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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/55

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ture aurait été aussi surprenante, aussi délicieuse, aussi pathétique que le récit de leur voyage ?

Toute cette longue suite de voyageurs européens que l’avidité a conduits dans le nouveau monde ne nous ont appris qu’une chose, c’est jusqu’où la soif de l’or était capable de porter les hommes, jusqu’où elle était capable de les aveugler. Il n’y a sortes d’horreurs que les uns n’aient commises pour s’en procurer, ce qui est moins extraordinaire peut-être encore que notre ivresse, notre étonnement, qui l’ont emporté sur le cri de l’humanité, et ont épargné jusqu’à ce jour aux premiers conquérants de l’Amérique, l’infamie qu’ils méritaient. Les noms de Lima, du Pérou ou du Potose ne nous font pas frissonner, et nous sommes des hommes ! Dirai-je plus ? aujourd’hui même que l’esprit de justice et le sentiment de l’humanité sont devenus l’âme de nos écrits, la règle invariable de nos jugements, je ne doute pas qu’un navigateur qui descendrait dans nos ports avec un vaisseau chargé de richesses notoirement acquises par des moyens barbares, ne passât de son bord dans sa maison au bruit général de nos acclamations. Quelle est donc notre prétendue sagesse ? qu’est-ce donc que cet or qui nous ôte l’idée du crime et l’horreur du sang ? Je connais tous les avantages d’un moyen général d’échange entre les nations, d’un signe représentatif de toutes les sortes de richesses, d’une évaluation commune de tous les travaux ; mais je me demande s’il ne vaudrait pas mieux que les nations fussent demeurées sédentaires, isolées, ignorantes et hospitalières, que de s’être empoisonnées de la plus féroce de toutes les passions.


SUR LES CHINOIS.


Il est bon d’observer que les sciences et les beaux-arts n’ont fait aucun progrès à la Chine, et que cette nation n’a eu ni grand édifice, ni belle statue, ni poëme, ni musique, ni peinture, ni éloquence, au milieu d’un luxe auquel le luxe ancien des Asiatiques pourrait à peine se comparer, avec le secours de l’imprimerie et la communication exacte d’un lieu de l’empire à l’autre, c’est-à-dire avec tous les moyens généraux de l’instruction et de l’émulation. Quand je parle de l’état stationnaire des sciences à la Chine, je n’en exclus pas même les mathéma-