Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IX.djvu/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
208
SUR DEUX MÉMOIRES DE D’ALEMBERT.

sur l’expérience de M. Tronchin, que l’inoculation n’enlève pas un malade sur 1,500 ; sur la pratique de Ramby, qu’elle n’en enlève pas un sur 1,200 ; sur l’usage des Orientaux, qu’à Constantinople elle n’en prend pas un sur 10,000.

Si donc, lorsque M. d’Alembert lut son Mémoire publiquement, il s’était trouvé dans l’assemblée quelque homme de tête qui l’eût arrêté et qui lui eût dit : « Monsieur, vous traitez une matière qui est d’une extrême importance pour ceux qui vous écoutent. Il s’agit de leur vie présente et de celle de leurs enfants. Il ne faut pas que vous leur en imposiez, et je vous préviens que vous leur en imposerez, si vous partez de l’hypothèse que le risque de la petite vérole naturelle est au risque de la petite vérole artificielle comme 300 à 7 ; » je ne doute point que cette interruption n’eût arrêté M. d’Alembert tout court, quoi qu’il en soit du rapport des deux risques dont il s’agit.

M. d’Alembert remarque que, quelque petit qu’on suppose le risque de l’inoculation, on le court en quinze jours ou un mois, au lieu que l’autre, répandu sur tout le temps de la vie, en devient d’autant plus petit pour chaque année, pour chaque mois.

« Il se peut que celui qui se fait inoculer risque plus durant le mois de son inoculation que celui qui attend la maladie ne risque dans le même intervalle de temps. Mais le mois de l’opération et de ses suites passé, le risque cesse absolument pour l’inoculé ; il dure et s’accroît même pour l’autre. »

Donc, reprend M. d’Alembert, pour fixer ce qu’on gagne ou ce qu’on perd à l’inoculation, il ne suffit pas d’avoir égard au danger que l’on court en un mois par la petite vérole naturelle, mais il faut ajouter à ce danger celui de mourir de la même maladie dans les mois suivants, jusqu’à la fin de la vie. Or, nulle observation sur le danger de mourir de la petite vérole naturelle dans l’espace d’un mois ; et quand on pourrait apprécier ce danger pour chaque mois en particulier, impossibilité peut-être d’estimer ensuite le danger total soit de la somme de risques particuliers dont la valeur s’affaiblit par l’éloignement qui les rend incertains et moins effrayants, et par le temps qui précède et durant lequel on jouit de la vie.

M. Bernoulli[1], qui a vu la chose en grand, comme il con-

  1. Daniel.