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RÉFLEXIONS

carré pourrait suffire à la produire ? Et si cela était, la difficulté dont il s’agit ici, ne serait-elle pas résolue ? Il est vrai que la disproportion qu’on remarque entre la force de la pesanteur et celle des cohésions, paraît devoir faire rejeter cette idée. Mais, en effet, doit-elle la faire rejeter ? Ces deux forces ne sont pas l’attraction même, mais des effets de l’attraction : car j’appelle attraction l’effort que fait le corps attirant pour faire mouvoir le corps attiré, et je regarde comme l’effet de l’attraction la force avec laquelle le corps attiré est mû en vertu de cet effort. Or il est certain que les effets d’une seule et même cause peuvent varier dans leurs rapports, sans que la cause elle-même varie dans sa loi. Il ne faut pour cela que le mélange de quelques circonstances particulières, qui rendent l’action de la cause tantôt plus simple, et tantôt plus compliquée ; qui tantôt en prolonge et tantôt en raccourcisse la durée ; qui l’applique à son effet tantôt d’une manière, et tantôt d’une autre, etc. C’est ainsi que, dans le choc des corps, une même puissance motrice, suivant la nature des obstacles contre lesquels elle s’exerce, ou le temps et la manière dont elle est appliquée, produit des effets qui sont tantôt dans le rapport des simples vitesses, et tantôt dans celui des carrés des vitesses. Pourquoi n’en serait-il pas de même de l’attraction ? Pourquoi cette puissance, en suivant toujours une même loi, ne pourrait-elle pas, ainsi que l’impulsion, produire dans les corps sur lesquels elle se déploie, des effets, des forces qui ne suivissent pas le même rapport, si, par le concours de quelques circonstances particulières, son action se trouvait diversement modifiée ?

A ne considérer donc les choses qu’en général, il ne paraît pas impossible que la force qu’on observe dans les cohésions, etc., et celle de la pesanteur, quelque disproportion qu’il y ait entre elles, ne puissent être produites par une même attraction agissant en raison inverse du carré.

Pour s’assurer si la chose est véritablement ainsi, il faudrait entrer dans des détails où je ne me suis pas proposé d’entrer. J’ai averti que mon dessein était de me borner à des vues générales. Je me contenterai donc de faire remarquer dans les cohésions quelques circonstances particulières, à raison desquelles l’attraction en raison inverse du carré semble devoir.