violence qui ne serait qu’une injure légère dans Taïti, et qui devient un crime dans nos cités.
A. Mais comment est-il arrivé qu’un acte dont le but est si solennel, et auquel la nature nous invite par l’attrait le plus puissant ; que le plus grand, le plus doux, le plus innocent des plaisirs soit devenu la source la plus féconde de notre dépravation et de nos maux ?
B. Orou l’a fait entendre dix fois à l’aumônier : écoutez-le donc encore, et tâchez de le retenir.
C’est par la tyrannie de l’homme, qui a converti la possession de la femme en une propriété.
Par les mœurs et les usages, qui ont surchargé de conditions l’union conjugale.
Par les lois civiles, qui ont assujetti le mariage à une infinité de formalités.
Par la nature de notre société, où la diversité des fortunes et des rangs a institué des convenances et des disconvenances.
Par une contradiction bizarre et commune à toutes les sociétés subsistantes, où la naissance d’un enfant, toujours regardée comme un accroissement de richesses pour la nation, est plus souvent et plus sûrement encore un accroissement d’indigence dans la famille.
Par les vues politiques des souverains, qui ont tout rapporté à leur intérêt et à leur sécurité.
Par les institutions religieuses, qui ont attaché les noms de vices et de vertus à des actions qui n’étaient susceptibles d’aucune moralité.
Combien nous sommes loin de la nature et du bonheur ! L’empire de la nature ne peut être détruit : on aura beau le contrarier par des obstacles, il durera. Écrivez tant qu’il vous plaira sur des tables d’airain, pour me servir des expressions du sage Marc-Aurèle, que le frottement voluptueux de deux intestins est un crime, le cœur de l’homme sera froissé entre la menace de votre inscription et la violence de ses penchants. Mais ce cœur indocile ne cessera de réclamer ; et cent fois, dans le cours de la vie, vos caractères effrayants disparaîtront à nos yeux. Gravez sur le marbre : Tu ne mangeras ni de l’ixion[1], ni
- ↑ Mieux : Ixos, nom d’un oiseau cité dans la Bible.