui ont ajouté pièce à pièce des morceaux de leur goût : tu jugeras s’il était bon.

35. Ce code est composé de deux volumes ; le premier fut commencé vers l’an 45,317 de l’ère des Chinois, par les soins d’un vieux berger qui sut très-bien jouer du bâton à deux bouts, et qui fut par-dessus le marché grand magicien, comme il le fit bien voir au seigneur de sa paroisse, qui ne voulait ni le diminuer à la taille, ni l’exempter de corvée, non plus que ses parents. Poursuivi par les archers, il quitta le canton et se réfugia chez un fermier dont il garda les moutons pendant quarante ans, dans un désert où il s’exerça à la sorcellerie. Il assure, foi d’honnête homme, qu’un beau jour il vit notre prince sans le voir, et qu’il en reçut la dignité de lieutenant général, avec le bâton de commandement. Muni de cette autorité, il retourne dans sa patrie, ameute ses parents et ses amis, et les exhorte à le suivre dans un pays qu’il prétendait appartenir à leurs ancêtres, qui y avaient à la vérité voyagé. Voilà mes mutins attroupés, et leur chef qui déclare son dessein au seigneur de la paroisse : celui-ci refuse de les laisser partir, et les traite de rebelles. À l’instant le vieux pâtre marmotte quelques