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SUR LES PROBABILITÉS.

On insiste et on lui dit : Les combinaisons croix ; pile-croix ; pile-pile ; sont les seules possibles. — D’accord. — Mais la probabilité d’amener croix au premier coup est égale à celle d’amener pile au premier coup. — Je l’avoue. — Or, la probabilité d’amener pile au premier coup est double de celle d’amener pile au premier coup et croix au second, ou pile au premier coup et pile au second. — Je l’avoue. — Donc… — Je nie la conséquence.

L’argument n’est pas en forme. Le moyen terme, le terme de comparaison n’est pas le même dans la majeure et dans la mineure. Ce moyen terme dans la majeure, c’est probabilité d’amener pile au premier coup, avant d’avoir joué ce premier coup ; dans la mineure, c’est probabilité d’amener pile au premier coup, comparée à probabilité d’amener croix ou pile au second coup. Or probabilité suppose ici le premier coup joué et pile amené, donc amener pile au premier coup n’est plus probabilité, mais certitude. En un mot, il y a cette différence entre croix et pile, au premier coup, que croix amené, plus de second coup ; pile amené, second coup nécessaire. Et puis, pourquoi le coup pile-croix ne serait-il pas un peu plus probable que le coup pile-pile ? Pile-pile est deux fois de suite le même événement. Si les probabilités de pile-croix et de pile-pile sont inégales, alors j’avoue, dit M. d’Alembert, que le rapport des mises ne sera ni de 3 à 1, comme on le veut, ni de 2 à 1, comme je l’ai cru. — Qu’est-il donc ? — Peut-être incommensurable, inappréciable. — Et cela supposé, que devient l’analyse des probabilités ? — Ce n’est pas mon affaire. Ce que j’aperçois, c’est que la règle générale selon laquelle on détermine le rapport des probabilités, n’est pas exacte ; qu’une théorie satisfaisante des probabilités suppose la solution de plusieurs questions peut-être insolubles, comme d’assigner le rapport des probabilités dans les cas qui ne sont pas, ou qu’il faut regarder comme n’étant pas également possibles ; de fixer quand la probabilité est assez petite pour être traitée de nulle ; enfin, d’estimer la mise selon la probabilité plus ou moins grande.

M. d’Alembert prétend que la combinaison a a a a a a est moins possible que la combinaison a a b a b a. J’avoue qu’abstraction faite de toute cause physique, qui favorise l’une ou l’autre, cette proposition me paraît encore vide de sens.