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SUR LA COHÉSION DES CORPS.

rien n’engagerait à la proscrire, pourvu qu’elle s’accordât avec les phénomènes.

Mais c’est précisément là ce qui manque à la double loi dont je viens de parler. Si elle avait lieu, presque tous les corps seraient d’une dureté infinie et rigoureusement parfaite : car on ne saurait douter qu’il ne se trouve dans tous les corps un grand nombre de particules qui se touchent en quelques points. Or il est démontré que si l’attraction qui est entre ces particules, suivait la raison inverse du cube, elle serait absolument infinie aux points où ces particules se touchent ; d’où il suit que ces particules opposeraient à leur séparation une résistance qu’aucune puissance finie ne pourrait vaincre, et formeraient par conséquent des corps parfaitement durs.

Ainsi la difficulté dont il est question, malgré les tentatives qu’on a faites pour la résoudre, semble rester encore tout entière. Eh ! quoi donc, serait-elle insoluble ? On aura de la peine à se le persuader, si l’on considère que plusieurs autres difficultés proposées contre le système de Newton, et qui, au premier coup d’œil, ne devaient pas paraître moins fortes que celle-ci, ont été toutefois pleinement résolues. Il en eût été probablement de même de celle-ci, si, parmi tant de célèbres géomètres qui ont travaillé à perfectionner le système newtonien, il se fût trouvé quelqu’un qui y eût donné une attention suffisante. Mais la plupart ne se sont occupés sérieusement que des phénomènes célestes ; et s’ils ont examiné quelquefois les phénomènes qui donnent lieu à la difficulté présente, ce n’a guère été que comme en passant, et sans les suivre dans leurs détails. En attendant que quelqu’un entreprenne ce travail, j’ose proposer quelques vues très-générales à la vérité, mais capables peut-être de conduire à des idées plus précises. Je ne parle qu’en doutant ; parce que dans une matière comme celle-ci, à moins qu’on ne soit géomètre très-profond, il est très-facile de se tromper.

Il suit de ce que j’ai déjà dit, que la force qui se manifeste dans les cohésions, etc., étant très-finie, même au point de contact, elle est infiniment au-dessous de celle que produirait une attraction en raison inverse du cube, ou de toute autre puissance supérieure au carré. Ne semblerait-il donc pas naturel de penser qu’une attraction en raison inverse du simple